Clara GASTE François GAUTHIER

Février 2015

Ethique et Licenciements

IAE de Grenoble Sous la direction de Denis Dupré

« La philosophie est comme la musique, qui existe si peu, dont on se passe si facilement : sans elle il manquerait quelque chose, bien qu’on ne puisse dire quoi. […] On peut après tout vivre sans le je-ne-sais-quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie et sans amour. Mais pas si bien. » Vladimir Jankélévitch, Philosophie première, PUF, 1953

« L’éthique ce n’est pas que des devoirs, c’est surtout chercher à être heureux » Aristote, Ethique à Nicomaque, Vrin, 1994.

« Entre la fuite devant la responsabilité des conséquences et l’inflation d’une responsabilité infinie, il faut trouver la juste mesure et répéter le précepte grec : ‘rien de trop’ » Paul Ricoeur, « Le concept de la responsabilité », Esprit, 1994

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Sommaire

Première partie ........................................................................................................................... 6 « Le réel, c’est quand on se cogne », Jacques Lacan ................................................................. 6 Déni de réalité ou les mécanismes expliquant nos comportements face à tous changements en entreprise .............................................................................................................................. 7

Deuxième partie ....................................................................................................................... 11 « Je ne suis pas le produit des circonstances. Je suis le produit de mes décisions », Stephen Covey ........................................................................................................................................ 11 Dilemme éthique en milieu professionnel ............................................................................... 13

Troisième partie........................................................................................................................ 16 « La chance sourit aux audacieux ! », Virgile ........................................................................... 16 L’élaboration d’outils socialement responsables évitant les licenciements secs ou comment les plans sociaux permettent aux salariés volontaires de se réapproprier leur carrière ........ 17

Quatrième partie ...................................................................................................................... 19 « Les histoires de PSE finissent mal… en général ? » ............................................................... 19 S’occuper de ceux qui restent ou comment la fonction RH tente de neutraliser les effets du « syndrome du survivant » apparaissant après tous changements ........................................ 20

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Cinquième partie ...................................................................................................................... 22 Du DRH au DRS, ou de l’utilité de la loi – Comment concilier la responsabilité sociétale des entreprises avec les impératifs de compétitivité dictés par un environnement économique concurrentiel ............................................................................................................................ 22

Conclusion ................................................................................................................................ 25

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Première partie « Le réel, c’est quand on se cogne », Jacques Lacan Monsieur Mercier, un sympathique quinquagénaire, boucle sa ceinture et engage une marche arrière pour sortir de son allée. Le journal de 7h30 est déjà bien entamé lorsqu’il allume la radio. Les nouvelles sont mauvaises, mais il n’y prête tout d’abord pas attention... du moins jusqu’à ce qu’il entende le nom de son entreprise ! Il tend alors l’oreille : « ... révélé par nos confrères dans la nuit suite à des fuites, la direction serait actuellement en train de finaliser la mise en place d’un plan de licenciement. Les syndicats, interrogés ce matin lors du piquet de grève improvisé, parlent de plusieurs dizaines de postes impactés. Les tensions sont maintenant apaisées et le piquet de grève est levé. » Monsieur Mercier, les mains crispées sur son volant et le regard droit, avait les yeux fixés sur le feu de signalisation qui lui signifiait d’avancer ; pourtant, il restait statique. Non, ça n’était pas possible ? Après tout, il n’avait pas entendu le début du journal, il se peut qu’il n’ait pas tout compris. Vite, se rendre au travail, et boire un café avec les collègues pour comprendre : c’est la seule idée qu’il avait en tête. Arrivé sur son lieu de travail, il se précipite dans son service. Le délégué syndical est en pleine assemblée improvisée autour de la machine à café. A peine entré dans la salle de pause, Monsieur Sauvet lui tend machinalement un gobelet sans même le regarder, absorbé par les paroles du représentant. Les sombres nouvelles se confirment, le DRH a même emprunté l’entrée de derrière ce matin, on attend plus d’informations mais les organisations syndicales sont sur le pied de guerre, prêtes à en découdre ! Les visages sont blêmes, l’ambiance est lourde. Après tous ces efforts fournis, son implication sans limite, Monsieur Mercier regrette de n’avoir pas compté ses heures durant toutes ces années, ce temps précieux qu’il aurait pu consacrer à ses proches. Lors de la signature de son contrat il y a maintenant plus de dix ans, Monsieur Mercier était certain de pouvoir faire carrière dans son entreprise ! Mais ce matin, on se regarde avec suspicion : untel à des enfants, untel à moins d’ancienneté que moi, les collègues avec lesquels Monsieur Mercier a travaillé pendant dix ans sont à présent des concurrents potentiels dans ce jeu de chaises musicales.

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Déni de réalité ou les mécanismes expliquant nos comportements face à tous changements en entreprise Du simple remplacement d’une imprimante, à la restructuration brutale à laquelle doit faire face Monsieur Mercier, en passant par la réorganisation de services, le changement, en tant que variable inhérente à l’activité humaine, est également présent dans l’univers professionnel. Si un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a un impact non négligeable sur l’environnement économique et social, son acceptation par les salariés concernés dépend de plusieurs facteurs, mécanismes psychologiques et théories sociologiques. Lorsque Monsieur Mercier met en perspective sa carrière professionnelle, il ne peut s’empêcher de jauger ses contributions à l’aune des rétributions qui lui ont été octroyées par son employeur, au cours des dix dernières années à son service. Il perçoit alors ses contributions comme autant de sacrifices consentis pour son entreprise au détriment de sa vie personnelle. Ce constat sous-entend l’existence d’un contrat psychologique, non écrit et informel, fondé sur la confiance mutuelle entre une entreprise et son salarié ; un tel contrat recenserait les attentes de chacun quant à « la quantité de travail fourni au regard du salaire perçu, aux droits et obligations réciproques, aux promesses implicites ou explicites ou bien aux privilèges exprimés mais parfois non formalisés »1. Les fondements idéologiques du libéralisme économique2 combinés aux difficultés socio-économiques que connaissent actuellement les pays industrialisés a fait évoluer les conditions de ce contrat psychologique. Du fait d’une concurrence accrue et d’innovations technologiques toujours plus rapides, le rôle du chef d’entreprise, l’implication des salariés ou encore la stabilité des emplois ont été fortement remis en cause… équivalant à une violation du contrat psychologique pour les salariés. Ce que ressent Monsieur Mercier s’apparente ainsi à une « expérience émotionnelle et affective de déception, de frustration, de colère, d’amertume, d’indignation qui résulte de la perception par l’une des parties que l’autre n’a pas satisfait une ou plusieurs de ses

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Brillet Franck et al., « Proposition d’une mesure de la reconnaissance : une approche par la justice perçue », Revue de gestion des ressources humaines, 2013/3 N°89, p.3-18. 2 Polanyi Karl, La grande transformation. Aux origines des politiques et économiques de notre temps, Gallimard, 1983.

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obligations »3. Cette analyse fait écho à la théorie du don et du contre don4 révélant l’existence d’une relation symbolique unissant un salarié (via un don imperceptible car immatériel, correspondant en quelque sorte à une part de lui-même) à son entreprise (sur laquelle pèse dès lors une dette sociale) ; invalidant de fait la vision selon laquelle le

Source : dessin

Miss Lilou, ActuRatons (ciel23.blog spot.fr )

contrat de travail serait uniquement une relation marchande. Dès lors, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel ou d’un PSE, la rupture du contrat de travail engendre non seulement une perte d’emploi mais aussi le sentiment, pour les êtres humains concernés, de perdre une partie de leur valeur et de leur identité5. Pour pallier les effets négatifs occasionnés par une violation du contrat social ou encore l’absence de contre don ressenti par les salariés, une des pistes envisagées pourraient être la (ré)introduction d’une éthique en entreprise, à travers un renouvellement des outils de motivation des salariés, un management davantage centré sur les ressources humaines, le partage de valeurs telles que la transparence dans la communication des informations, la responsabilisation et la participation de chacun ; une conjonction de facteurs permettant finalement de clarifier les termes du contrat psychologique. D’autre part, Monsieur Mercier semble éprouver des difficultés à réaliser que le PSE concerne bel et bien son entreprise. Absent pendant le trajet qui le conduit au travail, il reprend progressivement pied, à son arrivée, avec une certaine rancœur et de la colère, traversant ainsi différentes phases, en commençant par une forme de déni. De fait, un changement, quel qu’il soit, provoque une réaction émotionnelle absorbée plus ou moins rapidement par chacun, selon l’intensité du choc et ses ressources personnelles. Pour Monsieur Mercier, l’annonce, à la radio, d’un PSE impactant son entreprise, constitue

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Poilpot-Rocaboy Gwénaëlle, Violation du contrat psychologique et harcèlement professionnel, Gestion 2000, 1998. 4 Mauss Marcel, Essai sur le don, 1923. 5 Malsan Sylvie, « Licenciements collectifs : le prix d’une dette symbolique », Revue du MAUSS, 2007/1 n°29, p.180-206.

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de

l’élément déclencheur du changement : l’entreprise telle qu’il la connaissait depuis dix ans n’existera plus dans sa forme actuelle. Prendre conscience de ce changement lui permet d’entamer un processus de deuil, alternant des phases descendantes (déni, refus, négation, colère, crainte, dépression, tristesse…) et ascendantes (acceptation, pardon, renouveau et quête de sens, sérénité…).

Le diagramme des ressentis (source : le blog Adeios Consulting, inspiré de la courbe de deuil d’Elisabeth Kübler-Ross). Enfin, dans le cadre d’un PSE, les licenciements collectifs envisagés doivent être motivés par des critères légaux6 ou conventionnels7, pondérés par l’employeur et

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Obligatoirement retenus : charge de famille (parents isolés…), ancienneté, capacité de réinsertion professionnelle (seniors, salariés handicapés…) et qualités professionnelles.

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permettant, in fine, d’établir l’ordre des licenciements. Cette situation peut générer un sentiment de compétition entre salariés, les seniors ayant un « avantage » sur les plus jeunes, du fait d’une réinsertion jugée plus compliquée sur un marché de l’emploi exigeant. Afin d’accompagner le mieux possible les salariés lors de l’annonce d’un PSE et ainsi de le gérer de la manière la plus éthique et responsable possible, l’employeur se doit de prendre l’initiative d’en informer les salariés dès qu’un tel plan est envisagé et de se montrer transparent en matières d’informations transmises. Le maintien d’une relation et d’un dialogue entre chacun des salariés, de manière individuelle, est un élément à ne pas négliger dans l’acceptation plus ou moins rapide du changement.

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Ajout de critères supplémentaires non discriminants ou subjectifs.

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Deuxième partie « Je ne suis pas le produit des circonstances. Je suis le produit de mes décisions », Stephen Covey Huit jours après l’annonce désastreuse de la restructuration de mon entreprise, je suis toujours dans l’incompréhension la plus totale… ma remise en question est permanente, moi qui pensais avant tout agir dans l’intérêt des salariés en travaillant dans les RH… Je n’arrive plus à trouver un sens à mon travail de Responsable Ressources Humaines… La fuite dans les médias, ça fait quelque temps que j’y pensais, que je le craignais et ça n’a pas loupé ! Mon malaise vis-à-vis des salariés, quant à ce que je savais n’a fait que s’accroître. J’ai l’impression de leur avoir caché des informations qu’ils étaient en droit de savoir ! Tout ce que j’ai pu apprendre, à demi-mots, en réunions de services, par la DRH du site… Ça fait un mois, peut être deux, que la Direction Corporate avait pris sa décision… et l’impact a finalement eu lieu ! Quelle légitimité, puis-je avoir, face à ces salariés, tous plus désœuvrés les uns que les autres ? Des salariés qui, hier encore, étaient des collègues, des amis pour certains… Que dire à Serge, un opérateur de 55 ans, qui a plus d’ancienneté que moi dans la boîte ? Comment défendre un plan social que je ne comprends pas ? Ne devrais-je pas, moi aussi, faire partie des effectifs « à sacrifier » ? L’effervescence et la confusion qui ont découlé de l’annonce du PSE m’ont d’autant plus ébranlé que certains managers y ont vu une possibilité de se séparer d’éléments qu’ils jugeaient « les moins performants », au sein de leur équipe. Tenez par exemple, Monsieur Gustave m’a apostrophé au détour d’un couloir « Je me demandais, enfin tu comprends, vu le contexte… L’apprenti qu’on vient d’embaucher, Charlie, on s’est rendu compte qu’il était un peu flemmard, toujours en RTT. Il ne sait pas travailler et il met une mauvaise ambiance dans l’équipe. Dis, ce serait possible qu’il fasse partie du plan ? »... Mais nous n’en sommes pas encore là… Je dois leur expliquer que nous allons nous baser sur des critères objectifs, il n’est pas question de licencier des salariés sur la base de leur performance supposée ! Mon rôle est pourtant de maintenir et préserver un équilibre social fragile, d’être garant de l’éthique et de l’équité dans l’entreprise… pourtant en tant qu’acteur RH, je licencie ! Et cela, pour préserver la compétitivité économique de mon entreprise… Se pourrait-il qu’un PSE

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soit une forme éthique de licenciement ? Finalement en sacrifiant quelques-uns d’entre nous, nous garantissons l’emploi de ceux qui restent pour les années à venir… Avoir une réflexion approfondie sur ces sujets sensibles est un devoir quotidien, une obligation pour les Responsables Ressources Humaines (RRH)… la fonction RH a, entre ses mains, des outils pour éviter les licenciements secs et elle compte bien s’en servir. Quitte à conduire un PSE, autant le faire de la façon la plus éthique possible !

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Dilemme éthique en milieu professionnel Les licenciements collectifs sont-ils « moralement » acceptables ? Doit-on, sous prétexte de favoriser le bonheur du plus grand nombre, sacrifier celui d’un groupe social, désigné via des critères préétablis, comme minoritaire et non indispensable pour l’entreprise ? Ces questions sont autant d’interrogations que se pose notre RRH, en proie aux doutes, face au PSE qu’il doit appliquer. Les PSE semblent trouver leur justification directement dans la philosophie utilitariste et plus particulièrement dans le principe d’utilité favorisant « le plus grand bonheur du plus grand nombre »8 et estimant que « toute action, quelle qu'elle soit, doit être approuvée ou désavouée en fonction de sa tendance à augmenter ou à réduire le bonheur des parties affectées par l'action »9 étant entendu que l’utilité procure « bien-être, avantages, joie, biens ou bonheur »10 à la majorité, soit les salariés non concernés par le PSE, dans notre étude. Dès lors, les conséquences négatives du licenciement de certains salariés seront compensées par les conséquences positives liées au maintien de l’emploi de tous les autres ; le recours à un PSE s’apparenterait donc à un devoir selon les tenants de l’utilitarisme, faute de meilleure solution. L’exemple de l’apprenti, Charlie, nous rappelle toutefois qu’il ne faut pas négliger les considérations induites par les PSE. De fait, fixer des critères justifiant l’ordre des licenciements reviendrait à désigner une catégorie de salariés, ceux qui n’ont plus leur place dans l’entreprise, soit des boucs émissaires, pour opérer une catharsis résolvant, dès lors, tout ou partie de ses maux. Ainsi, l’existence de « désirs mimétiques »11 entre salariés, souhaitant obtenir le même produit (conserver leur emploi), se traduit par l’identification implicite de boucs émissaires qui seront par la suite écartés de l’entreprise, sous prétexte d’en apaiser ses tensions économiques12. Ce constat, sonnant comme une mise en garde, nous interroge sur l’acceptation morale des licenciements collectifs. Etant donné l’impact négatif causé par les licenciements sur les salariés concernés (perte d’emploi, de revenus, de

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Priestley Joseph, Essay on the first principles of government, 1768. Bentham Jeremy, Introduction to the principles of morals and legislation, 1789 10 Ibid. 11 Girard René, La violence et le sacré, 1972. 12 Selon le Code du Travail, il existe deux causes légales (difficultés économiques et mutations technologiques) et deux causes jurisprudentielles (sauvegarde de la compétitivité et cessation d’activité) permettant de justifier un PSE. 9

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reconnaissance sociale…), si ceux-ci sont dénués de fondements légitimes, ils s’apparentent alors à une décision arbitraire, considérée comme immorale. De fait, la théorie de la morale néokantienne place la motivation des licenciements au cœur de la justification éthique de ceux-ci : non seulement celle-ci doit être universalisable13 (automatiquement utilisée par toutes entreprises se trouvant dans la même situation) mais il est également indispensable que les salariés licenciés soient « considérés comme des fins et pas seulement comme des moyens »14 ; ce qui implique, de la part de l’employeur, des managers et de la fonction RH, d’apporter un soutien et une écoute toute particulière à l’ensemble des salariés, en s’adressant à eux d’une façon claire, directe et transparente quant aux motifs réels, à la procédure ou au calendrier envisagés… tout en s’assurant du développement professionnel futur des salariés contraints de quitter l’entreprise. Par ailleurs, une des préoccupations récurrentes du jeune RRH concerne sa propre place au sein de l’entreprise, dans un contexte social tendu, du fait du PSE en œuvre : quel est son rôle ? Quel sens donner à son travail ? Comment peut-il l’accomplir du mieux possible ? En effet, comment notre jeune RRH pourrait-il se reconnaître en tant que garant de l’éthique dans son entreprise alors qu’il ne parvient pas, par exemple, à justifier le recours à un PSE ? Ses interrogations quant au sens à donner à son travail font écho aux écrits de Max Weber relatifs aux valeurs du protestantisme ascétique appliqué au monde professionnel : le travail « cette sorte d’activité, dirigée en apparence vers le seul profit, [peut également être appréhendé] comme une vocation (beruf) envers laquelle l’individu se sent une obligation morale »15. Cette notion de beruf se concrétiserait finalement à travers l’accomplissement par les salariés de leur vocation/devoir via leur tâche/métier.

En intensifiant les échanges entre la fonction RH et la Direction, en tentant d’impliquer les salariés, quelques jours après l’annonce de l’éventuel PSE, et en recueillant les avis de ceux souhaitant faire part de revendications, une deuxième orientation s’est progressivement dessinée pour l’entreprise. Correspondant davantage aux « valeurs » et à la

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Levinas Emmanuel, L'exigence éthique est universelle. Ethique et infini, Le Livre de poche, 1982. Ricoeur Paul, Soi-même comme un autre, Seuil, 1996. 15 Weber Max, Ethique protestante et esprit du capitalisme, 1905. 14

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« vocation » du RRH, celle-ci a contribué à redonner du sens à la procédure d’allègement des effectifs, en évitant toutefois les clivages au sein du corps social. L’équipe dirigeante s’est finalement montrée sensible au fait que la cohérence et la pertinence, mobilisées dans un premier temps pour justifier le PSE, ne parvenaient pas à emporter l’adhésion des salariés. Elle s’est alors recentrée sur les modalités d’élaboration et de déploiement d’outils permettant d’éviter les licenciements, soit des pratiques plus faciles à gérer socialement.

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Troisième partie « La chance sourit aux audacieux ! », Virgile Monsieur Sauvet n’a pas eu peur un seul instant d’être licencié. Au contraire, cela faisait quelques mois qu’il songeait à quitter son entreprise et il a tout de suite perçu l’opportunité que représentait pour lui ce PSE. En charge de la mise en place des méthodes Kaizen, Lean Management et 6-sigmas sur le site, Monsieur Sauvet a atteint le grade d’expert et ne voit plus aucune évolution professionnelle possible. De plus, il a rencontré des auditeurs et des conseillers lors d’une conférence sur la méthode « 5-S » le mois dernier, et la découverte de cet univers fut le déclic qu’il attendait : ses interlocuteurs lui ont assuré qu’il avait suffisamment de potentiel pour être un excellent auditeur. Le PSE a été précédé d’un plan de départs volontaires, pour lequel Monsieur Sauvet a opté. Il savait ainsi, qu’il bénéficierait de mesures d’accompagnement, mais il ne se doutait pas que son entreprise allait mettre tant d’actions en œuvre ! Monsieur Sauvet a tout d’abord participé à des ateliers organisés par la fonction RH afin de définir les modalités de son départ, de l’échelonner dans le temps et d’adapter son rythme

de

travail

pour

qu’il

puisse

bénéficier

au

maximum

des

processus

d’accompagnement. Ensuite, Monsieur Sauvet a participé à des groupes de réflexions entre salariés pour faire émerger des idées de projets, c’est dans ce cadre qu’il a pu définir les grandes lignes d’un plan d’action pour devenir auditeur. Par la suite, il a rencontré des consultants afin d’évaluer la faisabilité de son projet et d’affiner son plan d’action. C’est lors des rencontres avec les salariés en reconversion que Monsieur Sauvet a pris conscience que le licenciement n’est pas nécessairement une fatalité, mais peut parfois être une véritable chance, un tremplin pour tous ceux qui souhaitaient partir sans oser le faire par manque d’accompagnement. Grace à son ancienneté, Monsieur Sauvet s’apprête à recevoir des indemnités qui lui permettront d’être solvable jusqu'à ce qu’il trouve un emploi dans sa branche.

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L’élaboration d’outils socialement responsables évitant les licenciements secs ou comment les plans sociaux permettent aux salariés volontaires de se réapproprier leur carrière

D’autres solutions auraient pu être envisagées pour éviter les licenciements secs et maintenir les salariés à l’intérieur de l’entreprise. Ces solutions peuvent être analysées comme autant de contre-dons, attendus par les salariés de la part de l’entreprise, en échange de cette partie d’eux-mêmes qu’ils ont mise à son service. Depuis quelques années, le secteur des ressources humaines déborde de créativité pour développer des innovations en termes de gestion des effectifs. L’outplacement, par exemple, est fréquemment utilisé par les entreprises pour accompagner les salariés licenciés dans leurs démarches de reclassement professionnel. En ce sens, il peut être complémentaire à la mise en place d’un plan de départs volontaires (puisqu’il peut être individualisé) ou bien concerner un ensemble de salariés. Notons également l’existence d’accords de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) ; les entreprises de plus de 300 salariés sont obligées d’en négocier tous les trois ans, depuis la loi Borloo (2005). Ils permettent aux entreprises d’anticiper l’évolution des emplois et des compétences et de prendre des mesures correctives préventives afin de reclasser les salariés positionnés sur des emplois en décroissance ou possédant des compétences en voie d’obsolescence. Mentionnons enfin le skill pooling16 qui s’apparente au prêt de main d’œuvre : il permet aux entreprises subissant des difficultés temporaires de « louer » les compétences de leurs cadres17 (souvent experts !) à d’autres entreprises, comme des PME qui n’ont pas les ressources financières suffisantes pour embaucher ce type de salariés. Les coûts salariaux sont ainsi externalisés sur le court terme et le chômage partiel évité, tout en maintenant l’emploi des salariés concernés. Ces dispositifs originaux peuvent être sources de craintes, ce qui implique de recueillir au préalable l’accord des salariés ; un rôle joué par les ressources humaines. En effet, celles-ci

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Brigitte RORIVE, AGRG - http://www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2003rorive095.pdf Le pôle de mobilité régionale en Rhône-Alpes mobilise principalement des cadres seniors via son dispositif de « Passerelle senior ». 17

17

mènent des campagnes de fond et de long terme pour faire accepter ces nouvelles formes d’organisation du travail car « s’ils [les salariés] sont capables de trouver leur intérêt dans les jeux qu’on leur propose. Les habitudes ont pour eux beaucoup moins d’importance qu’on ne le croit »18. Susciter l’intérêt des salariés pour ces pratiques innovantes permettrait de limiter le recours aux solutions violentes (tels que les PSE) et rendrait alors caduques certains questionnements éthiques autour des thématiques de réduction d’effectifs.

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Crozier Michel et Friedberg Erhard, L’acteur et le système, Seuil, 1977.

18

Quatrième partie « Les histoires de PSE finissent mal… en général ? » C’est avec une certaine amertume que Monsieur Mercier se rend au travail ce matinlà. « Le PSE est derrière nous ! », lui assure son chef… Et pourtant cette période trouble a tellement marqué les esprits que ses conséquences se font encore sentir sur le climat social de l’entreprise. Les projets de Monsieur Sauvet ont porté leurs fruits, Monsieur Mercier s’en trouve fort satisfait. Il regrette toutefois que rien n’ait été fait pour « ceux qui restent ». D’ailleurs, sa demande de formation vient d’être rejetée, sans explications… Comment prendre un second souffle et continuer à développer sa carrière si l’entreprise ne lui propose plus de possibilités d’évolutions ? Le jeune Responsable Ressources Humaines est satisfait que la majeure partie des emplois supprimés se soient traduits en départs volontaires. La démarche a finalement été comprise et relativement bien acceptée par les salariés qui se sont fortement mobilisés comme en témoigne l’importante participation aux ateliers de gestion de l’incertitude et de construction de projets professionnels. Néanmoins, il ne cesse de penser à ce qu’il aurait pu (dû ?) faire de plus ! Il compte proposer à sa Direction la négociation d’un accord de GPEC, grâce auquel l’organisation aura une visibilité sur les métiers en tension et en décroissance, davantage de flexibilité pour gérer les effectifs ; tout cela à travers un outil formel pour la mobilité interne et externe ! Si l’entreprise a aujourd'hui les moyens et les capacités de le mettre en œuvre, cette petite révolution ne saurait voir le jour sans la volonté de toutes les parties prenantes.

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Source : Delon Eric, Restructuration : éviter le syndrome du survivant, Les

S’occuper de ceux qui restent ou comment la fonction RH tente de neutraliser les effets du « syndrome du survivant » apparaissant après tous changements Les plans sociaux ont un impact

considérable

sur

nos

organisations et laissent des cicatrices que le temps n’efface pas toujours. Certains salariés tournent la page avec

une

facilité

écrivant

tout

prochain

chapitre

déconcertante,

naturellement de

leur

le vie

professionnelle « post-PSE », tandis que d’autres souffrent pendant de nombreuses années, subissant de plein fouet ce que les psychologues du travail nomme le « syndrome du survivant ». Sources : Blog Sia Partners, RH&SecteurPublic, Comment réduire les effectifs sans impact social ? (Déc 2014). Il se traduit par de l’anxiété assortie d’une profonde remise en question : pourquoi (pas) moi ? Pourquoi suis-je encore dans l’entreprise ? Va-t-on revivre un PSE dans les prochains mois ? Le syndrome du survivant est le pendant de la courbe de deuil : le salarié poursuivant sa carrière dans l’entreprise doit ainsi faire le deuil du PSE en ce qu’il n’a pas su, pu ou voulu saisir l’opportunité de partir pour se réorienter. Il ressent alors le besoin de combler un vide, entraînant chez certains de sévères dépressions19. Il s’agit de problématiques de santé au travail particulièrement sérieuses et qui sont nécessairement prises en compte et anticipées par les fonctions ressources humaines.

19

Restructurations : le stress des survivants http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/14602/restructurations-lestress-des-survivants.html

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Revenons-en au rôle de la fonction RH dans la gestion du changement. Comme nous l’avons évoqué précédemment, son intervention en amont du PSE concerne la mise en place d’accords de flexibilisation du travail, de skill pooling et autres prêts de main d’œuvre... Soit des initiatives innovantes complétées par des dispositifs d’accompagnement des salariés licenciés pour éviter les licenciements secs et réintroduire la notion de responsabilité sociétale des entreprises vis-à-vis de leurs salariés. Quant à l’implication de la fonction RH en aval du PSE, elle consiste à prendre en compte les impacts des licenciements, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation :  gérer les « survivants », offrir une vision, un cap à suivre, un éclairage sur l’avenir, partager une stratégie, redonner du sens, de l’envie, de la motivation aux salariés qui restent,  gérer les départs, réorganiser l’entreprise, combler le vide et recréer du lien.

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Cinquième partie Du DRH au DRS, ou de l’utilité de la loi – Comment concilier la responsabilité sociétale des entreprises avec les impératifs de compétitivité dictés par un environnement économique concurrentiel

La RSE est avant tout la déclinaison du développement durable à l’intérieur de l’entreprise. Il est essentiel de souligner que cette démarche doit être volontaire ; néanmoins, les attentes des différentes parties prenantes (salariés, candidats, clients, fournisseurs, consommateurs, société civile…) exercent une pression forte sur les entreprises pour qu’elles mettent en œuvre des politiques en faveur de la RSE. Ces pressions multiples relativisent leur caractère « volontaire ». Ces mêmes pressions sont exacerbées lorsque les parties prenantes anticipent des externalités négatives suite à des réductions d’effectifs. La crise de 2008 a été une occasion pour les entreprises de « dégraisser »20, c'est-à-dire de licencier sans ménagement des salariés. Le coût du travail est élevé, notamment en France, dès lors les entreprises sont souvent tentées de s’affranchir du poids financier que représentent les salariés les plus anciens. Réputés peu productifs, difficilement motivables et extrêmement coûteux, ils sont les premières victimes des temps de crise. Or, si l’entreprise a une responsabilité vis-à-vis de ses salariés, c’est bien sûr vis-à-vis des plus fragiles, soit ceux qui auront le moins de chance de réintégrer sans peine le marché de l’emploi. Comme nous l’avons évoqué précédemment, les licenciements sont objectivés par des critères. Ils sont au nombre de quatre a minima21, deux d’entre eux peuvent être mobilisés dans notre cas : l’ancienneté et « les caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ». Dans une démarche de RSE volontaire et volontariste, l’entreprise n’aurait pas besoin de l’intervention de la loi pour sauvegarder les emplois des salariés les plus âgés

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L’erreur de dégraissage en temps de crise http://www.merkapt.com/entrepreneuriat/degraissage-180 L’ordre des licenciements http://travail-emploi.gouv.fr/informations-pratiques,89/fichespratiques,91/licenciement,121/l-ordre-des-licenciements,1100.html 21

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et les moins formés. Cependant, il existe une contradiction flagrante entre, d’une part, la logique économique de l’entreprise et, d’autre part, la logique plus « sociale » de veille aux intérêts des parties prenantes ; la loi doit donc intervenir pour rétablir la balance entre la nécessité d’avoir une entreprise performante, et d’autre part, la protection des salariés les plus exposés au rejet d’un marché du travail de plus en plus concurrentiel. Le plan de départs volontaires possède plusieurs vertus : il permet aux salariés porteurs de projet(s) de quitter l’entreprise pour réorienter leur carrière, tous les salariés étant égaux devant la possibilité qui s’offre à eux (le montant du package qui leur est offert est, une fois de plus, objectivé par des critères préalablement fixés22). Cette démarche mobilise certains ressorts de la morale néokantienne puisqu’elle s’applique à tous les salariés se trouvant dans un contexte donné ; elle est donc universalisable. Par ailleurs, un tel plan met en exergue la responsabilité de l’entreprise envers ses salariés au sens d’Emmanuel Levinas23 : cette dernière ne les reclassera pas en son sein, les laissant finalement partir faute de pouvoir leur proposer un reclassement correspondant à leurs attentes. De fait, elle compense son manque d’implication par une gratification financière majorée ; ce « package » symbolise ce qui vient sceller la rupture du contrat psychologique24. L’entreprise endosse dès lors la responsabilité de cette rupture. Ces plans de départs volontaires peuvent être vus à travers un autre prisme : en évitant les licenciements secs, ils présentent un caractère éthique. Il s’agit de licencier une partie des salariés pour sauver tous les autres… ce qui n’est pas sans soulever de dilemme éthique : supprimer 20% des effectifs aujourd’hui pourrait permettre de ne pas en supprimer 50% dans 2 ans. A la lumière de ce constat, l’éthique transparait clairement ! En somme, si ce PSE s’appuie sur des départs volontaires, tout le monde devrait y trouver son compte et le processus s’inscrira dans une dynamique socialement responsable. D’autre part, il est de la responsabilité de l’entreprise d’aménager des lieux d’écoute et d’échanges, lors de moments de tensions, tels que les PSE. Ils permettent aux salariés

22

Un plan de départs volontaires peut-il être victime http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/07/11/cercle_50042.htm 23 Levinas, Op. Cit. 24 Rousseau Denise, Psychological contract in organizations : understanding agreements, Newbury Park, CA : Sage, 1995.

23

de

son

succès ?

written and unwritten

concernés de considérer l’autre, d’interagir avec lui, de co-construire leur projet et ainsi de « faire société »25. Les procédés mis en place par la fonction RH font écho à la philosophie de Levinas, en ce qu’ils replacent l’humain au cœur du processus de réduction des effectifs : il s’agit d’une forme de pari altruiste, basé sur l’échange et vecteur de soutien social26 entre salariés confrontés aux mêmes problématiques.

Dans le cadre d’une restructuration, les ressources humaines de l’entreprise interviennent en appui de la procédure et constituent par là même un acteur central dans la conduite du changement. Face à ce constat conjoncturel, les fonctions RH subissent un profond renouvellement, et ce, afin d’intégrer des dimensions éthiques dans leur fonctionnement, notamment en recrutant des spécialistes ou en mettant en œuvre de nouveaux outils et manières de travailler, davantage tournées vers la responsabilité sociale et sociétale de l’entreprise. Cette transition accomplie, nous assisterions alors au passage « d’un DRH à un directeur des Responsabilités Sociales, c’est une contrainte externe forte, la RSE. La fonction évolue vers cette contrainte. Cela met la fonction RH dans une fonction plus stratégique. Il y a d’ailleurs de plus en plus de DRH stratégie et RSE »27.

25

Levinas, Op.Cit. Cours d’Emmanuel Abord de Chatillon, et Damien Richard. Management des risques psychosociaux : une perspective en termes de bien-être au travail et de valorisation des espaces de discussion. Psychology. Université de Grenoble, 2012. French. , p. 304, Chapitre 7, 1.2, L’importance du soutien social du supérieur dans la préservation du bien-être. 27 Scouarnec Aline, « Le DRH de demain : Esquisse d’une rétro-prospective de la fonction RH », Management & Avenir, 2005/2 n°4, p.111-138. 26

24

Conclusion

L’éthique et les licenciements sont bel et bien liés et les dilemmes sont nombreux. Chaque acteur joue un rôle et oriente le PSE, suit sa propre trajectoire, saisit les opportunités qui se présentent ou bien subi les mesures mises en place. De l’annonce du plan social à son acceptation, il s’écoule un temps variable d’un salarié à un autre ; certains l’accueille à bras ouverts tandis que d’autres plongeront dans la dépression, incapables d’accepter cette trahison de l’entreprise, la rupture du contrat social qui les liaient à leurs emplois. A la lumière des théories mobilisées, nous pouvons constater que l’éthique est une notion transversale à la fonction RH : elle en est le garant, bien qu’elle ne dispose pas toujours des moyens d’assurer son application effective à toutes les étapes du PSE. Si la RSE est une démarche volontaire de la part des entreprises, la logique de protection des intérêts des salariés licenciés semble toutefois se heurter à la logique de performance économique. C’est pourquoi la loi vient rétablir l’équilibre entre ces deux logiques contradictoires et imposer de nombreux critères objectivant les pratiques RH dans ce domaine.

Comme nous l’avons souligné précédemment, chaque acteur à son beruf, sa propre définition de ce que veut dire « bien faire son travail ». Soulignons toutefois que la réponse apportée à cette question dépend à la fois de nos ressources personnelles et de celles mises à notre disposition par l’entreprise, sans oublier les exigences auxquelles nous sommes soumis28. Un constat qui incite à rester vigilant quant à l’équilibre entre les ressources et les exigences, au regard de son impact sur l’implication et la qualité de vie au travail.

28

Hobfoll Stevan, Conservation of resources : a new attempt at conceptualizing stress, 1989.

25

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