Enjeux  des  technologies  en  santé  :   Gouvernance  autoritaire  ou  démocratie   sanitaire  ?   Par Robert PICARD, Référent Santé du Conseil Général de l’Economie Ministère de l’Economie et des Finances Co-fondateur du Forum des Living Labs Santé Autonomie - Forum LLSA

Les technologies accompagnent depuis longtemps la médecine et la chirurgie. Elles ont permis au siècle dernier des progrès considérables en termes de santé publique. Mais aujourd’hui, l’approche statistique qui a guidé ces avancées trouve ses limites. La personne du patient réapparaît et de nouvelles technologies contribuent à lui rendre la main. Comment gérer cette tension entre la technologie normative visant à mettre sous contrôle un système de santé déficitaire et la technologie participative que s’approprie le citoyen-patient ? Une approche nouvelle de « conception ouverte » des solutions technologiques qui requiert l’engagement de l’usager, son écoute par les autres parties prenantes, l’écoute aussi du professionnel dans son activité clinique pourrait faire émerger un nouveau système de santé.

1. Technologies dans la santé : rétrospective et réalité actuelle1 1.1. Au début était l’art du soin Les êtres humains naissent, vivent et meurent selon un processus plus ou moins rapide au cours duquel la santé se dégrade du fait de maladies, de dérèglements ou d’accidents. L’humanité tente de résister à ce processus, et d’en minimiser les effets, en mobilisant des compétences, des substances et des outils. Historiquement, les connaissances pour ce faire étaient souvent incertaines et diffuses. Les plantes et les poisons, certains gestes, une hygiène de vie… Dans certains pays, comme la Chine, des pratiques dites « douces »2 se sont accumulées au fil des siècles, dans lesquelles les populations ont confiance, et que la science occidentale interpelle, parfois sans avoir le dernier mot... Dans le monde occidental, le « barbier » est devenu chirurgien en mobilisant des outils (le scalpel…) et en développant par une pratique réflexive le sens du geste efficace. Toutefois les compétences attendues du médecin sont aussi celles de l’écoute de la plainte, de la recherche de sens face à la maladie, et de l’expression d’une empathie assortie d’une observation attentive, éventuellement outillée (le stéthoscope…) et de gestes aptes à soulager, faute de pouvoir toujours guérir.

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Cette partie est fortement inspirée du Rapport CGEiet « Technologies et connaissances en santé », décembre 2013, (Picard, Serveille, Vial) www.cgeiet.economie.gouv.fr , et s’agissant de cette rétrospective médicale, d’Antoine Vial, expert en Santé publique 2

Ce terme ne signifie pas qu’elles soient toujours indolores, ou sans danger…

1.2. De l’objectivation en médecine Le développement, à partir du siècle des Lumières, d’une pensée scientifique à la recherche d’une compréhension du monde, d’objectivation, d’anticipation et de mesure des effets des interventions humaines a progressivement changé la donne. Les technologies ont pris une place dans cette problématique de maintien ou de restauration d’un bon état de santé. Mais c’est la découverte de substances actives efficaces qui a véritablement transformé le paysage, tandis que les moyens d’investigation, grâce aux progrès de l’électronique et des TIC, produisent des sources inépuisables de connaissances nouvelles sur le fonctionnement et les dysfonctionnements du corps humain. 1.2.1. Objectiver la plainte : le symptôme et l’observation clinique Les années 1940 peuvent être vues comme la période clé de cette transformation, avec l’arrivée des premiers antibiotiques qui guérissent presqu’à coup sûr les infections. Un vrai « miracle »3, autant pour les malades que pour les médecins. Depuis, ces derniers ont à leur disposition des données cliniques structurées, des guides, grilles, échelles d’observation clinique informatisés pour faciliter la saisie de l’examen de l’état physique, du comportement psychologique et cognitif des patients à partir de l’entretien, de l’examen clinique réalisé par le médecin et les paramédicaux : infirmiers, kinésithérapeutes, etc.… On dispose également de systèmes de saisie automatisée des résultats des examens, de biologie comme de radiologie. 1.2.2. De la clinique à la statistique Des conférences de consensus sont tenues régulièrement de par le monde pour faire le point sur un traitement et/ou une pathologie pour accompagner cette évolution. Des exigences nouvelles d’efficience démontrée sont apparues : il s’agit, devant la prolifération de remèdes et techniques efficaces et globalement de plus en plus coûteux, d’argumenter les choix médicaux et de rationaliser la dépense publique, principale source de financement de ces développements. Ainsi est née l’ « evidence based medicine » - EBM - improprement traduite « médecine basée sur les faits », qui vise à l’origine à appuyer une prise en charge par un avis convergent d’experts. Ce qui est attendu des soignants c’est qu’ils prodiguent des soins fondés sur les données acquises de la science (obligation de moyens). Des décisions médicales ainsi fondées sur un savoir professionnel – on utilise le terme de « recommandations » - ont constitué un réel progrès. 1.2.3. Objectiver le raisonnement diagnostic : de la recommandation à l’injonction ? Mais aujourd’hui, on assiste à une évolution normative : du statut de guide pour les soins ("Clinical guidelines"), les recommandations tendent à être - et sont de plus en plus présentées et reçues - comme des normes de qualité pour les soins, des standards pour la conformité des pratiques. On voit de fait apparaître dans certains cas une utilisation juridique des recommandations pour juger de soins conformes aux "données acquises de la science". Cette tendance conduit à une protocolisation accrue des soins, sur des bases parfois discutables. Émerge la question du bien-fondé scientifique et clinique de l’EBM et conséquemment de ces recommandations et de leurs conséquence. Sur quelles connaissances 3

Non sans contrepartie, à commencer par le développement de résistances aux antibiotiques.

ont-elles été conçues, selon quelle méthode, par qui (lien d’intérêt), sont-elles toujours fiables ? La question est d’autant plus grave que cette évolution normative des recommandations favorise leur implémentation dans des outils : ceci rend d'autant plus indispensable les exigences associées à leur élaboration. Enfin il convient de rappeler que depuis la loi de 2002 relative au droit des malades, les soins doivent - devraient en tout cas - aussi, toujours et encore, être adaptés à la situation de ce patient, avec son accord, après information loyale, claire, appropriée, et enfin, en toute indépendance et responsabilité. Ceci vaut pour tous les soignants. Or l’injonction issue de la statistique tend aujourd’hui parfois à faire oublier cette dimension, et l’approche normative, dominante, tend à minimiser la singularité de chaque patient. 1.2.4. Le handicap, l’âge : les parents pauvres du système Il existe dans ce domaine des difficultés spécifiques de développement et de mobilisation des connaissances : les solutions d’aide aux personnes en situation de handicap ou fragiles sont établies sur mesure, au cas par cas, et restent donc coûteuses. Les situations des personnes sont évolutives, d’où un travail constant d’évaluation. La connaissance des problèmes de l’aidé au quotidien, de son environnement, est limitée. Les professionnels de santé intervenants, outre les aidants et la famille, sont nombreux et pas toujours coordonnés. Avec la personne handicapée, ou vieillissante, la connaissance pose ici, plus qu’ailleurs, la question de son objectif, de son utilité et de son bénéfice. Ainsi, bien souvent, les questions importantes pour la personne ne lui sont pas vraiment posées, ou les réponses reçues/perçues sont « interprétées ». L’approche institutionnelle pousse à imaginer les réponses nécessaires à l’élaboration d’un « projet de vie personnalisé » à partir de solutions existantes. Mais on ne sait pas nécessairement au fond, s’il est assumé, ni si les réponses apportées ne sont pas biaisées par l’information limitée de ceux et celles qui l’ont instruit.

2. Valeur des technologies dans les systèmes de santé contemporains Il est beaucoup question d’économie de la santé, d’économies à réaliser dans le système de santé. Il est moins question de la valeur apportée par les technologies à l’efficience de ce système, à ce qu’elles apportent vraiment au plan individuel et collectif, et qui justifie d’y avoir recours. C’est le point de vue développé dans cette partie.

2.1. Une informatisation initiale tardive et au service de la gestion4  

En 2004, 29% des hôpitaux européens consacraient moins de 1% de leur budget aux dépenses informatiques et 70% dépensaient moins de 2%(1). En termes de niveau d’informatisation, si près de 99% des hôpitaux avaient mis en place la gestion administrative des patients, environ 2% disposaient d’une prescription électronique ou d’un outil d’aide à la décision clinique. Pour la France, ce chiffre était de 0,75%. Les Etats-Unis étaient, à cette date, dans une situation semblable. Cette faiblesse de l’investissement informatique au service de la clinique et du soin a été longtemps dénoncée par les acteurs de l’industrie. Mais les praticiens, dans cette période, ont vu avant tout les astreintes de l’informatisation, tant ces technologies étaient associées aux fonctions administratives. De ce fait, ils n’ont pas été porteurs, et la pénétration des TIC dans le secteur santé-social est restée – et reste encore - en France comme en Europe, en retard par rapport à ce qu’on observe dans d’autres secteurs. Les produits et services numériques de support aux parcours de soins restent rares et chers Les choses ont commencé à bouger lorsque les dispositifs médicaux, numérisés et communicants, ont ouvert de nouvelles perspectives pour un usage professionnel du numérique.

2.2. Une valeur économique des technologies progressivement reconnue au sein même de l’activité médicale La première réalité économique sensible dans le secteur de la santé et de l’autonomie reste celle des coûts de prise en charge portés par la solidarité nationale et qui peuvent être évités, réduits ou différés. Les technologies permettent à cet égard d’améliorer notre capacité collective à prédire, à prévenir individuellement, à mobiliser le patient, à prendre en charge et opérer (chirurgie) en s’appuyant sur des protocoles et solutions avérées et de façon optimisée. La productivité des professionnels et des équipes est potentiellement accrue grâce à un accès rapide et en situation aux connaissances utiles. La valeur de cet accès facilité par les technologies s’exprime à la fois en temps médical et de soins gagné, mais également en produits de santé mobilisés à bon escient et en quantité juste nécessaire. Enfin, on peut escompter une réduction d’effets indésirables et une performance améliorée sur la santé des populations. La mise en œuvre de solutions technologiques nouvelles permet aussi dans certains cas d’améliorer la durée du bénéfice clinique, de repousser éventuellement le moment d’une nouvelle intervention. C’est le cas notamment pour le choix des matériaux prothétiques. C’est potentiellement le cas des outils d’aide à la décision chirurgicale, dans la mesure où le positionnement d’un implant est un déterminant de son efficacité et de son vieillissement, ainsi que de sa tolérance par le patient. Au plan économique, c’est le report de plusieurs années d’une nouvelle intervention.

4 Les chiffres de ce ! sont issus de l’étude « Création de valeur par les Technologies de l’information et de la communication pour les structures de santé », Didier ALAIN et Caroline LE GLOAN 03/07/2009

2.3. Une pénétration chaotique des technologies au niveau des territoires En santé et dans le médico-social plus encore, les solutions sont à la main de décideurs relevant de différents niveaux, selon des logiques différentes : - l’approche normative caractérise l’administration centrale. Celle-ci conduit à des solutions technologiques nationales, perçues comme rigides et pas nécessairement adaptées aux besoins opérationnels - La logique de décentralisation débouche au plan des territoires sur des solutions locales multiples, incompatibles, non reproductibles et sources de dépenses redondantes. De plus les promoteurs des solutions nationales et locales, visant des objectifs administratifs différents, tendent à s’ignorer mutuellement au détriment du besoin citoyen. La pénétration rapide et inhomogène des technologies (stratégies d’innovation des industriels, appropriation variable selon l’état de santé et les âges de la vie, et pour les professionnels, suivant leur formation, leur appétence, leur expérience) accroit l’inadéquation des approches normatives et la disparité des réponses territoriales. Les spécialités médicales, y compris la gériatrie, ont des problématiques spécifiques qui tendent à générer des solutions également spécifiques malgré la possibilité et l’intérêt sanitaire et économique de modules partagés, voire mutualisés.

2.4. Des technologies pour la recherche médicale qui s’éloignent parfois de la clinique Les « Big Data » (Données de masse hétérogènes multi sources et multi format), sont vues comme porteuses d’enjeux économiques majeurs dans la santé5,6Cette contribution concerne sans doute d’abord la « preuve » statistique de l’efficacité ou de l’innocuité des produits de santé. Une telle démonstration requiert des données en nombre issues du terrain. Cette preuve étant acquise, on dispose d’une base solide justifiant d’une implémentation « légitime » d’un nouveau produit de santé dans le système normé évoqué ici – ou au contraire d’un retrait d’un produit dangereux ou inefficace. Pourtant, la réalisation de cette ambition reste à ce jour hypothétique, car en butte à un certain nombre de difficultés. Le système humain objet de soin est d’une complexité bien supérieure à tous nos artefacts, même les plus évolués comme une centrale nucléaire. La quantité de données pour le décrire et le comprendre est de plusieurs ordres de grandeur supérieure. De plus, chaque humain est singulier, et l'interaction de son psychisme sur l'évaluation de ses pathologies encore bien méconnue. Les résultats contre-intuitifs des analyses nouvelles issues du brassage de nombreuses données ne diffuseront pas aisément dans les milieux de la clinique. Les domaines de validité des données collectées ne sont pas toujours bien cernés. Certaines corrélations interprétées sans validation du contexte de saisie peuvent conduire à des résultats 5

Selon la note d’analyse du Commissariat général à la stratégie et à la prospective N°8 de novembre 2013, « les technologies associées aux big data permettent des avancées spectaculaires notamment dans l’analyse du génome humain. Alors qu’il a fallu dix ans et 3 milliards USD (2,3 milliards d’euros) pour réaliser le premier séquençage humain complet, il est maintenant possible d’en réaliser un en quelques jours et pour environ 1 000 USD (760 euros) ».

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Selon l’étude “Big data: The next frontier for innovation, competition, and productivity” du Mc Kinsey Global Institue, 2011, “ Si le système de Santé des Etats-Unis pouvait utiliser les “big data” de façon créative et

effective pour piloter l’efficience et la qualité, le potentiel de valeur des données dans le secteur pourrait dépasse $300 milliards en valeur chaque année, dont les 2/3 par la réduction des dépenses nationales de santé d’environ 8% »

erronés. Enfin, certaines découvertes relatives au fonctionnement des cellules, organes, systèmes, peuvent avoir un bénéfice négligeable pour la santé des populations, sans commune mesure avec les investissements réalisés pour les obtenir. En somme, une vraie incertitude demeure sur ce dont les technologies, notamment numériques, mobilisées par la recherche, sont porteuses au niveau de la clinique et des soins courants.

2.5. Et le patient/citoyen dans tout cela ? La motivation citoyenne à s’occuper de sa santé ou de celle d’un proche touche aussi bien le bien-portant que le malade, l’aidant que le patient. Elle apparaît ainsi complexe et multiforme. Elle dépend de l’état de santé de chacun, de son histoire personnelle, sa sensibilité aux technologies, sa relation avec la maladie, le type de pathologie, l’âge. La demande du citoyen vis-à-vis des prestations, informations, produits de santé est fondamentalement singulière et instable. Cette demande est spécifique à l’individu, à son environnement, difficilement réductible aux seules données statistiques nécessairement biaisées. Les professionnels de santé au contact, sans doute en partie pour cette raison, restent crédités d’un fort capital de confiance. Mais ils sont eux-mêmes perturbés par la surabondance des sources d’information et par la revendication plus fréquente et plus vive du patient de disposer lui aussi d’un savoir, dit « profane », sur sa maladie. Ils sont peu armés et peu formés à orienter le patient dans le dédale de l’offre, notamment numérisée, même si pour certains, « l’information devient un soin ». En santé cette participation de l’usager relève plus d’un véritable engagement, qui conditionne ou favorise la guérison ou au moins ouvre des perspectives positives pour l’état de santé. Le pouvoir d’attraction de réflexions récentes sur « l’art du soin »7, sur la relation de soin, évoqués dans la rétrospective de la première partie, manifeste cette prise de conscience. Les prestations de santé numérisées devront nécessairement tenir compte de cette quête très particulière de l’humain vis-à-vis de sa santé, de celui qui prend soin de lui, avec une ouverture aux questions sociologiques, culturelles, d’éducation (« literacy ») et d’empathie. « Patient Empowerment » : ce terme est désormais largement utilisé, au moins dans le monde anglo-saxon. S’il n’a pas d’équivalent en français, il renvoie bien à la notion du patient « responsable » de sa santé, invité (et même incité) à se prendre en charge. Dans cette approche, cet engagement du patient est une des clés d’efficacité des produits et services technologiques de santé, qui ne peuvent réussir que si le destinataire final s’en saisit et se les approprie. Une étude européenne, SIMPHS8, a développé un modèle sur la nature et les mécanismes de cet « empowerment » vu comme une clé de création de valeur et de développement des marchés des solutions orientées citoyen ou patient.

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Cf. Rapport CGEiet « Technologies et connaissances en santé », décembre 2013, (Picard, Serveille, Vial) www.cgeiet.economie.gouv.fr , déjà cité. 8

Strategic Intelligence Monitor on Personal Health Systems, projet européen. Pour plus d’information, Cf. http://ipts.jrc.ec.europa.eu/publications. Voir également www.phsforesight pour un état de l'art européen de ces systèmes.

3. Prospective : Deux scénarios contrastés Le bilan précédent est finalement nuancé. Nous proposons dans cette partie de pousser les tensions sous-jacentes pour mieux en dégager les fondements et les enjeux, dans une vision prospective qui ne cherche pas toutefois à en pondérer la probabilité d’occurrence.

3.1. Premier scénario : L’industrialisation de la production de soins9 Sans s’étendre sur la genèse du phénomène industriel et en simplifiant, l’industrie a été à la fois la cause et le produit d’une transformation radicale de l’organisation du travail et de la connaissance : extraction et codification des savoirs des opérateurs, concentration de la connaissance acquise dans des bureaux d’études, sélection des meilleures pratiques et diffusion de celles-ci au niveau de chaines de fabrication. La production n’est plus alors dépendante des opérateurs, sa qualité est meilleure de façon stable, et les technologies imitent le geste humain et le remplacent souvent avantageusement. Enfin, l’industrialisation a permis de façon générale la mise sur le marché de produits de masse, économiquement accessibles au plus grand nombre, avec une boucle vertueuse en permettant leur financement. Comparer la santé à une industrie, c’est regarder le processus de soin comme un ensemble de positions de travail normées où l’objet produit (le soin) est représenté et codifié, et où l’opérateur agit selon des codes prescrits en mobilisant les compétences collectivement acquises et embarquées dans des machines. L’information est celle obtenue par des dispositifs de plus en plus nombreux et miniaturisés, d’un coût le plus souvent limité. Dans le secteur de la santé, les machines qui encadrent l’action de façon conforme à la norme sont les SADM – Systèmes informatisés d’aide à la décision médicale - et les robots chirurgicaux guidés par des systèmes d’imagerie interventionnelle. L’idée sous-jacente aux réflexions de la communauté internationale serait-elle que la baisse généralisée des coûts de ces machines, leur capacité à embarquer un savoir de plus en plus pointu, pourrait réduire sensiblement la « main d’œuvre », comparativement importante et coûteuse dans ce secteur, et longue à former ? Les capteurs, ambiants ou embarqués, implants, actionneurs ingérés, se multiplient pour recueillir un nombre croissant et diversifié de données : biologiques, physiologiques, physiques, d’environnement, comportementales. La recherche technologique s’intéresse aux patchs, pansements, instruments aux dispositifs ambulatoires (bracelets, montres, etc.), aux environnements intelligents ; enfin à des dispositifs permettant de réaliser des mesures biologiques quel que soit l’environnement pour des « soins sur place » (« Point of Care » en anglais). Il s’agit en même temps que ces objets communicants restent discrets, non stigmatisant, favorisant ainsi l’acceptabilité des solutions par les personnes. Les chirurgiens disposent aujourd’hui pour certaines interventions (en urologie, par exemple), de robots chirurgicaux manipulés à partir de stations de visualisation. Ils sont encore jugés volumineux et contraignants. De nouveaux robots apparaissent aujourd’hui, encore expérimentaux. Situés au bout de flexibles introduits par voie naturelle jusqu’au lieu d’intervention, ils permettent de conjuguer le déplacement d’outils avec des éléments de visualisation

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Ce scénario est inspiré du rapport CGIET « Valorisation de la recherche en sciences et technologies de l’information et des communications (STIC) pour la santé et l'autonomie », 2009, dont il livre ici la synthèse actualisée du travail de prospective qui y a été conduit. Cf. www.cgeiet.economie.gouv.fr

3.2. Second scénario : La réappropriation de sa santé par le (e ?) - citoyen10 La productivité telle que valorisée dans le scénario précédent s’oppose à une certaine forme de compétence transverse. Elle réduit la capacité d’une structure ou d’une équipe à traiter convenablement des situations non planifiables, caractéristiques de la demande de soins. La Puissance publique en a conscience, qui a voulu favoriser le développement des réseaux de santé, porteurs de telles collaborations transverses. Mais dans les faits, l’approche normative associée à leur reconnaissance les ont souvent privé d’une part de leur efficacité. Qu’en sera-til de la nouvelle approche des « parcours de santé », qui prennent aujourd’hui une place centrale dans la politique de santé ? Cette évolution révèle en tout cas une conscience accrue des pouvoirs publics de l’irréductibilité des situations aux seuls cas d’application de protocoles thérapeutiques normés. Cette tendance, associée à l’imprévisibilité de l’attitude de la personne, du patient, est au cœur du second scénario. On évoque en effet dans certaines études11 récentes la « quête » qui habiterait la plupart d’entre nous autour de sa propre santé. Ce mot peut évoquer une quête d’autonomie, qu’il s’agit de protéger, de pérenniser. De nouveaux outils personnels sont utilisés dans la vie quotidienne : smartphones, tablettes, connectés à internet. S’agissant de notre santé, nos relations avec l’offre de soins, les professionnels de santé, mais aussi des tiers « profanes », en sont affectées. Ces relations, supportées voire développées par les réseaux sociaux, sont susceptibles de nous aider à devenir plus autonomes en terme de santé. Notre engagement dans cette dynamique ne se limite plus à la « préservation de notre capital-santé », chère aux défenseurs des politiques de prévention. Elle est plus engageante et porte en germe de nouveau modes d’action sur la santé des populations, et globalement d’un nouveau système de santé. Dans ce scénario se dessine une nouvelle autonomie, qui nous importe et nous mobilise. Les citoyens sont en quête de cela. Nous savons tous que nous sommes orientés dans nos prises de décision, par le contexte où nous sommes, les informations mises à notre disposition, notre propre expérience ou celle des autres. A un moment donné, la question du choix se pose : il s’agit alors pour chacun d’accepter ce qui est proposé ou de le refuser, quelles qu’en soient les raisons. Nous voulons participer à la décision, pas qu’elle nous soit imposée de l’extérieur. En même temps, nous savons aussi que cette décision nous conduira vers une solution que nous n’avons pas créée nous-mêmes, conçue et portée par d’autres. Ce qui peut changer et favoriser l’adoption et le bon usage de solutions de santé, c’est la capacité donnée aux personnes de choisir. Cette attitude génère ainsi le développement de nouveaux marchés, ceux des outils et solutions au service des citoyens-patients responsables et préoccupés de leur santé. Mais ce marché ne peut se développer de façon bénéfique pour la santé publique et le citoyen que si ce dernier se comporte de façon avisée : c’est la notion de « literacy », de « culture sanitaire » du citoyen. Par rapport à chaque usage, à l’autonomie conquise, une nouvelle forme d’éducation est requise pour que chacun puisse faire les choix de santé le concernant. Ceci constitue un point 10

Le « e » précédant le nom d’acteurs, d’actions, d’offres connoté l’utilisation du numérique (e = electronic en anglais) 11

Cf. par exemple le rapport CGEiet « Bien vivre grâce au numérique », R. Picard, février 2012 www.cgeiet.economie.gouv.fr.

essentiel dans une logique d’engagement librement choisi et assumé pour une solution numérique de santé et de bien vivre. Il y a certains mécanismes à comprendre relativement au corps humain, aux comportements, aux relations avec l’environnement, etc. Cette éducation du citoyen autour des questions de santé va bien au-delà de la seule éducation thérapeutique, qui en est une forme particulière et très spécifique, parfois perçue comme manipulatoire (incitation à consommer). Chacun est alors au fait de règles et normes, y compris d’utilisation des produits de santé, élaborées pour réduire des risques et favoriser la valeur de solutions, par exemple. Cette forme d’éducation est nécessaire au citoyen pour qu’il puisse faire ses choix parmi des propositions de solutions nouvelles qui risquent de se développer de façon anarchique. Il ne s’agit pas que nos concitoyens s’y perdre, comme ils se sont perdus dans le foisonnement d’offres de téléphonie mobile, par exemple. Or toutes les offres ne seront pas équivalentes en termes de bénéfice pour la santé : certaines pourront être créditée d’une utilité reconnue, voire démontrée, et vont accroître le ressenti de Bien Vivre ; mais d’autre relèveront d’arguments plus discutables, issus d’une logique exclusivement marketing dans un sens réducteur de ce terme : pousser le consommateur à acheter des produits finalement sans intérêt. Le citoyen conscient et informé peut résister à cette pression. Les réseaux sociaux sont potentiellement porteurs d’une force incitative sur de tels comportements responsables. Ils constituent en tout cas un vecteur d’acceptabilité de la maladie, de la façon de la gérer, des astreintes dont cette gestion est porteuse, dans la mesure où ils peuvent devenir des« réseaux de confiance ». Ils permettent aussi aux responsables concernés par les questions de santé publique de disposer d’un regard sur ce qui se passe en amont de la maladie. La capacité offertes par les réseaux sociaux de soulager les personnes qui y participent, sous certaines conditions12, est donc importante

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(Cf. notamment le Rapport CGIET « Les conditions de création de valeur des logiciels sociaux en santé et autonomie » de mai 2011, déjà cité).

3.3. Tendances ? (Gastein 2013) Les citations qui suivent ont été recueillies à Gastein13, en Autriche, à l’automne 2013, dans le plus grand et le plus ancien colloque international annuel sur les technologies de santé en Europe. Elles montrent que le second scénario n’est pas une utopie, qu’il dispose d’atouts par rapport au premier scénario. Ce dernier, qui reflète en effet l’enthousiasme technologique du milieu des années 2000, ne s’impose plus comme une évidence. La crise économique n’y est sans doute pas pour rien. Du reste, le thème du colloque de Gastein 2013 était précisément : « Resilient and Innovative Health Systems for Europe », ce que nous pouvons traduire par : « Des systèmes de santé pour l’Europe innovants et résistants à la crise ». Voici donc quelques-uns de ces verbatims. « La résistance des systèmes de santé à la crise économique passe par plus de transparence, de participation citoyenne, un contrôle de gestion efficace, une éthique, et une capacité des politiques ». « La santé est à voir comme un bien commun. La société civile doit s’en saisir. Les partis politiques doivent y travailler avant d’être au pouvoir et d’être pris par les contraintes de court terme qui y sont associées. » « Maintenir un bon système de santé passe par le fait de payer correctement les personnels de santé ». « Un système de santé qui résiste à la crise, cela repose sur des citoyens qui gèrent leur santé malgré la crise. » « Il faut intégrer la santé dans les autres secteurs de l’économie. Les autres secteurs ont un impact sur la santé des populations, et inversement : la consommation dans ces secteurs diffère selon que le consommateur s’inquiète de sa santé. Cela fonde l’approche HIAP Health in All Policies. » « L’organisation du travail au sein du système de santé est un préalable. Cela doit précéder les réductions budgétaires ». « L’approche par la « preuve » (Evidence based) n’est pas adaptée pour fonder une approche politique transversale de la santé comme HIAP ». « La santé dépasse le système de santé. C’est une valeur essentielle d’un pays. »

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Cf. Actes de la conférence, publiées par International Forum Gastein (IFG)- [email protected]

4. Une tentative démocratique en santé : le Forum LLSA 4.1. Première approche de politique publique : le Centre National de Référence Santé à domicile et Autonomie L’idée de structurer une action publique d’un type nouveau autour du développement des TIC dans la santé apparaît dans les rapports CGEIET14 (CGTI à l’époque) dès le milieu des années 2000, où l’on trouve l’idée de « centre d’expertise ». Cette idée débouchera finalement sur la mise en place par le Ministre de l’Industrie du Centre National de Référence Santé à Domicile et Autonomie, alias CNR Santé. Le Ministère de l’Economie et des Finances, en coordination avec le Ministère de la Santé, a mis en place ce Centre à la fin de l’année 2009. Ses fondateurs, recrutés après un appel à candidature, sont constitués de quatre CHU et quatre pôles de compétitivité. Ce groupement s’inscrit dans une logique de valorisation de la recherche technologique et médicale au service des nouveaux marchés. Le but assigné au CNR Santé est d’être le facilitateur de l’innovation par la mise en place d’un réseau national d’expertise et d’innovation associant tous les acteurs de la chaîne de valeur (offreurs, utilisateurs, financeurs). Ce centre s’est ainsi vu confier des missions d’intérêt général par la Puissance Publique : •L’information et la sensibilisation des acteurs économiques sur l’intérêt et les usages des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans la prise en charge de la santé et de la dépendance au domicile. •La conduite d’initiatives stratégiques et d’actions collectives pour identifier de nouveaux modèles économiques. •La cartographie des talents et la sélection des meilleurs partenaires : il s’agit de donner un label aux acteurs de la recherche, de l’évaluation, de l’expertise technique, de l’aide au développement, apte à stimuler l’offre nouvelle (Centres experts et Centres relais). Les offreurs de solutions sont par ailleurs identifiés et invités à adhérer au centre. •La mise en place de procédures, de référentiels et de méthodologie d’évaluation des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour la santé. •La contribution à la normalisation en partenariat avec les agences nationales et internationales chargées de cette fonction (AFNOR, notamment). •Le suivi des évolutions légales et réglementaires. •Le déploiement de vitrines technologiques pour informer et sensibiliser les utilisateurs sur les bénéfices des TIC dans la prise en charge de la santé et de la dépendance au domicile.

4.2. Limites de la gouvernance traditionnelle en santé Nous sommes dans une période où l’équation du système de santé est en train de changer. La crise a un impact sur la santé des populations. Les systèmes de santé doivent malgré ce contexte maintenir l’équité (solidarité et couverture), gérer la pression budgétaire exercée sur le système tout en permettant au système de résister à cette pression. Nous avons noté (§ 3.3) que les responsables présents au Forum annuel européen de Gastein reconnaissent la nécessité de développer le dialogue entre la Santé et la Finance, et améliorer nos capacités à mesurer l’impact sanitaire de la crise économique. La politique de financement des produits de santé doit être adaptée aux temps de crise et ceci concerne la Puissance Publique. Le but est d’améliorer l’efficience : ce n’est pas de couper les budgets en réduisant la qualité et augmentant en même temps le reste à charge pour le patient. 14

Cf. notamment le rapport "TIC, Santé, Autonomie, Services : Evaluation de l'offre et de la demande", Juin 2009, Picard, Le Goff, Kleinebreil

En même temps, dans la période récente, les dépenses de santé ont cru moins vite que d’autres postes de dépenses publiques. La question n’est donc pas nécessairement celle de renoncer à des investissements en santé, ce qui peut s’avérer coûteux à terme. Il ne s’agit pas non plus, comme il est tentant de le faire, d’ « obliger » les professionnels à se conformer absolument à une norme dont on reconnaît certaines limites Un premier signe de cette crise est que le recrutement des entreprises porteuses de solutions pour la santé ou intéressées par ce secteur pour adhérer au Centre National de Référence Santé s’est avéré beaucoup plus difficile que prévu. Une des raisons invoquée par les prospects du CNR Santé est le montant de la cotisation, permettant un fonctionnement à la hauteur des ambitions annoncées, qui a été jugé élevé dans le contexte économique actuel. Pour les participants de Gastein, la capacité des systèmes de santé à résister à la crise dépend de la qualité de la gouvernance. En fait, la gouvernance du CNR Santé est très structurée, mais en conséquence assez lourde. De plus, la Puissance Publique n’y est pas directement active : le Ministère de la Santé n’a pas été impliqué en tant que tel dans la mise en place du centre, pensé avant tout comme un outil de politique économique et industrielle ; quant au Ministère de l’Industrie il n’est qu’observateur et son statut de financeur ne lui permet pas de siéger au Conseil d’Administration. En temps de crise, quand une armée est en déroute, si pour avancer on ne réfléchit plus qu’aux sanctions, on va à l’échec. Il vaut mieux avoir une stratégie claire et remobiliser tout le monde dans la bonne direction. Or les missions du CNR Santé sont définies de façon formelle. Les limites de son système de gouvernance ont fait que, 4 ans après son installation, la stratégie sanitaire qu’il sert reste imprécise. On perçoit comment et pourquoi un travail, une concertation réellement interdisciplinaire, participative, essentielle dans ce qu’on qualifiera de situation de crise, a pu prendre naissance en marge du CNR Santé. Le besoin d’une telle concertation, ressenti par les acteurs du secteur, les difficultés du CNR à y répondre ont certainement favorisé le développement de l’initiative présentée ci-après.

4.3. Nouvelle approche : le Forum LLSA Le déploiement de l’action publique en faveur des technologies pour la santé est à l’œuvre dans cette période : la création du CNR Santé n’en est pas le seul effet : l’Agence des Systèmes d’Information Partagés de santé - ASIP Santé a également vu le jour, ainsi que la délégation aux systèmes d’information de santé - DSSIS - au sein du Ministère de la santé, pour en rester aux plus visibles. Dans le même temps émergeait dans certaines entreprises européennes des produits de santé, sous l’impulsion de la recherche en sciences de gestion, une approche de la conception de nouvelles solutions faisant une large part à l’écoute du besoin et un design au sens large pour coller aux attentes des différents publics. Le « Living Lab »15 apparait comme une approche pertinente pour travailler sur les besoins autour du Bien Vivre – comprendre : une volonté de s’occuper de sa santé au-delà de la prescription médicale subie. L’utilité de diffuser et faire comprendre ce concept et son intérêt dans le secteur de la santé et l’autonomie se sont progressivement fait jour. Il s’agissait de rapporter et faire connaître largement des « cas » et des « success stories » associés à la mise en œuvre concrète de cette approche, en France et ailleurs. Un échange entre le Conseil Général de l’Economie et la délégation à la Stratégie des systèmes d’information de santé (Secrétariat général des 15

Cf. Rapport CGIET « Pertinence et valeur du concept de Laboratoire vivant » (Living Lab) en santé et autonomie », Juillet 2011.

Ministères de la santé et des affaires sociales) a permis le lancement d’une mission sur ce sujet. Cette mission, a débouché sur la publication du rapport CGEiet16 sur les « laboratoires vivants » - Living Labs - Aussitôt après, une action collective s’est mise en place, placée sous le regard circonspect des Ministères concernés. Cette initiative a fait récemment l’objet d’une reconnaissance institutionnelle en novembre 2013 : après s’être structurée sous le nom de « Forum des Living Labs en Santé et Autonomie » ou « Forum LLSA ». Bien que placé depuis l’origine sous le regard des services compétents des Ministères concernés, comme indiqué, le Forum n’est pourtant pas le résultat d’une décision politique ou administrative. En même temps, les enjeux qu’il aborde relèvent pour partie de politiques publiques à long terme, spécifiquement celles de la démocratie sanitaire, d’une part, celle de l’innovation et de l’emploi d’autre part. Le texte qui suit, extrait d’une lettre aux adhérents du Forum diffusée courant 2013 illustre ce point : « Vous avez depuis quelques temps, trois ans pour les plus anciens, contribué d’une façon ou d’une autre à des réflexions animées par le CGEiet sur une nouvelle approche de l’innovation et de la conception des produits, services et solutions pour la santé et l’autonomie de nos concitoyens (Living Lab). Ce mouvement, résultant de votre engagement collectif, fait qu’aujourd’hui, un Forum de discussion, d’échange, de partage d’expériences a pris corps et est aujourd’hui devenu une réalité. A ce stade, le Forum LL Santé et Autonomie, reste avant tout une organisation plurielle et ouverte à tous, reste informelle, sans structure juridique ni et sans budget propre. à l’écoute de chaque initiative particulière relevant de ce champ et sans vocation décisionnelle. II est de ce fait indépendant et, éloigné des enjeux de pouvoir, Ses membres et sympathisants, Vous en l’occurrence, et êtes représentatifs de la société civile et du tissu économique global, dans leurs diversités, leurs complexités, leurs singularités territoriales et problèmes des situations et contextes locaux. Vous, avez, par la qualité et l’authenticité de votre engagement, créé un climat de confiance propice à l’action collective. » Le Forum s’attache aux conditions de développement d’une approche réellement participative et citoyenne de la conception des nouveaux produits et services pour la santé et l’autonomie, au service de l’innovation et de la démocratie sanitaire. La mise en place officielle du Forum fin 2013 constitue une reconnaissance. Mais ce n’est pas tout : il est cité en référence dans le rapport « Un principe et sept ambitions pour l’innovation » de la Commission Innovation 2030 rendu par Anne Lauvergeon, sa présidente au Président de la république le 11 octobre 2013. Le Forum LLSA est également cité comme acteur de la Silver Economie dans le contrat de filière signé le 12 décembre 2013 sous l’égide des Ministères du développement productif, en charge de l’Industrie et celui des personnes âgées17. Il s’agit d’une structure légère dont les moyens se limitent à quelques outils coopératifs facilitateurs d’interactions, d’information et d’échanges autour de thèmes tels que : échange 16

Rapport cité supra.

17

http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Contrat_Silver_economie-MEP-9-12-2013-v6.pdf

de pratiques d’innovation ouverte ; mise en place et développement de « living labs » ; recherche d’experts en animation, dans le champ juridique (propriété intellectuelle, droit du patient, statut de structures d’innovation ouverte) ; veille ; méthodes et outils de conception, etc. Un consensus est à trouver sur les leviers à actionner pour inciter le citoyen à s’intéresser à sa santé, son bien-être, son Bien Vivre. Une sensibilisation pourrait être développée à grande échelle, pour pallier les effets sanitaires à retardement résultant de populations vieillissantes ou à risque qui ne se prennent pas en charge. L’approche Living Lab est à cet égard intéressante dans la dimension d’innovation sociale dont elle est également porteuse : associer les publics en amont, capitaliser sur leurs expériences, mais suivre également en aval les appropriations collectives des solutions proposées et les effets induits.

4.4. Dimension éthique Le Forum LLSA s’est doté d’une charte, de même qu’il recommande que chaque Living Lab adhérent en élabore une. En voici le premier paragraphe, qui fonde le reste du document Le Forum des Living Labs en Santé et Autonomie regroupe des membres qui partagent la volonté de développer les Living labs dans le secteur de la santé et de l’autonomie en faisant vivre, mettant en œuvre et diffusant les principes fondateurs réunis ici. Principes Fondateurs d’un Living Lab en Santé Autonomie - L’utilisateur, quel que soit son statut, est acteur à part entière et dès l’origine du dispositif living lab. - L’approche cherche à développer la valeur de produits/services en conjuguant de façon judicieuse valeurs collectives (études d’impact, sur des bases statistiques vs macroéconomiques) et valeurs d’usage (quels que soient les utilisateurs dans leur diversité) et cela dans le souci de déboucher sur des solutions économiquement viables. - La conception et l’évaluation sont menées de façon itérative, participative et maîtrisée (délais, cadre, processus de décision). - L’ambition ou « objet du désir » est d’abord l’innovation organisationnelle et de services ; dans cette logique, la technologie ne saurait être la seule caractéristique de l’ambition. - L’approche repose sur un engagement conjoint de tous les acteurs concernés et légitimes, avec la diversité requise pour le succès de la solution, en dépassant à la fois les peurs versus les tentatives d’influence des uns ou des autres : les utilisateurs/usagers (profanes et/ou professionnels), les chercheurs, les metteurs en place (exemple: installateurs, prothésistes…), les industriels et/ou prestataires de services, les institutions, les financeurs… (liste non exhaustive). - L’égalité de la dignité entre les participants est un principe fondateur de l’approche. Un Living lab s’inscrit dans une logique de participation des acteurs: patients, personnes handicapées, professionnels de santé et du social, financeurs à l’innovation par l’élaboration, la conception, la validation, des produits, services ou prestations qui leurs sont destinées en se rapprochant de leur cadre professionnel ou de vie comme usagers. – Cette participation inclut la faculté de contribuer à la définition des orientations et des priorités dans les processus de recherche, de conception et d’évaluation de nouvelles solutions ou organisations, tout en valorisant le potentiel de recherche et le tissus économique du territoire où le LL est implanté.

Les candidats à l’adhésion au forum sont appelés à signer cette charte, ce qui ne dispense pas les Living Labs proprement dit d’élaborer la leur, bien au contraire. L’adhésion est nécessairement précédée d’un entretien – qui se déroule sur place, avec une visite des lieux s’il s’agit d’un Living Lab. L’enjeu est de mesurer si la compréhension du candidat que le respect de la personne utilisatrice est d’une valeur telle qu’elle s’assortit d’une vigilance constante, pour éviter notamment toute dérive manipulatoire et toute tentation d’accepter des compromis sous couvert de compléter le financement de la structure, par exemple.

Synthèse et réflexions finales Le Forum LLSA devient un élément clé de la politique de démocratie sanitaire : il s’inscrit dans un mouvement de long terme dont le développement a été notamment marqué par la loi de 2002 sur le droit du patient. Contrairement au CNR Santé, ce n’est pas un organe de décision : c’est un organe qui s’inscrit dans une légitimité démocratique. Il peut avoir pour rôle de rééquilibrer l’action publique dans une logique de long terme et de prise en compte de la généralité des préoccupations citoyennes, y compris celles issues des minorités ou des acteurs de faible poids économique. Sa légitimité démocratique s’inscrit dans trois dimensions : impartialité, réflexivité, proximité18. - Impartialité : il s’agit de faire émerger des positions reconnues comme indépendantes sur le domaine sensible que constitue la promotion des technologies dans la santé et l’autonomie. Le Forum sera doté d’un règlement intérieur et d’une mise en visibilité de ses propositions, dans une logique permanente d’ouverture et d’écoute, visant à cultiver et à démontrer dans la durée cette position non partisane. Sa composition, reflet de la diversité de la société civile et du tissu économique, contribue de cette légitimité. - Réflexivité : Explicitement ancré dans la loi de 2002, le travail du Forum contribuera à rappeler constamment les grands principes de cette loi dans les actions associées aux politiques d’innovation en santé et autonomie. Inscrite dans une temporalité longue, le Forum exercera à cet égard un rôle de veille actif. - Proximité : Chacun aspire à ce que la spécificité de sa situation puisse être prise en compte, et ne pas être soumis au couperet mécanique d’une règle abstraite. C’est notamment le cas des acteurs économiques moins puissants : le citoyen lui-même, le petite entreprise, l’association locale, etc. Le mode de fonctionnement du Forum, qui s’inscrit dans un principe absolu de non subsidiarité aux actions territoriales et de partage constant des expériences réalisées à ce niveau, permet l’expression de cette dimension. Un rapprochement est en cours entre le Forum LLSA et le CNR Santé. La condition de cette opération est le maintien de la gouvernance du Forum qui a fait son succès. Ceci permettra de donner aux acteurs économiques concernés et aux citoyens une vision harmonisée de l’action publique, très nécessaire en cette période de crise, tout en maintenant deux leviers d’action que constituent l’incitation et l’écoute participative Nous terminerons ce propos en évoquant le vécu du Forum. Il est en effet frappant d’observer combien les personnes engagées dans cette action collective sont dynamisées par une telle initiative, proche de leurs propres préoccupations, et qui leur apparaît de ce fait particulièrement porteuse de sens. Les énergies développées en conséquence sont fascinantes. Il arrive même que les normes soient interpellées, parfois, au nom des effets néfastes dont elles sont parfois porteuses, surtout si le sens en a été perdu. Chaque membre du Forum porte cette énergie créatrice et cette interpellation sur son territoire, et en même temps, signe d’une pertinence reconnue, les financements territoriaux se développent au profit de cette approche participative. Conférence ALETHE, 27/03/14 18

Cette réflexion est directement inspirée de l’ouvrage de P. Rosanvallon « La légitimité démocratique », Seuil, 2008

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