Bangui, le 26 octobre 2013 Un bonjour à vous tous ! Depuis 2 mois, la liaison Internet est devenue très sportive avec l’équipement disponible ici. Malgré tout, j’ai trouvé souvent des petits messages des uns et des autres, demandant des nouvelles et disant votre soutien. Je n’ai pas pu y répondre au fur et à mesure, excusez-moi de le faire de façon collective aujourd’hui ; c’est l’occasion aussi de vous donner quelques nouvelles. Un grand merci pour votre amitié, c’est précieux ! Les dernières nouvelles remontent à mai, c’était quelques semaines après le coup d’Etat, au plus fort des troubles. Nous voulions à ce moment là faire savoir ce qui se passait chez nous. Vous avez peut-être pu lire, depuis, des échos dans notre petit journal Be Oko. Aujourd’hui, 7 mois après le coup d’Etat, le pays est toujours dans le marasme, et certaines régions dans le chaos de la violence aveugle, avec un risque encore réel dans certains lieux de dérapage vers un conflit interreligieux entre Chrétiens et Musulmans, à cause de l’amalgame qui a été fait entre Islam et les nouveaux-venus au pouvoir (issus d’une rébellion provenant d’ethnies musulmanes ou de mercenaires tchadiens et soudanais). Alors que depuis des décennies, les musulmans d’ici, d’origine sénégalaise, malienne etc… en Centrafrique depuis plusieurs générations, et ceux arrivés plus récemment, vivaient en bonne entente avec la population centrafricaine de souche. Vous avez eu vent, sans doute, des atrocités qui ont eu lieu dans plusieurs villes du Nord-Ouest (Bossangoa, Bouca…), et d’autres foyers de violence dans le pays depuis un mois. Il suffit d’une allumette pour mettre le feu aux poudres, les gens sont sur les nerfs. Ici et là, des milices villageoises se sont organisées pour contrer les exactions de la Seleka qui continue de terroriser et d’affamer les populations (vol des petits et gros bétails, peur qui empêche les gens d’aller cultiver leur champ). Ces milices sont composées de paysans, souvent des jeunes, qui se sont préparés à riposter avec des armes traditionnelles et des méthodes tout aussi barbares que celles de leurs ennemis. Résultat : des règlements de compte sauvages ici et là, des populations endeuillées et encore plus traumatisées. A Bossangoa, depuis des semaines, il y a presque 40 000 personnes (catholiques et protestants) réfugiées à l’évêché pour se mettre à l’abri de nouveaux massacres, et aussi parce que leurs maisons ont été incendiées ; ces familles vivent de rien, à même le sol, sous les fortes pluies de ces semaines-ci, à la merci des épidémies. Même scenario dans une école où se sont réfugiées plusieurs milliers de familles musulmanes, et encore ailleurs les Peuls (éleveurs nomades). Des collectes de toutes sortes de choses ont été faites à Bangui pour leur venir en aide. Comme disent les apôtres à Jésus devant les 5 pains : qu’est ce que cela pour tant de monde ? Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières. Ce qui est sûr, c’est que depuis le début du conflit, nos évêques (particulièrement celui de Bangui) se sont énormément engagés pour apaiser les ardeurs violentes d’où qu’elles proviennent. Et ils sont écoutés comme des sages… Dès les premières semaines du conflit, a été mis en place au niveau national un comité de responsables religieux : un Imam, l’Archevêque de Bangui et 2 pasteurs représentant les Eglises évangéliques. Ils ont beaucoup réfléchi, parlé aux populations, rencontré les Autorités politiques, se sont déplacés sur les lieux de crises. Localement, des initiatives se prennent dans le même sens. Aujourd’hui, le pays va mal, mais ce serait sans doute une horreur bien pire si les responsables religieux n’étaient pas intervenus comme ils l’ont fait courageusement : avec une parole forte et tenace face aux gouvernants et avec des initiatives de soutien concret et de paix auprès des populations. Tous ces mois de crise militaro politique se sont déroulés dans la quasi ignorance de la Communauté internationale et son désintérêt, cela malgré les campagnes de sensibilisation venant de la diaspora centrafricaine, d’associations et ONG. En septembre, plusieurs ONG connues ont rencontré le Président français. Par la suite, en marge de l’AG de l’ONU à New York, fin septembre, s’est tenu un mini sommet sur la situation en RCA. Cela a permis une prise de conscience de la gravité de la situation pour la population centrafricaine, et aussi du risque de répercussion sur toute l’Afrique Centrale (ce dernier élément a pesé dans la balance). Du coup, la résolution de l’ONU adoptée a donné un peu d’espoir chez nous : surtout pour la sécurisation du pays. Des renforts de l’Union Africaine et de l’ONU devraient arriver… dans les mois à venir… Déjà, le désarmement à Bangui se fait peu à peu depuis le début de ce mois… et ce n’est pas un vain mot ! Ceci dit, on ne peut s’empêcher de penser : pour une arme saisie ou un combattant désarmé, combien

se volatilisent? Mais au moins, ça fait chuter le nombre d’hommes armés en ville puisqu’ils ne sont plus autorisés. L’opération est confiée à la FOMAC (force d’Afrique Centrale). En province, rien n’est encore organisé, mais il en est question… progressivement… En attendant, partout, les populations sont à la merci des événements et de l’humeur souvent réactive des autorités en place, dont un grand nombre n’ont ni formation ni moralité… ni connaissance du sango ou du français (aux barrières routières, il faut souvent un interprète au ‘colonel’ qui parle arabe). Il y a un beau reportage sur la situation à Bossangoa sur le site de France 24, je pense. Sinon, les sites de RFI, Radio Ndeke Luka (une radio locale), Centrafrique presse donnent des nouvelles régulières. Les gens souffrent beaucoup. Les salaires sont payés difficilement et avec retard. L’Etat vient de payer 2 mois d’arriérés, il reste encore 3 mois en attente. L’économie du pays, et celle des familles, déjà précaire en temps normal, s’est effondrée. Beaucoup, beaucoup de gens vivent au jour le jour, avec un seul repas quotidien dans le meilleur des cas, redoutant une crise de palu à soigner ou un autre imprévu familial qui causerait le désarroi : pas d’argent, que faire ? Nous, les Petites Sœurs, nous sommes là. Présentes à cette réalité par le travail pour certaines, par l’écoute et le soutien de différentes manières pour d’autres, par la prière. L’élan de générosité d’amis français nous a permis aussi de procurer une aide matérielle à des familles durement éprouvées, à des blessés enfants et adultes…., occasion d’offrir aussi une présence. Mais la plupart du temps, nous nous sentons bien petites, bien démunies devant la situation. Le plus important est de la partager en étant là simplement. Pour ma part, je vous avais dit que je devais partir en province. Les événements ont retardé notre départ. Nous devions depuis plusieurs mois, ouvrir une nouvelle fraternité dans le diocèse de M’Baïki (sud ouest du pays, zone de forêt équatoriale, avec la réalité de nombreux campements Pygmées, population encore discriminée). Une belle région, un village accueillant avec plein de choses passionnantes à faire. Après une attente qui s’est prolongée, le départ est proche : c’est pour les premiers jours de novembre, normalement. Nous partons à quatre : 3 petites sœurs centrafricaines et moi française. Nous travaillerons surtout dans la santé, l’éducation (école, mais aussi présence aux jeunes et aux femmes), et la pastorale. Nous y sommes allées deux fois déjà, pour quelques jours. Et puis, cette semaine, nous étions à M’Baîki pour une session avec tous les ‘acteurs pastoraux’ du diocèse (vaste bien sûr…. les paroisses aussi sont très étendues, avec de nombreux villages plus ou moins accessibles en saison des pluies). Depuis le début de l’année, la vie était vraiment ralentie, beaucoup d’habitants dispersés en brousse… Aujourd’hui, la vie reprend. Cette région est restée relativement épargnée par les violences. Aujourd’hui, le village est calme ; tout le monde nous attend avec impatience ; donc, nous partons. Je vous en dirai davantage plus tard. C’est à 260 kms de Bangui environ, avec 150 kms de piste bien dégradée comme le sont la plupart des routes de province en ce moment. Les 4 roues motrices sont de rigueur ; en prenant son temps, on y arrive. Comme il y a une entreprise d’exploitation forestière, nous espérons qu’à la reprise de ses activités, elle nivelle un peu la piste. Ne soyez pas étonnés si je reste silencieuse. Depuis le coup d’Etat, il n’y a plus de réseau téléphonique là bas, donc pas non plus d’internet. Par la suite, quand ce sera rétabli, il devrait y avoir une possibilité de connexion de temps en temps avec patience. Mais de toute façon, parfois il me faudra revenir à Bangui pour des nécessités de congrégation. je trouverai toujours bien vos mails. J’avais l’habitude de partager quelques nouvelles à Noël. Cette année, je ne suis pas sûre de pouvoir le faire, alors cette petite bafouille vous apporte aussi mes meilleurs vœux. Avec beaucoup d’avance…. joyeux Noël et bonne année ! De bonnes choses à tous en famille et dans vos activités. Nzapa a bata ala kwe si a mu na ala siriri, que Dieu vous bénisse et vous donne la paix. Isabelle

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