Claudine Vuillermet

Le voyage Nation Etoile, ligne six

Lundi 21 mars 2016. Nous nous retrouvons Chez Prosper, avenue du Trône. Nous prenons un café au bar. Il y a des défections. Nous ne sommes que cinq. Nous partons vers dix heures trente. Nous nous dirigeons vers la place de la Nation et nous entrons dans la première bouche de métro. En fait, cette entrée mène directement au RER. Pour rejoindre le quai de la ligne six, il faut marcher, marcher sous terre. Couloirs interminablement labyrinthiques, escaliers mécaniques. Sous la place de la Nation, nous allons. Chemin faisant, nous conversons. Enfin, nous arrivons sur le quai, avec, comme dans toutes les gares têtes de ligne, un train de chaque côté. On monte donc côté départ dans le wagon de queue. Je m’assoie. Toutes les cinq, nous nous asseyons. Il y a peu de voyageurs. Départ. Dans le tunnel, ça grince, ça quine, ça tangue. C’est difficile d’écrire. Parce qu’en fait, nous avons toutes le cinq sorti notre petit cahier ou carnet ou autre papier avec stylo. Le train file. Tout en cahotant, il roule. C’est avec une certaine rapidité poussive, que le voyage RATP rive gauche commence. Dans la rame, nous sommes cinq à écrire. Nous sommes assises. Station Picpus, un homme descend, nous sommes à la station Picpus-Courteline. Sommes nous courtelinesques avec nos stylos ! Après Courteline, le ciel par delà le toit, le métro devient aérien. C’est tellement aérien que nous arrivons à la station Bel Air. En fait, c’est belairement mais fugitivement aérien car nous voilà aussitôt sous terre. Tunnel sombre jusqu’à Daumesnil. Daumesnil rien à signaler. Félix Boué petite musique, quelqu’un joue de la flûte. Puis vient Dugommier. Personne sur le quai, il est dix heure quarante, les chiffres sont affichés sur le panneau électronique. Dix heures quarante, heure creuse, il y a peu de voyageurs dans le wagon. Ils sont tous assis. Il y a même de nombreuses places libres. Tout près, un homme avec capuche dort. Assis sur un strapontin un peu plus loin, un autre lit son journal. Pour une fois, je ne suis pas assise à côté d’un voyageur pianotant sur la petite vitre digitale. Forcément à côté, comme moi, elles écrivent. Bercy. Un homme avec bagage monte. Bercy gare, annexe de gare de Lyon. Mais Gare de Lyon c’est sur la ligne une, ici, c’est la six. A Bercy, sur le quai, peu de voyageurs, à proximité de la gare SNCF, même les voyageurs au long-cour sont rares. Après Bercy, le ciel à nouveau avec le stade puis le pont sur la Seine, les péniches et plus loin le pont suspendu qui porte le nom de Simone de Beauvoir. De l’autre côté de la Seine, en fait, nous ne faisons qu’arriver rive gauche, de l’autre côté donc, la station Quai de la gare avec un peu plus de monde dans le wagon et aussi sur le quai, il semblerait que Paris s’éveille. A la station Chevaleret, mon regard se pose sur l’architecture avec piliers, les carreaux de faïence blancs et les plaques bleu avec lettres blanches, puis de chaque côté les tours du treizième, ville nouvelle déjà délabrée. Nous arrivons à la station Nationale. Nous avons quitté la station Nation, il y a environs dix minutes, nous sommes à Nationale. Dans un jardin en contrebas, des enfants jouent. Et la rame, elle, rentre sous terre.

Sous la place d’Italie, nous sommes. Sur le quai, des SDS sont regroupés, assis, allongés, debout, à côté d’eux, le barda. Et de l’autre côté de la place, c’est la lumière du jour à nouveau avec très vite la station Corvisart. Tous ces noms, les uns après les autres. L’histoire de ces noms là. Lieux. Hommes. Femmes. Rarement des femmes. Très rarement des femmes. Le métro a été pensé, construit à une époque où les femmes n’existaient pas. Je veux dire en tant que personnes à part entière. Bon, elles étaient là, nos mères, grand-mères et autres arrièregrand-mères, elles devaient bien être quelque part. Être ! Mise au monde, croître, se faire épouser, donner naissance, travailler parfois…mais laisser un nom derrière soi !... La grande Simone a son pont. Il est vrai qu’avant elle… pas vraiment de deuxième sexe !? Bon. Je m’égare. … De chaque côté, toujours les tours, immeubles rectilignes et froids. Nous arrivons à Saint Jacques. Lequel ? Tiens sur les murs de cette sainte station, pas la moindre pub, juste des vitres sur la pierre et à nouveau, nous roulons sous la terre. Sous la place Denfert Rochereau, sous le lion de Belfort, nous allons. Pour moi, le lion de Belfort, ce sont les étudiants qui grimpent, c’était en mille neuf cent soixante huit, c’était la plus grande manif, celle où les ouvriers avaient rejoint les étudiants, celle où les manifestants avaient dû attendre des heures avant de se mettre en branle. Tandis que le début du cortège était déjà en train de se disperser, il y avait ceux qui, au centre de la place, sur le lion, attendaient encore. Raspail. Edgar Quinet. Tous ces noms. Les uns après les autres. Et les voyageurs dans la rame. Ils commencent à être plus nombreux. Montparnasse-Bienvenue. Ça descend. Ça monte. Gare SNCF. Gare RER. Station RATP. Réseau qui tisse sa toile. Montparnasse Bienvenue, on quitte le quatorzième. A Montparnasse, commence le quinzième. Pasteur et le ciel à nouveau. A gauche, le lycée Buffon, où Sartre dans sa jeunesse enseigna, une vieille histoire qu’on m’a racontée. Sèvres-Lecourbe, Canbronne, la Motte Piquet-Grenelle, derrière les immeubles, j’aperçois la Tour Eiffel. Dupleix, Bir-Hakem, le long de la ligne, les immeubles toujours, d’un côté immeubles anciens et de l’autre côté immeubles récents. A l’emplacement des immeubles plus récents, je me souviens le Veld’Hiv. Je me souviens. Qui se souvient ? Je veux dire même ceux qui se souviennent, savent-ils que c’était là, sur le boulevard, juste avant la station Bir-Hakem. Nous traversons un pont à nouveau. D’un côté la Tour Eiffel sur ses pieds et de l’autre côté l’île aux Cygnes. Nous arrivons rire droite. Rive droite, nous sommes dans le seizième. Passy. Trocadéro. Je me souviens le TNP de Vilar. C’est à la station Trocadéro qu’on descendait. Trocadéro, mes premiers souvenirs de théâtre. Les voyageurs sont nombreux à monter et descendre. A cause de cette vue magnifique sans doute, depuis la colline du Trocadéro, une vue imprenable sur l’édifice le plus connu de la capitale. Et dans la rame, là, une femme passe. Elle fait la manche. Elle n’harangue pas la foule mais s’adresse directement aux voyageurs assis là. Certains lui donnent une pièce. Boissière, bifurcation importante sous terre, puis après la station Kléber, dans les tunnels, les voies ferrées se doublent, se triplent, les rails se multiplient, le train file. A nouveau ça grince, cahote, cahin caha, notre train longe d’autres trains à l’arrêt. Ça ralentit. Etoile. Nous sommes arrivés à la Station Charles de Gaulle Etoile. Trente minutes environs, le voyage Nation Etoile ligne six, a duré trente minutes environ.

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Sous la place d'Italie, nous sommes. Sur le quai, des SDS sont regroupés, assis, allongés,. debout, à côté d'eux, le barda. Et de l'autre côté de la place, c'est la ...

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