actualités

Terre Les plaques vieillissent Les grandes fosses océaniques, qui se forment quand une plaque plonge sous une autre dans le manteau terrestre, ne sont pas statiques. Celle des Mariannes, la plus profonde du monde, progresse aujourd’hui vers la plaque Philippine, la plaque Pacifique se plissant comme un tapis. Mais il y a 55 millions d’années, elle reculait. Selon Claudio Faccenna, de l’université de Rome, et ses collègues, cette inversion du mouvement de la plaque Pacifique est due à son âge. Elle devient de plus en plus résistante au pliage. C. Faccenna et al., EPSL, doi:10.1016/j. epsl.2009.09.042, 2009.

Les dessous hawaïens Il existe bien un énorme panache de magma sous les îles hawaïennes. Pour le prouver, les géophysiciens ont installé de nombreux sismomètres dans les fonds sousmarins alentours et sur les îles elles-mêmes. Puis ils ont analysé la vitesse de propagation des ondes sismiques sur une région de 1 000 kilomètres de rayon centrée autour d’Hawaï. Les ondes se déplaçant moins vite dans les milieux chauds, ils ont visualisé la forme du panache jusqu’à 1 500 kilomètres. Il remonte du manteau inférieur verticalement puis, en atteignant 200 kilomètres de profondeur, s’étale « comme un pancake ».

Et la Méditerranée se remplit géologie

La Méditerranée s’est évaporée il y a un peu moins de 6 millions d’années. Mais, en moins de deux ans, elle s’est à nouveau remplie. La géologie du détroit de Gibraltar nous en raconte l’histoire.

I

l y a 5,33  millions d’années, les eaux de l’océan Atlantique trouvèrent un chemin dans le détroit de Gibraltar, remplissant la Méditerranée qui s’était presque évaporée. Selon une équipe francoespagnole, cette remise à flot s’est déroulée en moins de deux ans [1]. Avant son évaporation, la Méditerranée était reliée à l’Atlantique par au moins deux corridors, au Maroc et en Espagne. Sous la poussée de la plaque africaine, ces passes se sont fermées. Il y a 5,66 millions d’années, seuls les fleuves déversaient leurs eaux douces dans la grande bleue. L’eau salée s’est évaporée, laissant derrière elle des couches de roches salines, les évaporites. Le niveau de la mer a baissé de 1,5 à 2,7 kilomètres, les grands fleuves ont érodé leur lit en formant d’énormes canyons, la mer

Almería

© ALEXANDRE LETHIERS/ ISTEP

En bref

Málaga Nador

Les mesures sismiques et géologiques effectuées dans le détroit de Gibraltar (en couleur) montrent l’existence d’un long chenal de 200 kilomètres de long, alors que le niveau de la Méditerranée était très bas.

Noire s’est asséchée. Seuls quelques lacs parsemaient alors le fond marin. Chenal en U. Trois cent trente mille ans plus tard, la Méditerranée se remplit à nouveau. À la vue des forages et des mesures sismiques effectués dans le détroit de Gibraltar, on en sait un peu plus sur cette remise en eau. Les données montrent l’existence, dans le détroit, d’un long chenal d’au moins 200 kilomètres de long sur 6 de large. Selon Daniel GarciaCastellanos, de l’institut des sciences de la Terre JaumeAlmeira de Barcelone, et ses collègues, la forme du chenal en U et sa présence des deux côtés du détroit indiquent

qu’un mécanisme d’érosion fluviale a creusé la roche. Ils précisent l’événement grâce à l’utilisation d’un modèle d’incision des roches par des eaux fluviales, mis au point par des hydrologues pour les fleuves de montagne. En partant d’un filet d’eau qui trouva son chemin quand l’érosion des fleuves de chaque côté du Détroit ouvrit une petite passe, le modèle montre que l’eau a d’abord érodé lentement le mont Tartesos, le plus haut lieu sous-marin du détroit. Puis l’érosion et le flot d’eau ont grossi de plus en plus vite. La Méditerranée occidentale s’est remplie à 90 % en moins de deux ans. Durant cette phase, le débit était tel que le niveau de la

C. Wolfe et al., Science, 326, 1388, 2009.

Sur le web www.ineris.fr/substances L’Ineris a mis en ligne une nouvelle version de son site sur les substances chimiques. Un moteur de recherche unique permet de retrouver leurs données toxicologiques, écotoxicologiques et technico-économiques. Très utile pour ceux qui suivent l’avancée des dossiers européens Reach d’enregistrement des substances chimiques. 16 • La Recherche | février 2010 • nº 438

zoom

  Les nuages érodent

Quand un relief s’élève et bloque les nuages, la ligne de crête bouge vers le versant le plus aride. C’est ce que montrent les expériences de Stéphane Bonnet, du laboratoire géosciences de Rennes. Il a fabriqué des minireliefs dont il a arrosé un versant de fines gouttelettes, a observé le déplacement de la ligne de crête (de gauche à droite) à mesure que le relief s’élève et a décrit comment les bas-

sins versants de la face aride se subdivisent. Ce modèle de laboratoire s’applique bien à la sierra Aconquija, dans les Andes. Stéphane Bonnet peut ainsi dire que la ligne de partage des eaux de ce relief a migré d’un millimètre par an depuis 3 millions d’années. Une vitesse du même ordre de grandeur que celle du soulèvement des montagnes. S. Bonnet, Nature Geosciences, 2, 766, 2009.

462, 778, 2009. [2] F. Bache et al., EPSL, 286, 139, 2009.

est une extraterrestre Questions à l’expert

Bernard Marty est professeur à l’École nationale supérieure de géologie et directeur du centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS) de Vandœuvre-lès-Nancy. Une équipe anglaise montre que la composition du manteau terrestre en krypton est différente de celle de l’atmosphère, mais proche de celle des météorites [1]. Qu’est-ce que cela implique ? B.M. C’est l’ultime coup porté à l’idée que la première atmosphère de la Terre provient du dégazage des composés volatils piégés dans le manteau terrestre au moment de sa formation. Cette hypothèse émise dans les années 1970 avait été mise à mal lorsque les scientifiques avaient découvert que la teneur du manteau dans les différentes formes du néon (ses isotopes), puis du xénon, différait de celle de l’atmosphère actuelle. Non seulement Greg Holland et ses collègues de l’université de Manchester, en Grande-

Bretagne, montrent que la distribution des isotopes d’un troisième gaz rare, le krypton, est également différente, mais ils apportent une autre information essentielle : sa composition dans le manteau apparaît plus proche de celle des météorites primitives (et plus précisément des chondrites carbonées) que de celle du Soleil. En d’autres termes, les gaz du manteau ne proviennent pas de la nébuleuse solaire primitive, mais de l’accrétion précoce de matériaux rocheux. Les données disponibles jusqu’à présent ne permettaient pas de trancher. Comment les chercheurs ont-ils procédé ? B.M. Ils ont mesuré les concentrations des différents isotopes du krypton dans des gaz magmatiques issus du manteau terrestre. Jusqu’à présent, les chercheurs analysaient les gaz contenus dans des roches issues du manteau, mais ces gaz rares étaient très peu présents, ce qui empêchait une analyse isotopique précise. Les chercheurs anglais ont analysé des gaz naturels riches en CO2 originaires du manteau, pour lesquels ce problème d’abondance ne se pose pas. La précision obtenue

a permis de trancher entre les deux origines possibles. D’où vient l’atmosphère actuelle ? B.M. Elle peut provenir de gaz contenus dans les météorites ou issus de la nébuleuse solaire. Ils auraient été capturés dans les petites planètes qui se sont agglomérées pour former la Terre. Ces gaz ont dû être modifiés en fonction de processus spécifiques. Par exemple, il est possible que l’atmosphère primitive de la Terre était beaucoup plus volumineuse qu’actuellement et qu’elle se soit échappée sous l’effet de sa propre chaleur ou par irradiation ultraviolette du jeune Soleil. Les impacts de corps célestes de masse importante sur la Terre naissante, comme celui qui aurait formé la Lune, ont également pu changer la composition de l’atmosphère. De notre côté, nous venons de montrer que les gaz volatils majeurs de l’atmosphère sont issus d’une source météoritique [2]. Il faut donc envisager plusieurs sources et plusieurs processus pour fournir les abondances et les compositions isotopiques des gaz atmosphériques. n Propos recueillis par Fabienne Lemarchand [1] G. Holland et al., Science, 326, 1522, 2009. [2] B. Marty et al., Geochimica et Cosmochimica acta, 314, 340, 2010.

© GéOSCIENCES RENNES ( INSU-CNRS/RENNES-I)

[1] D. Garcia-Castellanos et al., Nature,

Géochimie L’atmosphère

© dr

Méditerranée aurait monté de 10 mètres par jour ! Quand le niveau atteignit la passe de Sicile, l’eau se déversa dans la Méditerranée orientale, deux fois plus profonde. « Nos données géologiques montrent effectivement l’existence de ce chenal d’érosion, raconte Christian Gorini, de l’Institut des sciences de la Terre de Paris et coauteur de l’étude. Sa forme en rampe douce indique que le remplissage ne s’est pas fait en une mégacascade comme on le pensait, mais par un fleuve 1 000 fois plus puissant que l’Amazone. » La durée du phénomène est incertaine, car le modèle d’érosion utilisé n’est pas adapté à ce type de relief, et il ne prend pas en compte de nouvelles données. Par exemple, une ligne de rivage a été observée 800  mètres sous le niveau actuel [2]. Elle daterait de 5,46  millions d’années. Et la quantité d’évaporites retrouvées au fond de la Méditerranée montre qu’il a fallu l’évaporation de 8 fois le volume d’eau actuel pour les créer. L’assèchement, comme la remise en eau, ne s’est donc pas produit une seule fois durant la période. n Jacques-Olivier Baruch

nº 438 • février 2010 | La Recherche • 17