Adama Traoré: pas de procès, sauf pour ses frères... Ils comparaissent aujourd’hui à Pontoise. À Beaumont, la maire de droite met de l’huile sur le feu. P. 10

Sous l’ère Trump, les militants noirs de Louisiane se mobilisent NOTRE REPORTAGE À LA NOUVELLE-ORLÉANS, QUI CÉLÈBRE ENCORE LE TEMPS DE L’ESCLAVAGE. P. 22

Brian Snyder/Reuters

l’Humanité

VAL-D’OISE

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BELGIQUE 2 € - LUXEMBOURG 2 € - ANTILLES-RÉUNION 2,20 € - ITALIE 2,30 € - ESPAGNE 2,30 € - MAROC 22 MAD

MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2016 | N° 22071 | 1,90 € l’Humanité.fr

Chez Renault, la course aux profits tue l’ingénierie

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rahim E. avait tout du cadre acmalaise cardiaque et décède dans la nuit à LA compli chez Renault. Embaul’hôpital. Il avait 44 ans et laisse derrière PRESSION ché en 2001, l’ingénieur avait SUR LES CADRES lui une femme et trois enfants. connu une solide ascension Depuis, Renault verrouille la commuET INGÉNIEURS jusqu’à devenir directeur de nication sur cette affaire, que ce soit visDE RECHERCHE l’ingénierie de la marque au losange au à-vis de la presse ou de ses salariés. Jointe PREND DES Maroc, puis directeur programme adjoint par téléphone, la direction s’est simpleDIMENSIONS de la région Europe sur les projets transment dit « attristée et choquée » et anALARMANTES. verses. Évaluations au beau fixe, bonne nonce avoir mis en place « une cellule progression de carrière : tout laissait penser psychologique dès le lendemain du décès », que le cadre du Technocentre de Guyancourt jugeant en outre que le fait d’établir des liens (Yvelines) donnait pleine et entière satisfaction à entre l’organisation du travail et ce décès n’était « pas Renault. Mais, fin septembre, le constructeur automo- pertinent ». Pour le reste, Renault se retranche derrière bile réalise qu’une version du Dokker produite dans l’enquête de police en cours. En interne, la direction a l’usine de Tanger n’est pas homologable. Dans le but mis une semaine à communiquer, par le biais d’un mail de réaliser des économies, une serrure a été enlevée sur particulièrement elliptique, dans lequel l’entretien est une porte, ce qui rend le véhicule non conforme. Une pudiquement renommé « entretien avec un représentant modification qui aurait été apportée sans être passée de l’établissement ». Mais le CHSCT s’étant autosaisi par l’étape d’homologation interne au groupe. pour enquêter, le constructeur se retrouve néanmoins sommé de rendre des comptes à la commission ad hoc. Un système de baisse de coûts perpétuelle Car derrière le cas de Brahim E, tout un système de baisse Le bilan économique pour le constructeur est lourd : de coûts perpétuelle est en cause. « Un seul homme n’a 43 000 véhicules auraient été rappelés. En tant que pas pu faire de telles modifications sur un véhicule et dédirecteur de l’ingénierie au Maroc, c’est Brahim E. cider d’outrepasser l’homologation. Il y a forcément d’autres qui est tenu responsable par Renault. Le 23 novembre, personnes qui étaient au courant », souligne Dominique son employeur le convoque à un entretien préalable Perrot, délégué syndical CGT sur le site, pour qui Brahim à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Bou- a joué le rôle de « lampiste ». D’autant que la conception leversé par la procédure qu’il estime « totalement du Dokker avec une serrure en moins se serait étalée sur infondée, profondément injuste », explique la CFDT trois ans, avant d’arriver en production. qui l’accompagnait à cet entretien, Brahim E. fait un Lire la suite de notre article page 4

Bernard Cazeneuve prépare l’avenir... du prochain semestre GOUVERNEMENT Le dernier premier ministre du quinquennat a défendu coûte que coûte le bilan de François Hollande à l’Assemblée, hier. P. 6

L’incivilité fiscale pointée du doigt RAPPORT Le Conseil économique, social et environnemental dénonce l’évasion fiscale mais aussi d’autres techniques d’« optimisation ». P. 8

Claire Voisin, une consécration nationale DISTINCTION La mathématicienne reçoit aujourd’hui la médaille d’or du CNRS. Portrait. P. 20 Patrick Imbert/Collège de France

DÉBATS & CONTROVERSES P. 12

Comment rassembler le peuple de gauche face à la droite?

l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016

« Les hommes qui ont confiance en l’homme se félicitent que toutes les possibilités humaines ne se manifestent point dans les limites étroites de leur vie. » Jean Jaurès, 1903.

Géographie de l’humanité

NOS POINTS CHAUDS SCIENCES

CULTURE

RUSSIE De retour de Saint-Pétersbourg, Vadim Kamenka, reporter à l’Humanité, dresse un rapide portrait politique, économique et social de la Russie d’aujourd’hui. Près de 4 millions de Russes se sont retrouvés sans domicile fixe ces trois dernières années. Dans ce contexte de crise économique et sociale, Vladimir Poutine reste néanmoins très populaire. Explications sur l’Humanité.fr

DROITS DE L’HOMME

France Les Talens Lyriques, un des ensembles musicaux français les plus dynamiques sur la scène internationale, fête ses 25 ans avec une production record de 6 opéras, donnés de Vienne à Amsterdam en passant par Dijon et Strasbourg.

Algérie

Cuba Cuba, l’un des pays au monde dont l’accès technique à Internet est le plus difficile, va bénéficier d’une connexion plus rapide à Google, selon un accord signé lundi entre le géant américain et Etecsa.

UNESCO Carnac bientôt au patrimoine mondial ?

Un premier dossier en vue de faire reconnaître au patrimoine mondial de l’Unesco les alignements de Carnac, ainsi que les mégalithes du golfe du Morbihan et de la baie de Quiberon, a été validé lundi à Carnac (Morbihan). Une première étape pour une candidature à l’Unesco, ce dossier étant destiné dans l’immédiat au ministère de la Culture, qui a le rôle de « passeur ». Il le transmettra ensuite au Comité des biens français au patrimoine mondial.

Pérou Le premier journal télévisé entièrement en langue indigène quechua a commencé lundi à être diffusé au Pérou, pays où, pendant des siècles, cette culture a été discriminée.

ESCLAVAGE La France ne veut pas perdre la mémoire

Selon la délégation pour la mission de préfiguration de la fondation pour la mémoire de l’esclavage, des traites et de leurs abolitions, « grande cause nationale », dit son président, Lionel Zinsou, cet organisme existera dès le premier trimestre 2017. Selon sa lettre de mission, le président Zinsou devra non seulement valoriser la « mémoire » de l’esclavage, des traites et de leur abolition, mais aussi rapidement « réfléchir à l’édification d’un mémorial aux esclaves et d’un lieu muséographique à Paris ».

La mort en détention d’un journaliste, Mohamed Tamalt, une première en Algérie, a suscité de nombreuses protestations des organisations de défense des droits de l’homme. Des centaines de personnes ont assisté lundi à Alger à son enterrement. Il purgeait une peine pour « offense au président de la République ».

SANTÉ Contre Alzheimer, la lutte s’intensifie

Les statines, médicaments anticholestérol, seraient prometteuses pour la prévention de la maladie d’Alzheimer. Les travaux menés par des chercheurs de l’université de Californie du Sud et d’Arizona, entre 2009 et 2013, sur 400 000 bénéficiaires du régime d’assurance maladie Medicare, ont permis de découvrir qu’utilisés pendant au moins deux ans, ils réduisaient les risques d’avoir cette maladie neurodégénérative incurable pendant la durée de l’étude.

Médecins du Monde @MdM_France #Syrie : appel à un ultimatum humanitaire. On est dans l’urgence pour les 120 000 civils et 700 blessés piégés à #Alep

L’actualité sur l’Humanité.fr

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ARNAQUES Les petites annonces d’emplois se multiplient sur Internet, les arnaques aussi. Elles consistent à soutirer de l’argent aux demandeurs d’emploi moyennant la promesse d’un boulot ! Certains escrocs usent même de faux mails à l’en-tête officielle « Pôle emploi ». Il s’agit là d’une forme de « phishing » ou hameçonnage puisque leur procédé consiste à hameçonner les demandeurs d’emploi au moyen des petites annonces diffusées par milliers sur Internet. Lire toutes nos informations sur l’Humanité.fr

BONNE NOUVELLE MAUVAISE NOUVELLE

DEUX TABLEAUX DE GRANDE VALEUR D’ANCIENS MAÎTRES NÉERLANDAIS, VOLÉS PAR LES NAZIS, ONT ÉTÉ RESTITUÉS AUX HÉRITIERS D’UN MARCHAND D’ART JUIF ALLEMAND EXILÉ AU CANADA.

UNE FILLETTE DE NEUF ANS A ÉTÉ TUÉE ET TROIS AUTRES ENFANTS BLESSÉS LUNDI PAR L’EXPLOSION D’UNE BOMBE DÉPOSÉE PRÈS DE LA PORTE D’ENTRÉE DE LEUR ÉCOLE, DANS LE NORD-OUEST DU PAKISTAN.

L’HUMANITÉ Fondateur : Jean Jaurès. Directeur : Patrick Le Hyaric. Société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Société nouvelle du journal l’Humanité (SA 99 ans à compter du 1er janvier 1957). Capital social : 2 500 000 euros. Siège social : 5, rue Pleyel, immeuble Calliope, 93528 Saint-Denis CEDEX. Téléphone : 01 49 22 72 72. Service diffusion (fax) : 01 49 22 73 37. Service aux abonnés : 01 55 84 40 30 [email protected]. Vente commerciale : 01 49 22 73 31. Vente militante : 01 49 22 73 47. Publicité : Comédiance. Téléphone : 01 49 22 74 43 (commerciale) 01 49 22 74 53 (annonces classées) 01 49 22 74 89 (annonces légales). Directoire : Patrick Le Hyaric, président du directoire et directeur de la publication ; Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction ; Silvère Magnon, secrétaire général et co-directeur de la publication ; Frédéric Borie, directeur administratif et financier. Conseil de surveillance : Jean-Louis Frostin, président. Actionnaires principaux : l’Association des lectrices et lecteurs de l’Humanité ; l’Association des diffuseurs de l’Humanité. Impression : POP (La Courneuve), Mop (Vitrolles), Nancy-Print, CILA (Nantes). Numéro ISSN : 0242-6870. Dépôt légal : date de parution. Commission paritaire : 0418 C 79615. Tirage du lundi 12 décembre 2016 : 45 141 exemplaires.

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité

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Temps forts

L

a vie dans le maquis laisse des traces. Du haut de ses 74 ans, Tran To Nga, petit bout de femme aux cheveux gris, n’a rien perdu de la ténacité qui l’habitait lorsqu’elle fut poussée par la guerre sur la piste Hô Chi Minh en tant qu’agent de liaison du Front national de libération du Sud-Vietnam. Du temps de la résistance, dit-elle, la montagne révélait le caractère profond de chaque être humain. C’est aujourd’hui un double combat qu’elle mène : pour la justice et la reconnaissance de l’un des plus grands crimes de l’histoire de l’humanité. Il y a plusieurs années, elle lance une procédure judiciaire contre vingtsix multinationales de la pétrochimie, dont Monsanto et Dow Chemical, engagées dans la production de l’agent orange, ce défoliant déversé par l’aviation américaine entre 1961 et 1971. À l’époque de la guerre, à peine arrivée dans la jungle, sans expérience, elle reçoit une mystérieuse « poudre liquide » venue du ciel. Elle suffoque, tousse. La dioxine produit ses premiers effets. Lors d’une marche de quinze jours, elle est de nouveau exposée à un épandage. La forêt est réduite à néant et Tran To Nga est miraculée. Mais elle ressentira toute sa vie dans sa chair les effets de ces déversements chimiques. Sa première fille, née en 1968, a la peau qui part en lambeaux quelques jours après la naissance. Viêt Haï cesse de grandir et respire de plus en plus difficilement. Sa fille est condamnée par la tétralogie de Fallot, effet tératogène avéré, et meurt à l’âge de 17 mois. Ses deux autres enfants, nés dans la forêt et en prison, souffrent respectivement d’alpha-thalassémie, une maladie du sang, et de chloracné, qui affecte la peau. Nga porte les mêmes stigmates : des nodules incrustés sous sa peau, dans les vaisseaux sanguins, le cœur et les poumons.

Malformations congénitales et cancers dus à la dioxine

C’est un combat de David contre Goliath. Les puissantes multinationales savent s’entourer et font traîner la procédure en longueur, déterminées à faire comprendre que Tran To Nga ne peut rien contre ces géants industriels. Il y a encore peu de temps, le chiffre d’affaires de Dow Chemical dépassait le PIB du Vietnam. Après mille astuces juridiques, une audience cruciale est néanmoins attendue demain, en France, grâce à sa double nationalité. Et le procès pourrait franchir une nouvelle étape alors que le tribunal de grande instance d’Évry recevra

ÉDITORIAL

Bruno Arbesu

Renault se porte mieux que ses salariés. C’est ce qui ajoute au scandale de la réapparition des symptômes du mal, qui avait conduit plusieurs d’entre eux au suicide, il y a dix ans, au Technocentre de Guyancourt, et dont on pouvait penser que la direction du constructeur avait tiré les leçons. Non que les bénéfices, alors en chute libre, aient pu constituer une quelconque excuse à la gestion par le stress et à la pression maximale mise sur les employés. Mais la situation est d’autant plus choquante que l’entreprise affiche désormais des taux de marge à faire pâlir ses concurrentes européennes : 5 % au premier semestre, quand Volkswagen doit se contenter de 2 %. Car ces résultats ne sont pas construits sur une base saine de valorisation des capacités humaines, ils sont le produit d’une course à la compétitivité traduite en accords

Par Sébastien Crépel

La politique du pressoir d’entreprise – ceux que la loi El Khomri promeut comme étant le nec plus ultra du progrès social –, dont le personnel est la première victime. Les recettes sont connues : près de 10 000 salariés poussés au départ depuis 2013, a calculé la CGT, augmentation du temps de travail, gel des salaires… Si bien que, selon les Échos, la masse salariale

chez Renault, comme chez PSA d’ailleurs, représenterait à peine 11 % du chiffre d’affaires, contre 17 % chez Volkswagen, quand la part de la recherche est tombée à 5 %, contre 7 % du côté du concurrent allemand. Ces choix agissent comme un pressoir des âmes et des corps de ceux qui ont la « chance » de rester dans les effectifs. Ils ne peuvent pas demeurer le champ clos des directions d’entreprise, a fortiori si l’État y est actionnaire comme c’est le cas chez Renault, PSA ou Airbus. Le politique doit reprendre la main, mais les déclarations des candidats sur le renouveau industriel n’y suffiront pas. Ce sont des options politiques, fiscales, économiques, allant jusqu’à confier du pouvoir aux salariés dans la gestion des entreprises, qui permettront de distinguer le projet neuf de société de la vaine promesse de campagne.

GUERRE DU VIETNAM

L’agent orange au banc des accusés Ancienne résistante vietnamienne, Tran To Nga intente un procès aux multinationales engagées dans la production du défoliant.

certainement d’expliquer que l’agent orange n’est pas un poison mais un simple désherbant dont l’utilisation est autorisée. Ce que conteste unanimement la communauté scientifique internationale », soul i g ne enc ore A nd ré B ou ny . C ’ e s t exactement l’argumentaire qui avait conduit, en 2004, la cour de justice américaine à refuser de se saisir de la plainte de trois millions de victimes regroupées au sein de Vava (The Vietnam Association for Victims of Agent Orange/Dioxin, l’association vietnamienne des victimes de l’agent orange/dioxine). Suite à un recours, la Cour suprême a également exonéré les multinationales de poursuites, ôtant ainsi toute possibilité de reconnaître les crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Dès 1970, cinq ans avant la fin du conflit au Vietnam, une conférence internationale à la faculté d’Orsay avait pourtant fait état de malformations congénitales et de cancers dus à la dioxine. Cela n’empêcha pas les B-52 américains de continuer à déverser leur pourriture sur les Vietnamiens. En 1980, Hanoï crée la commission 1080 qui met en relation la dioxine et les pathologies développées au Sud-Vietnam parmi les vétérans et les enfants nés han-

En août 2010, l’Assemblée nationale du Vietnam recense 4 millions de personnes contaminées.

TRAN TO NGA CONTINUE LE COMBAT POUR LA RECONNAISSANCE DE L’UN DES PLUS GRANDS CRIMES DE L’HISTOIRE CONTRE L’HUMANITÉ. PHOTO OLIVIER DONNARS

les conclusions des vingt-quatre entreprises toujours poursuivies. Les juges sont ensuite chargés d’établir un calendrier. « C’est sans conteste une audience cruciale, car jusqu’alors la partie adverse a tenté des manœuvres dilatoires pour gagner du temps. Les mutinationales peuvent compter sur les plus grands cabinets d’avocats de la place de Paris quand Tran To Nga est défendue par un seul cabinet, celui de Me William Bourdon. Ce sera de toutes façons un long

combat d’experts entre les deux parties », explique André Bouny, fondateur du Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’agent orange (CIS). Il est probable que le tribunal demande des expertises médicales contraires afin de prouver que les pathologies présentées par Tran To Nga sont bel et bien liées à une exposition à la dioxine TCDD. Les multinationales ont néanmoins plus d’un tour dans leur sac. « Elles tenteront

dicapés. Problème, le coût des analyses de sang pour détecter la présence de dioxine chez l’être humain avoisine les 2 000 dollars. Pour Tran To Nga également, la procédure se révèle extrêmement onéreuse. En août 2010, la vice-présidente de l’Assemblée nationale du Vietnam déclare que son pays compte 4 millions de personnes contaminées. Le Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’agent orange fait appel à la solidarité afin de couvrir les frais liés à la mobilisation d’une vingtaine d’huissiers français et états-uniens, la notification par parquet diplomatique, la traduction et la certification de l’ensemble des documents. En 2006, la justice sud-coréenne condamnait Dow Chemical et Monsanto à verser des dommages et intérêts à des milliers d’anciens combattants de la guerre du Vietnam. Un tel jugement sera-t-il possible aujourd’hui, en France ? LINA SANKARI

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l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016 psa aussi a signé son pacte social

En juillet, le groupe PSA a signé un « pacte social » avec les cinq syndicats sauf la CGT. L’accord met fin au gel des salaires et prévoit des augmentations supérieures d’au moins 1 point à l’inflation, en échange de mesures de flexibilité et de la poursuite des suppressions d’emplois.

L’événement

5%

c’est la marge opérationnelle enregistrée par la division automobile de renault au premier semestre 2016, un niveau exceptionnel.

automobile

À Guyancourt, Renault saborde son ingénierie

Dans sa course effrénée aux économies, le constructeur pousse ses ingénieurs à rogner sur la qualité des véhicules, en concevant des produits moins chers, dans des délais de plus en plus courts. Avec des conséquences parfois lourdes sur le plan humain comme industriel.

Suite de la page une quettes. Ce qui implique que les semaines La course à la rentabilité et aux économies précédant ces jalons sont très intenses en tous azimuts pèse au quotidien sur les in- travail : on se retrouve à travailler les soirs génieurs. « À chaque projet, on demande et les week-ends », rapporte un ingénieur aux directeurs et aux ingénieurs de désha- rencontré au technocentre. biller un peu plus les véhicules, d’enlever des pièces pour voir si l’on peut gratter quelques En 2007, Renault avait été jugé centimes par voiture », explique Marc coupable de « faute inexcusable » Tzwangue, délégué du syndicat SUD sur Un étirement des journées de travail qui le site. La satisfaction des objectifs d’éco- était censé être proscrit à la suite de trois nomies fait d’ailleurs partie des critères suicides, reconnus comme accidents de d’évaluation individuelle des cadres et travail, qui avaient endeuillé le technocentre ingénieurs. Cette compression des temps entre 2006 et 2007 et pour lesquels Renault et des coûts de conception des véhicules a avait été jugé coupable de « faute inexcuété théorisée par l’entreprise au losange sable », épinglé par un rapport d’expertise sous le nom de V3P pour « Value-up In- du cabinet Technologia, mandaté par le novation of Product Process CHSCT en 2007, qui constaProgramme », un concept « La pression tait que le phénomène de directement importé de sa « job strain », défini comme cousine Nissan depuis au technocentre une « situation augmentant quelques années. L’objectif : les risques psychosociaux du produire des véhicules, de a augmenté fait d’une forte demande l’amont à l’assemblage, en psychologique et d’une latide manière y consacrant 30 % de moins tude décisionnelle réduite » de temps et 30 % de budget exponentielle, était trois fois plus imporen moins par rapport aux tant à Guyancourt (31,20 %) standards précédents. Une ces dernières que chez le reste des ingépression sur les délais et les nieurs et cadres français années. » coûts tellement irréalisable (10,30 %). L’expertise avait que le premier projet soumis bruno pena, en outre pointé l’absence membre Du ChsCt suD de dispositifs de contrôle de à ces exigences, le nouvel Espace, a dérivé plusieurs la charge de travail. Dès semaines par rapport au planning prévu, 2007, le constructeur avait investi 10 milce qui a conduit Renault à ajouter quelques lions d’euros dans l’élaboration d’un plan semaines dans l’élaboration de ses projets d’amélioration des conditions de vie et de pour établir une V3P-2. Mais le rythme et travail des équipes (Pacte). Formation des la charge de travail restent très lourds à managers à la détection et à la gestion du assumer pour les ingénieurs et techniciens. stress, permanences d’un psychologue « On a certes gagné du temps avec la digi- dans l’entreprise, mais aussi réduction de talisation des maquettes, mais on nous met l’amplitude de l’ouverture du technocentre aussi la pression avec des jalonnements très à ses salariés à un créneau entre 7 h 30 et fréquents – environ tous les trois mois – où 20 h 30 au lieu de 5 h 30 à 22 h 30, avaient l’on doit présenter des dossiers, des ma- alors été actées.

en avril, un salarié du technocentre a été mis à pied pour avoir incité ses collègues à regarder le film « m

Mais près de dix ans plus tard, l’état de stress ne semble pas avoir sensiblement diminué. Les rapports annuels établis par les médecins du travail de Guyancourt pointent d’ailleurs les risques de burn-out et d’épuisement professionnel liés à la surcharge de travail. « L’accumulation de cette charge de travail, associée à des changements successifs d’orientations ou de projets, provoque des conséquences sur la santé physique et mentale des personnes. On retrouve en effet une augmentation des troubles du sommeil, fatigabilité, problèmes de concentration, douleurs articulaires, ou encore chez certains l’apparition de malaises. Cette charge, pour certains managers ou pilotes de projets, est d’ailleurs à l’origine d’une connexion majorée le soir ou le week-end, voire d’une présence excessive sur le site », peut-on lire dans l’un de ces comptes rendus pour l’année 2015. « La pression au technocentre a augmenté de manière exponentielle ces dernières années », confirme Bruno Pena, membre du CHSCT SUD. « On est de moins en moins nombreux pour travailler, sur des objectifs de plus en plus compliqués, avec des délais de plus en plus courts », résume le syndicaliste. C’est que, depuis le premier accord

de compétitivité de 2013, qui avait avalisé plus de 8 000 suppressions d’emplois dans le groupe, les effectifs ont fondu dans les usines, mais aussi en ingénierie. Si, en apparence, le nombre de postes à Guyancourt semble être resté stable entre 2013 et 2015, voire en légère hausse, en passant de 9 456 salariés fin 2013 à 10 312 fin 2015, d’après le bilan social fourni par la direction, ces chiffres masquent en réalité des centaines de départs non remplacés. En 2014, la marque au losange a en effet fermé son centre de recherche de Rueil-Malmaison et rapatrié les 1 200 salariés du site à Guyancourt.

Une saignée compensée par un recours aux prestataires extérieurs

Un autre rapport annuel de 2015 d’un médecin du travail du site souligne d’ailleurs « une forte influence des changements d’organisation depuis 2013, couplés à des réductions d’effectifs dans le cadre de l’accord de compétitivité, des situations de mobilité bloquée, ou forcée » comme étant facteurs de risques psychosociaux. Une saignée compensée en partie par un recours croissant aux prestataires exté-

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité

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bénéfices record

Fin juillet, Renault a publié un bénéfice net en hausse de 7,5 % pour le premier semestre 2016, à 1,5 milliard d’euros, affirmant avoir atteint une rentabilité opérationnelle « record ». Le chiffre d’affaires a progressé de 13,5 %, à 25,2 milliards d’euros.

L’événement

en dix ans, Les deux constructeurs renauLt et psa ont supprimé pLus de 70 000 empLois en france.

chez psa aussi, La r&d mise à La diète

merci patron ». en réaction, un rassembLement avait été organisé avec nuit debout. photo a. morissard/ip3

rieurs, mais qui se fait au détriment de la qualité et des conditions de travail de tous. « Quand on individualise, parcellise et externalise le travail, on multiplie les risques de dysfonctionnements. Les salariés n’ont plus une vision d’ensemble de leur travail, qui devient moins technique, moins intéressant. La noblesse de la conception n’existe plus aujourd’hui, les ingénieurs deviennent de plus en plus presse-boutons. Et avec le recours aux prestataires, des connaissances sont perdues par Renault en interne », explique Bernard Guillerey, architecte électronique système parti depuis six mois en préretraite et remplacé par un prestataire, à un poste pourtant jugé cœur de métier. « À la fin des années 1980, le standard chez Renault, c’était la qualité totale. Aujourd’hui, l’objectif qu’on nous impose, c’est la qualité perçue ! Donc on fait des véhicules moins bons pour moins cher, mais on se retrouve de plus en plus à devoir faire des retouches à des coûts importants », résume Dominique Perrot, le délégué syndical CGT du technocentre. Mais, loin d’assumer la responsabilité de ces dysfonctionnements, la direction de Renault rejette au contraire la faute sur

les ingénieurs eux-mêmes. À l’occasion d’une réunion de négociation du nouvel accord de compétitivité le 15 novembre, le directeur de l’ingénierie, Gaspard Gascon, avait tenu des propos assez durs concernant les ingénieurs et leur management. « Sous-traitance à efficacité médiocre », « management qui manque de rigueur », « techniciens et ingénieurs ringardisés » : les termes peu élogieux rapportés par la CGT dans un compte rendu de la réunion laissent entrevoir la vision qu’a la direction de ses salariés. « Si demain, un ingénieur passe une étape de réalisation d’outillage sans réunir les conditions, je le vire, je le change de poste ! » aurait en outre ajouté le directeur de l’ingénierie pour bien faire comprendre sa fermeté. Pour certains, l’ambiance au technocentre est quasiment pire qu’il y a dix ans, lors de la vague de suicides. « Le climat n’arrête pas de se dégrader », estime Bernard Guillerey. « Ceux qui s’investissent dans leur boulot y laissent leurs tripes, les autres se désinvestissent », constate-t-il avec amertume. Loan nguyen

ils sont rarement mobilisés mais, fin juillet, les ingénieurs et techniciens des centres de recherche et développement (r&d) du groupe psa, à Vélizy, Carrières-sous-poissy (Yvelines) et La GarenneColombes (hauts-de-seine) manifestaient leur ras-lebol après l’annonce par la direction d’un énième plan de réduction des coûts se soldant par la suppression de 1 400 postes sur 10 000, la plus grosse saignée jamais enregistrée dans ce secteur. avec le lancement en 2011 du programme drive, le constructeur automobile s’était engagé dans une réduction des coûts de la r&d déclinée en neuf items, à hauteur de 300 millions d’euros par an. Le plan passait notamment par des rationalisations diverses, un allégement de la hiérarchie, une chasse aux doublons, mais surtout une hausse du recours à la sous-traitance en roumanie et au maroc et auprès de quatre principaux partenaires, altran, alten, assystem et segula, qui, selon les Échos, engrangent 80 % des commandes de psa. du point de vue technique, les mesures d’économies passent par une réduction du nombre de « silhouettes » de véhicules, avec des ossatures communes à plusieurs marques à l’intérieur du groupe, mais aussi à l’extérieur, avec des constructeurs partenaires. Ces mesures permettent, selon psa, de réduire le coût de développement de 20 %.

Le groupe veut toujours plus de compétitivité sociaL dans le cadre des négociations d’un deuxième

accord de flexibilité, renault demande encore à ses salariés de travailler plus, promettant des embauches. Qui ne compensent pas les départs.

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es journées et des semaines de travail rallongées. C’est ce que propose en substance la direction du constructeur automobile dans le cadre de négociations d’un nouvel accord de compétitivité qui devaient se conclure hier soir, au terme de huit séances de discussion avec les syndicats représentatifs au niveau du groupe : la CFECGC, la CGT, la CFDT et FO. Renault souhaiterait faire travailler ses salariés jusqu’à 1 h 15 en plus chaque jour en cas de hausse d’activité, ainsi que le samedi. Si à l’origine la direction souhaitait que ces séances de travail le week-end puissent être obligatoires, elle a dû revenir à une base de volontariat suite à l’opposition unanime des syndicats. Des mesures qui reviendraient à faire Renault travailler les salariés un mois et demi de souhaiterait plus par an, d’après la CGT, qui appelait faire travailler hier matin à des débrayages sur plusieurs ses salariés sites pour protester jusqu’à 1 h 15 en contre ce projet. En contrepartie, le plus chaque jour constructeur prometen cas de hausse tait jusqu’à maintenant 3 000 embauches d’activité, ainsi d’ici à 2019 – qui se répartiraient pour que le samedi. moitié entre les sites de production et l’ingénierie. Ce qui reste loin des 4 500 recrutements demandés par la CFDT, et encore plus éloigné des 14 000 postes réclamés par la CGT. « Les embauches annoncées ne combleront même pas les départs », estimait Fabien Gâche, coordinateur CGT pour le groupe, évoquant 4 500 départs naturels prévus sur la période et la promesse de Renault de diviser par deux le nombre d’intérimaires. Ce qui représenterait 4 500 départs supplémentaires, selon la CGT.

En 2015, la marque au losange a réalisé un résultat net de 2,82 milliards d’euros

En 2013, lors de la signature du premier accord de compétitivité par la CFE-CGC, la CFDT et FO, Renault avait joué sur le chantage à la fermeture de sites pour faire accepter un gel des salaires, des mobilités forcées, une augmentation du temps de travail et 8 000 suppressions d’emplois, dans un contexte où le marché automobile européen était en berne. Cette année-là, la marque au losange n’avait engrangé « que » 586 millions d’euros de résultat net. Mais en 2016, la situation financière de Renault est loin de pouvoir justifier un tel traitement de choc. À la faveur d’une reprise du marché automobile, mais aussi grâce à ses mesures d’économies drastiques, le constructeur avait fait exploser les compteurs des profits en 2015 avec un résultat net de 2,82 milliards d’euros. Après cette dernière séance de négociations, le constructeur espère obtenir une signature entre fin décembre et début janvier. L. n.

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l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016 SoupçonS Sur un mariage à LevaLLoiS

Politique&Citoyenneté

Une enquête pour abus de faiblesse a été ouverte à la suite d’un mariage entre une employée municipale de Levallois-Perret et le propriétaire d’une parcelle convoitée par un promoteur proche du maire LR Patrick Balkany, conduisant à ouvrir une enquête préliminaire en juin, a confirmé le parquet de Nanterre.

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C’est le pourcentage de Français qui estiment que François Fillon ne pourrait pas « proposer de bonnes solutions concernant le système de santé ». Sondage Harris interactive pour LCp.

gouvernement

Cazeneuve, inventaire avant liquidation Le nouveau premier ministre a défendu hier, à deux mois de la fin de la session parlementaire, devant l’Assemblée nationale, un bilan qui a pourtant conduit François Hollande à renoncer à la présidentielle.

C

ela fait déjà une semaine que Bernard Cazeneuve est premier ministre. Et ce n’est pas rien pour quelqu’un qui ne restera que cinq mois à ce poste, élection présidentielle oblige. Hier, l’hôte de Matignon a prononcé sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. « Je sais que cette mission sera brève mais je veux l’assumer pleinement », a-t-il concédé d’emblée. Prisonnier d’une temporalité étroite et figée, il s’est livré à une défense totale et bien souvent trop heureuse du mandat qui s’achève. Pêlemêle, il a listé créations de postes dans la fonction publique, baisse du chômage, diminution de la pauvreté, développement des logements sociaux, ou encore baisse des impôts, qui ne survivent pas en ces termes à un examen attentif du quinquennat.

ment en défendant les « 200 millions d’euros ajoutés au remboursement des soins dentaires », et que le candidat de la droite entend exclure du champ de la Sécurité sociale. « On peut réformer sans abîmer, sans détruire », a poursuivi le chef du gouvernement, trop heureux de pouvoir se trouver rassurant face à la droite, quand l’action même de sa majorité ouvre les portes aux surenchères. La charge a continué sur l’accueil des réfugiés, Cazeneuve remerciant « les maires, de toute sensibilité, qui avaient à cœur la République », plutôt que ceux qui stigmatisent pour mieux rejeter. Même son de cloche lorsqu’il s’est agi de célébrer ceux qui ont « résisté, sans céder à la panique, ni à la haine, ni au lâche renoncement des valeurs qui les fondent », dans le « respect de toutes les cultures, toutes les religions », au lendemain des attentats terroristes. Les oreilles de Manuel Valls ont probablement La prolongation de l’état d’urgence sifflé. au-delà de juillet 2017? Qui dit attentat dit aujourd’hui état Mêlant ce qui a été fait et ce qui d’urgence. Bernard Cazeneuve, qui reste à faire, insistant à de devait dans la soirée défendre nombreuses reprises sur des la prolongation de l’excepLeS députéS mesures qui se concrétisetion jusqu’en juillet 2017, ont voté Hier ront, comme par hasard, en soit au-delà de sa propre La ConFianCe 2017, le premier ministre a légitimité sur la question, a au gouvernement de bernard CaZeneuve, ciblé sans trembler une opannoncé que le dispositif par 305 voix position de droite qui se voit avait permis d’arrêter 420 Contre 239. déjà au pouvoir. « Nous personnes liées à l’islaavons garanti l’équilibre des misme radical et de déjouer comptes et réduit les déficits 17 projets d’attentats. « C’est tout en apportant de nouveaux la force de notre République que de droits », a-t-il asséné, vantant le compte se défendre avec les moyens de l’État personnel d’activité, sans ajouter un mot de droit », a-t-il ajouté, soit par déni, sur le contenu réel de la loi travail. Affirmant soit par goût de l’autocontradiction. vouloir « protéger les Français » sur les Bien loin de s’étendre sur les reniements questions sociales, de santé, de chômage, de son propre camp, le premier ministre de vieillesse, il a attaqué le projet de sup- a célébré sans retenue Cice et pacte de pression de centaines de milliers de fonc- responsabilité, grâce auxquels « les entionnaires formulé par François Fillon, sans treprises ont retrouvé le niveau de marges le nommer. Alors que l’aile droite de l’Hé- qu’elles avaient en 2000 », en plus de micycle poussait des cris outrés, le principal permettre « un coût du travail plus faible intéressé, présent, n’a pas bronché. À peine en France qu’en Allemagne ». Formidable, a-t-il esquissé un mouvement quand Ca- en effet : plus de 40 milliards d’euros jetés zeneuve l’a ciblé encore plus personnelle- sans condition pour 50 000 à 100 000

devant LeS députéS, Hier, Le premier miniStre S’eSt gLiSSé danS La peau de L’« exéCuteur teStamentaire » de La poLitique de Son prédéCeSSeur. pHoto REUtERS/pHiLippE WojAzER

emplois créés ou sauvés seulement, dans un contexte de précarisation des travailleurs.Christian Jacob, président de groupe « Les Républicains », s’est livré à une description grotesque, caricaturale et contre-productive du bilan du gouvernement. À la farce, André Chassaigne a préféré la juste critique : « La législature se termine sur fond de profonde déception et de rejet de nos concitoyens. Ils pensaient avoir mis la gauche au pouvoir et ils ont finalement subi une politique libérale et austéritaire. » Le chef de file des députés Front de gauche, qui ont voté contre la confiance au gouvernement, a estimé que Bernard Cazeneuve était de fait réduit « au rôle d’exécuteur testamentaire de la politique conduite » par un François Hollande qui aura trahi la gauche au-delà de l’imaginable. auréLien SouCHeyre

Faure, nouveau patron deS députéS SoCiaLiSteS Après l’entrée de Bruno Le Roux au gouvernement, les députés pS et affiliés ont dû désigner, hier, un nouveau président pour leur groupe parlementaire. N’en déplaise aux proches de Manuel Valls favorables à la candidature de Guillaume Bachelay, c’est olivier Faure qui l’a emporté avec 137 voix contre 120. Ce dernier s’est empressé de dire son « impartialité » dans la primaire et son refus de participer au « jeu du ‘‘Tout sauf…’’ », alors que les couloirs du palais Bourbon commençaient à bruisser au sujet de la « claque » que le vote allait représenter pour l’ancien premier ministre.

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Politique&Citoyenneté sécurité sociale

Malgré un discours adouci, Fillon fait « un pas de plus vers la privatisation » Dans une tribune publiée hier, le candidat de la droite à la présidentielle n’évoque plus le déremboursement des « petits risques ». Mais son discours flou met toujours en avant le rôle des complémentaires et la responsabilisation des usagers.

F patrick Nussbaum

rançois Fillon va-t-il reculer sur la Sécurité sociale ? Le candidat de la droite à la présidentielle a publié, hier, dans le Figaro, une tribune dans laquelle il affirme « qu’il n’est pas question de toucher à l’assurance maladie et encore moins de la privatiser ». Mais il ne s’agit pas vraiment d’un recul, dénonce Jacqueline Fraysse, députée Front de gauche des Hauts-de-Seine, cardiologue de formation et membre de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Jacqueline Fraysse Députée Front de gauche des Hauts-de-seine

François Fillon martèle que le modèle français « craque de toutes parts », et que la dette de la Sécu « se monte à 160 millions d’euros ». Qu’en pensez-vous ? Jacqueline Fraysse

C’est faux, le modèle ne craque pas. On nous l’envie, d’ailleurs, dans le monde entier. Le modèle est viable, mais il y a eu une baisse constante des moyens alloués au financement de la Sécurité sociale. François Fillon ne cesse de dépeindre un système en grande difficulté, pour se présenter en sauveur. Mais il oublie de dire pourquoi il y a ces difficultés de financements. Cela s’explique par le chômage massif qui entraîne une insuffisance de cotisations, par les exonérations sociales offertes aux entreprises qui

dicaments, des consultations et les dépassements d’honoraires pèsent de plus en plus dans leur budget. Mais si François Fillon insiste autant sur les complémentaires, c’est bien qu’il envisage de réduire d’une autre manière les remboursements par le régime général de l’assurance maladie. Il veut continuer ce que la droite a mis en place, et qu’une partie de la gauche a poursuivi, c’est-à-dire d’accentuer le poids des assurances privées, complémentaires et des mutuelles. C’est un pas de plus vers la privatisation.

pour l’élue, « si François Fillon insiste sur les complémentaires, c’est pour réDuire les remboursements par le régime général De l’assurance malaDie ». photo patrick aLLarD/rEa

atteignent plus de 30 milliards par an. Le dernier budget les a encore accentuées. Il faut aussi ajouter la fraude aux cotisations sociales, qui est elle aussi évaluée entre 20 et 25 milliards. Sur les chantiers, on ne compte plus le travail non déclaré... Mais François Fillon se garde bien d’avancer des propositions à ce sujet. Nous, nous avions proposé de taxer de 0,3 % les dividendes des entreprises, au même niveau que la contribution prélevée sur toutes les retraites. Cela rapporterait 600 millions d’euros. C’est un exemple.

François Fillon n’évoque plus les petits risques qui pourraient ne plus être remboursés. Mais il met toujours en avant l’importance d’une « protection complémentaire appropriée ». Qu’en pensez-vous ? Jacqueline Fraysse Il change son discours face à l’émotion suscitée par ses prises de position. Les médecins ont parfaitement compris qu’ils ont besoin de ce système, en particulier avec la fracture sociale qui s’aggrave. Quant à la population, elle constate chaque jour que les prix des mé-

Il plaide aussi pour une « responsabilisation » des usagers... Jacqueline Fraysse C’est inadmissible. On n’est jamais malade pour le plaisir. Quand on consomme des médicaments, c’est parce qu’on nous les a prescrits. Si certains doivent être responsabilisés, c’est ceux qui produisent des traitements inefficaces. Ce sont aussi les labos pharmaceutiques qui vendent parfois des médicaments remboursés mais sont inefficaces. Une pétition de professionnels de santé vient d’être publiée pour défendre la Sécu et dénoncer les prix exorbitants et injustifiables de certains traitements. Ce texte dénonce aussi le coût de gestion des mutuelles et des compagnies d’assurances, qui est égal à 20 % de leur chiffre d’affaires, contre 6 % seulement pour la Sécurité sociale. Il faut responsabiliser ceux qui échappent aux cotisations sociales. On reproche aux gens de se soigner, alors qu’il y a de l’argent dans ce pays. entretien réalisé par pierre Duquesne

LES éTRENNES POUR Je libelle mon chèque à l’ordre de : Presse et Pluralisme « Souscription Humanité » Je retourne ce coupon complété et accompagné de mon chèque à : L’Humanité - Secrétariat du directeur, 5, rue Pleyel Immeuble Calliope - 93528 Saint-Denis Cedex

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l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016 La CGT enGie aLerTe sur La siTuaTion soCiaLe Les salariés d’Engie (ex-GDF Suez) étaient en grève hier, à l’appel de la CGT. Cette dernière estime à « 10 000 » le nombre d’emplois qui pourraient disparaître sur trois ans (2016-2018), même si environ 950 suppressions ont été annoncées officiellement.

Capital/travail

500

C’est le nombre de manifestants qui se sont rassemblés, hier, devant le tribunal de Tarbes pour soutenir les 17 soignants en grève, assignés en justice par la direction de la polyclinique de l’ormeau.

L

«

’évitement fiscal comprend l’utilisation des mécanismes illégaux de fraude et d’évasion, mais aussi l’abus de pratiques légales d’optimisation, contraires à l’intérêt général », explique Antoine Dulin, rapporteur de l’étude rendue publique hier par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Composée de représentants des syndicats, du patronat et des associations, l’institution estime que ces 60 à 80 milliards d’euros qui échappent chaque année au fisc français pèsent sur le financement des services publics et détériorent le consentement à l’impôt et la cohésion sociale. Emplois Le rapport s’appuie notamonT éTé suPPriMés ment sur un sondage Odoxa dans Les serviCes pour le journal le Parisiende ConTrôLe des Aujourd’hui en France paru en finanCes PubLiques avril 2016, qui révélait que si dePuis 2010. 88 % des sondés pensent que l’évasion fiscale est « nuisible » à l’économie, 19 % se déclarent prêts à la pratiquer, s’ils ont les moyens. 83 % des Français jugent, en outre, le système fiscal injuste et 71 % estiment qu’il demande surtout des efforts aux classes moyennes et ne cible pas en priorité les contribuables les plus aisés. Une injustice qui concerne également les entreprises : « Il y a distorsion de concurrence, explique Antoine Dulin. En ManifesTaTion de saLariés MC donaLd’s à Paris Pour revendiquer des hausses de saLaire eT La fin de L’évasion fisCaLe. photo Magali BragarD 2009, le taux effectif de l’impôt sur les sociétés des PME était en moyenne de 27 %, contre iMPôTs seulement 8 % pour les grands groupes. » Par ailleurs, le sentiment d’impunité des fraudeurs sape la légitimité de l’impôt. « Le respect de la règle tient à la croyance qu’elle est respectée par les autres », souligne dans le rapport l’historien Nicolas Delalande. Et de citer une enquête sociologique sur la fiscalité, menée aux États-Unis, montrant que « la croyance et la conviction que les autres paient et que les organismes publics se donnent les moyens de faire respecter la règle pour tous avaient un effet plus fort sur la propension à payer que la sanction ». Dans un rapport paru hier, le Conseil économique, social et environnemental étudie et dénonce les

3 100

L’évasion fiscale menace le pacte social

Une « COP fiscale » à l’échelle des Nations unies

« L’évitement fiscal n’a pas qu’un effet sur les recettes du pays, il pèse aussi sur le partage de la valeur ajoutée, rappelle l’économiste Frédéric Boccara, membre du Cese et du Conseil national du PCF. Cela met donc aussi à mal les salaires et l’investissement… » L’exemple du groupe McDonald’s est parlant. Sa filiale au Luxembourg, McD Europe Franchising Sarl, extorque au nom de la propriété intellectuelle jusqu’à 24 % du chiffre d’affaires de chaque restaurant. Résultat, les salariés, à qui on laisse miroiter à l’embauche une juteuse participation en compensation d’un salaire au ras des pâquerettes, ne touchent rien puisque le déficit de leur restaurant est organisé. L’État non plus, car il ne peut taxer les bénéfices envolés au Luxembourg. « Pour ces grandes entreprises, l’évitement fiscal reste une part très importante des profits », insiste Frédéric Boccara. L’une des préconisations du rapport pour contrer ce fléau se révèle particulièrement

conséquences de l’évitement fiscal sur la cohésion sociale et le consentement des Français à l’impôt.

intéressante. À l’heure où le Conseil constitutionnel vient de rejeter le reporting pays par pays inscrit dans la loi Sapin 2, qui aurait obligé les multinationales à transmettre à l’administration fiscale le chiffre d’affaires, les bénéfices, et les impôts payés pour chaque filiale, le Cese propose que l’entreprise doive informer ses institutions représentatives du personnel de sa stratégie fiscale. Pour Frédéric Boccara, il faudrait aller plus loin, que les représentants des salariés soient consultés et puissent participer aux décisions. L’économiste cite malicieusement le préambule de la Constitution de 1946, selon lequel « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion des entreprises ». « La participation des salariés à la stratégie fiscale de leur entreprise serait une interprétation moderne de ce prin-

cipe constitutionnel », estime Frédéric Boccara. Ce droit de regard est d’autant plus important que la délocalisation par les multinationales de la propriété des brevets et des marques dans des filiales installées dans des paradis fiscaux a souvent été au cœur des luttes des travailleurs pour les reprises de sites, par exemple chez Fralib, Goodyear, Ecopla. Le Cese reprend également la préconisation du sénateur PCF Éric Bocquet d’organiser une « COP fiscale » à l’échelle des Nations unies qui permettrait d’insuffler une dynamique de lutte contre l’évitement fiscal au niveau mondial. La médiatisation d’un tel événement serait également positive sur l’opinion publique, renchérit le Cese, dans le but de redonner tout son sens à l’impôt. PierriC MarissaL

Le ToP 15 des Paradis fisCaux oxfam a remis, hier, son classement des paradis fiscaux, en insistant sur la « dangereuse course à la concurrence fiscale » que se livrent les États pour attirer les entreprises. les Bermudes se trouvent en tête de cette liste, suivies des îles Caïmans. Quatre États de l’Union européenne y figurent : les pays-Bas, à la 3e place, suivis de la Suisse, l’irlande (6e), le luxembourg (7e) et Chypre (10e). « Ceux qui paient le prix de cette concurrence irresponsable sont les citoyens, en particulier les plus pauvres, avec l’augmentation des impôts sur le revenu des particuliers et la réduction de services essentiels, comme la santé et l’éducation », affirme Manon aubry, responsable de l’oNg.

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Capital/travail seRviCe publiC

pResse

La résistance s’organise contre la table rase des bureaux de poste dans le Val-de-Marne

Journalistes et administratifs en grève chez Mondadori

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es élus montent au créCes restrictions d’horaires pourneau pour défendre leurs raient encore empirer en 2017, avec bureaux de poste. Hier des ouvertures uniquement le matin, matin, Christian Favier, prélude à une fermeture totale. Mais président communiste quid du rôle social de La Poste ? du conseil général du Val-de- « Chaque mois, les usagers viennent Marne, et Laurence Cohen, séna- en nombre retirer leurs allocations. trice du département, se sont On ne peut pas vouloir devenir la rendus dans deux agences postales Société générale et laisser cet endroit menacées de fermeture à Boissy- en déshérence », lance Sébastien Saint-Léger et à Villeneuve-Saint- Dandurand, secrétaire départeGeorges. Depuis plusieurs semaines, mental de la Fapt CGT. Pour Jeanles rumeurs insistantes de disLouis Berlatier, secrétaire parition d’un tiers des départemental SUD PTT, bureaux dans le 94 « La Poste utilise les la inquiètent élus, problèmes réels de peRspeCtive de 3 000 à postiers et usagers. sécurité en les surdi4 000 feRmetuRes de À Villeneuvemensionnant pour buReaux dans toute justifier les dispariSaint-Georges, la fRanCe d’iCi à 2017 tions de bureaux, en l’agence de Grainquiète foRtement viers, en plein cœur mode “There is no élus, usageRs alternative”. En d’un quartier poet postieRs. pulaire, est sur la CHSCT, nous avons sellette. Située dans un déjà demandé l’instaucentre commercial quasi ration de vigiles à l’entrée pour désaffecté, avec comme seul comune autre agence. Mais la direction, merce voisin une pharmacie, elle obsédée par les économies, nous a constitue un phare de service public dit que cela n’avait pas d’effet dans cette zone. dissuasif ! » Alors que la Cour des comptes, « La Poste doit rester un dans un rapport publié hier, préservice d’intérêt général » conise d’accélérer les transformaPour Sylvie Altman, maire PCF de tions de La Poste, notamment via la ville, pas question de laisser La la suppression massive de bureaux Poste déserter ces milieux sensibles. au profit de points Poste chez des « Nous avons déjà perdu deux bu- commerçants ou des agences posreaux dans la ville, une partie des tales communales (APC), Christian activités de l’un d’entre eux a été Favier tient à rappeler ses missions transférée dans un salon de coiffure. premières : « La Poste doit rester un Pour Graviers, je compte bien m’im- service d’intérêt général, tout le poser dans le débat. C’est la seule monde doit pouvoir y accéder, quel agence dans un secteur de 10 000 ha- que soit l’endroit. Si on ne mise que bitants. » Ce matin-là, les usagers sur la rentabilité, à ce compte-là, il défilent sans discontinuer aux gui- n’y aura plus de service public ces chets. L’un d’entre eux, Meetiah, prochaines années. » La sénatrice lettre en main, est agacé. Cet ha- Laurence Cohen est d’ailleurs loin bitant du quartier depuis trente ans d’être rassurée par les propos de trouve souvent porte close. « J’y Christophe Sirugue, secrétaire vais deux à trois fois par semaine d’État en charge de l’Industrie, jeudi pour retirer de l’argent et des re- dernier au Sénat, sur l’avenir de La commandés. Mais les horaires chan- Poste : « On avait l’impression d’engent tout le temps, un coup c’est tendre le PDG de La Poste, pas un ouvert le matin, un coup l’après- ministre défenseur du service pumidi. » Ces fermetures inopinées, blic. » À l’initiative d’un vœu voté liées au sous-effectif ou aux pro- à l’unanimité au conseil général et blèmes de sécurité selon La Poste, d’une rencontre avec le directeur obligent les riverains à faire des départemental du groupe, les parkilomètres. « Plutôt que de suppri- lementaires sont bien décidés à ne mer le bureau, il faudrait élargir les pas lâcher le morceau. heures d’ouverture », conclut-il. CéCile Rousseau

L

a chute des effectifs a été nette. Environ 750 salariés, y compris les journalistes, sont aujourd’hui employés par le groupe de presse Mondadori France, filiale du géant italien détenue par la famille de Silvio Berlusconi, contre près de 1000, il y a quatre ans, pour une trentaine de titres nationaux comme l’Auto Journal, Modes et Travaux, Nous deux, Biba, le Chasseur français, ou encore Science & Vie, Réponses photo, Diapason… sans oublier Closer, dont les ventes sont en progression constante. Depuis jeudi dernier, un mouvement social se développe avec le soutien des syndicats CGT, CFDT, FO, SNJ et CGC au siège du groupe à Montrouge, près de Paris. Hier, la grève a été reconduite : « Nous sommes confrontés à une situation de ras le bol dans tous les services, à cause notamment des réorganisations lancées, qui s’empilent sur celles déjà en cours », dénonce Dominique Carlier, le délégué syndical de la CGT. À titre d’exemple, des salariés précisent que,

depuis septembre, « les rédactions de plusieurs titres people et jeux ont été réunies dans une newsroom regroupant des journalistes susceptibles d’écrire dans plusieurs titres, mais tout cela reste opaque ». La Filpac CGT s’inquiète aussi du fait que « les éditeurs de presse magazine ne s’engagent pas à maintenir le niveau des indemnités de licenciement et de départ à la retraite prévu par les conventions ». Mondadori France réalise 330 millions de chiffres d’affaires par an et a tenté, il y a quelques mois, d’acquérir Télé 7 jours, Ici Paris, France Dimanche. Mais le groupe Lagardère, vendeur, n’a pas jugée l’offre suffisante. De son côté, la maison mère a annoncé, jeudi dernier, avoir plus que doublé son bénéfice au troisième trimestre, avec 21,6 millions d’euros. Des profits qui passent mal auprès des grévistes, qui, hier après-midi, ont une nouvelle fois rencontré leur direction, sans succès… géRald Rossi

UN LIVRE-RÉVÉLATION « Un livre-révélation, qui dévoile le contenu du projet d’accord entre l’UE et le Canada, préparé depuis des années dans le plus grand secret. Prémices du projet de Grand Marché transatlantique, le CETA s’attaque à nos modes de vie, aux droits sociaux, aux services publics, à l’emploi, et va à l’encontre du droit français et européen. Informations inédites à l’appui, ce livre sort le traité de l’opacité pour vous permettre de vous faire une opinion. »

LE TRAITÉ AVEC LE CANADA MIS À NU Un décryptage complet du projet de traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada

Patrick Le Hyaric DIRECTEUR DE L’HUMANITÉ - DÉPUTÉ EUROPÉEN

avec la participation d’Adoración Guamán et de Jorge Conesa

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Les élus communistes s’activent contre les fermetures de bureaux dans le département.

Salariés du groupe propriété de Berlusconi, ils dénoncent les réductions d’effectifs, les réorganisations opaques et le gel des salaires.

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Société&Solidarités

action de groupe contre sanoFi « Notre but est de faire condamner le laboratoire, c’est capital pour les familles », a expliqué Marine Martin, la présidente de l’association des victimes de la Dépakine, qui a lancé hier une action de groupe contre Sanofi.

tarnac : décision le 10 janvier

Julien Coupat et les membres du groupe de Tarnac peuvent-ils être poursuivis pour « terrorisme » ? La Cour de cassation examinait hier un pourvoi du parquet général de Paris et de la SNCF contre l’abandon de ce qualificatif, décidé en juin par la cour d’appel de Paris. Décision le 10 janvier.

justice

Le procès des frères Traoré, la suite d’une affaire d’État

Bagui et Youssouf Traoré, frères d’Adama, comparaissent aujourd’hui à Pontoise après un accrochage avec les forces de l’ordre, le 17 novembre dernier. Depuis la mort d’Adama dans une gendarmerie, la mobilisation prend de l’ampleur autour de la famille Traoré.

N

«

ous verrons si la justice à Pontoise aura le courage de dénoncer le harcèlement dont nous sommes victimes ! » lance Assa Traoré, la grande sœur d’Adama. Le jeune homme est mort, il y a cinq mois, lors d’une interpellation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). Youssouf et Bagui, deux de ses frères, comparaissent aujourd’hui à Pontoise. Ils sont accusés de « violences, menaces de mort et outrages » contre huit policiers municipaux et gendarmes. La famille Traoré rejette ces accusations en bloc, alors que la mobilisation ne cesse de grandir, dans la foulée de la grande manifestation du 5 novembre. Bagui et Youssouf dorment à la prison d’Osny depuis bientôt trois semaines. « C’est hallucinant, déplore leur frère Lassana. Et j’ai très peur pour le procès d’aujourd’hui, déjà qu’ils se sont fait incarcérer sur une base plus que douteuse… » Les faits remontent au 17 novembre, devant la mairie de Beaumont-surOise. Ce soir-là, une soixantaine de personnes, des membres de la famille Traoré ainsi que leurs soutiens, sont réunies pour protester contre l’inscription à l’ordre du jour du conseil municipal de la prise en charge par la commune des frais de justice de la maire (UDI), Nathalie Groux. Celle-ci avait déposé trois plaintes, estimant qu’Assa Traoré l’aurait diffamée dans l’émission Clique, de Mouloud Achour. La situation devant la mairie a tourné à l’échauffourée quand les manifestants se sont vu barrer l’entrée de la salle. Dans la cohue, une policière municipale aurait été frappée, avant que la foule ne soit dispersée par les forces de l’ordre. Ce n’est que plus tard que Bagui et Youssouf Traoré, 25 et 22 ans, ont été interpellés. Contre eux : deux vidéos et des témoignages des policiers, ainsi que le passé de Bagui, déjà condamné pour des vols avec violence.

« Nous sommes soutenus massivement par les Beaumontois »

Pourtant, jusqu’ici, l’exploitation des images n’a pas permis d’« identifier formellement » les deux frères. Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille, a de son côté déposé une plainte à l’encontre de la policière municipale. Elle avait produit un certificat médical d’ITT de huit

« Bagui et YoussouF ont été interpellés après une enquête totaleMent à charge », estiMe l’avocate noéMie saidi-cottier.

un rasseMBleMent au cicp

assa traoré, la sœur d’adaMa traoré lors d’un rasseMBleMent près de l’hôtel de ville de BeauMont-sur-oise, le 22 noveMBre 2016. PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

jours alors que le personnel médico-judiciaire de Pontoise ne lui avait en réalité octroyé qu’un jour d’interruption de travail… Alors que Youssouf et Bagui Traoré sont convoqués à la barre, Nathalie Groux, la maire (DVD) de Beaumont-sur-Oise, a décidé de battre en retraite en retirant ses plaintes. La famille, elle, ne désarme pas : Me Bouzrou vient de déposer un signalement contre la maire, après les propos racistes relayés sur son compte Facebook : « Mais que les citoyens de souche s’arment et viennent en aide à nos pauvres policiers sans recours ! » pouvait-on lire sur son mur. « Nous avons affaire à une édile irresponsable qui incite à la violence, à la haine raciale, au port d’arme », pointe Assa Traoré. Il y a quelques jours, le conseil municipal a pris la décision de défrayer la maire,

à hauteur de 20 000 euros, pour ses frais de « protection fonctionnelle ». Il est vrai que celle-ci reçoit des menaces, après avoir mis tant d’huile sur le feu. L’opposition municipale a voté contre. « La mort de mon frère est une affaire d’État, répète Assa Traoré. Il est mort dans les locaux de la gendarmerie, c’est déjà un symbole en soit. Ensuite, il suffit de voir la manière dont Bernard Cazeneuve a immédiatement présenté ses respects aux gendarmes, dénonçant leur mise en cause. Tout cela sans un mot pour nous, les proches d’Adama. » Il y a une semaine, pour son premier déplacement en tant que ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux a choisi de rendre visite au peloton de gendarmerie de L’Isle-Adam. « Juste à côté de l’endroit où Adama est mort ! » s’indigne Assa Traoré.

Le collectif La vérité pour Adama organise, ce mercredi, à 14 heures, un rassemblement devant le Centre international de culture populaire (CICP) à Paris, rue Voltaire (11e), pour demander la libération de Youssouf et Bagui Traoré, jugés à la même heure par le tribunal correctionnel de Pontoise. Des discussions auront lieu sur les violences policières et les informations sur l’audience judiciaire seront retransmises en direct.

« On ne lâchera rien et nous sommes soutenus massivement par les Beaumontois, assure Lassana Traoré. Notre famille est installée ici depuis trente ans, les gens savent qui sont les Traoré. » Une première marche avait réuni près de 4 000 personnes, une gageure dans une ville si petite. Et à la suite des révoltes qui ont secoué la ville après le drame, le collectif Justice pour Adama a organisé des médiations avec les habitants, des discussions citoyennes. « Nous avons déposé les statuts d’une association portant le nom d’Adama, poursuit Lassana. Nous voulons faire de l’éducation populaire pour éveiller les consciences, informer les jeunes et leur donner les outils nécessaires pour ne plus subir d’abus de la part des forces de l’ordre. » Mehdi Fikri

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité

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Société&Solidarités PRÉCARITÉ

PÉNITENTIAIRE

La crise du logement s’aggrave mais le nombre de Dalo diminue!

Une syndicaliste condamnée pour délit d’expression ?

Un rapport, remis hier au gouvernement, déplore des pratiques de plus en plus « restrictives » dans l’application du Droit au logement opposable.

O

n nage en pleine contradiction. il est passé de 32 473 en 2013 à 25 593 D’un côté, une précarité qui en 2015. En cause : des pratiques « de s’aggrave. De l’autre, un plus en plus restrictives » de la part nombre de ménages reconnus prio- des commissions de médiation charritaires pour accéder à un logement gées d’étudier les dossiers, assure le abordable en… diminution ! Ce para- rapport. doxe est l’une des inquiétantes À cela, plusieurs explications. Les conclusions d’un rapport remis hier commissions en question disposent, au gouvernement. La ministre du déjà, de peu de moyens. Dans certains Logement, Emmanuelle Cosse, avait secteurs en tension, plusieurs cenconfié à Marie-Arlette Carlotti, pré- taines de dossiers sont à examiner à sidente du haut comité pour le loge- chaque séance. « Les membres, soument des personnes défavorisées, une vent bénévoles, sont confrontés à une mission chargée d’évaluer dans qua- charge de travail à laquelle il est très torze départements la mise en place difficile de faire face », note le du Droit au logement opporapport. Ce dernier constate sable (Dalo). Cette meégalement une tensure, instaurée en dance inquiétante à 2007, est censée gainterpréter la loi au C’EST LE NOMBRE rantir à toute personne minimum. DE MÉNAGES menacée d’expulsion Ainsi, le Dalo est de RECONNUS et n’étant pas en siplus en plus souvent OFFICIELLEMENT tuation de se reloger accordé « au regard ÉLIGIBLES par elle-même d’être de l’offre de logeÀ LA LOI DALO reconnue prioritaire ments disponibles sur DEPUIS 2008. pour l’accès à un logele territoire » et non pas ment social. Mais, entre le uniquement en fonction de principe et la réalité, un large fossé la situation des ménages. Avec, a tendance à se creuser. parfois, des incitations scandaleuses de la part des pouvoirs publics euxBaisse du taux de décisions mêmes. Le rapport cite une lettre du favorables de 50 % à 22 % préfet du Var dans laquelle il félicite « Le nombre de ménages reconnus les membres de la commission de au titre du Dalo est en baisse sur l’en- médiation d’avoir « su respecter les semble du territoire et particulièrement instructions préfectorales données », dans les quatorze départements visités, faisant baisser le taux de décisions alors que l’ensemble des indicateurs favorables à 22 %, contre 50 % les disponibles démontrent une aggrava- années précédentes ! tion de la crise du logement », déplore Une attitude insupportable à l’heure le rapport. Concrètement, le taux où on recense encore 57 000 ménages national de décisions favorables, qui « naufragés du Dalo », en attente était de 44,9 % en 2008, a chuté à d’une proposition de logement de28,63 % en 2015. Quant au nombre puis un à sept ans. de ménages reconnus au titre du Dalo, LAURENT MOULOUD

185 085

UN DROIT OPPOSABLE PEU FRÉQUENT EN EUROPE La loi Dalo du 5 mars 2007 fixe six critères et crée des commissions départementales de médiation chargées de statuer sur le caractère prioritaire à être relogé par l’État. En vertu de la dimension « opposable » de cette obligation, le juge saisi par la famille peut ordonner au préfet, sous astreinte financière, d’attribuer un logement au requérant. La France est, avec l’Écosse, l’un des seuls pays européens à engager la responsabilité de l’État en cas d’échec de sa politique d’attribution de logements aux personnes reconnues dans le besoin. Depuis son instauration, la loi Dalo a permis de contribuer à l’accès à un habitat de plus de 100 000 ménages. Elle a également révélé de profondes inégalités territoriales en matière de logement puisque 75 % des recours se polarisent sur l’Île-de-France.

Une suspension d’activité avec sursis a été requise, hier, contre une agent de probation « coupable » d’avoir défendu, dans l’Humanité, l’avis de la CGT.

L

a criminalisation de l’action syndicale est encore montée d’un cran, hier, en s’abattant sur Mylène Palisse. La syndicaliste CGT, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation, a été convoquée en commission disciplinaire pour s’être exprimée, dans nos colonnes, sur le détournement de sa mission. En cause, les méthodes employées par l’administration pour repérer les personnes incarcérées en voie de radicalisation islamiste. Plusieurs dizaines de syndicalistes de la fonction publique pénitentiaire et judiciaire se sont rassemblés dès 10 heures du matin, hier, devant la direction de l’administration pénitentiaire, à Paris, pour exiger la relaxe de leur camarade. Cerise sur le gâteau, la veille, le site Internet de la CGT n’était plus accessible à partir des ordinateurs des employés du ministère de la justice. « On tente clairement de museler l’expression syndicale, explique Samuel Azé, syndicaliste CGT venu soutenir Mylène. Moi-même, j’ai plusieurs fois subi des sanctions admi-

nistratives pour m’être opposé à des emplois inappropriés de notre mission. » Mais c’est la première fois qu’un(e) syndicaliste passe en commission disciplinaire pour délit d’expression. Depuis 1983, les fonctionnaires ne sont plus soumis au devoir de réserve. La commission a cependant requis contre Mylène sept jours de suspension de travail avec sursis. Au directeur de l’administration pénitentiaire d’appliquer ou non la sanction. La CGT, de son côté, promet de maintenir la pression. Le ministère de la Justice dispose d’un mois pour contredire l’avis de la commission. ÉMILIEN URBACH

POURSUIVEZ LA LECTURE SUR L’HUMANITÉ.FR Retrouvez sur notre site le reportage vidéo de la mobilisation.

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12 l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016

Débats&Controverses

Stratégie et projet politique

Comment rassembler le peuple de gauche face à la droite et à l’extrême droite ? Travailler aux conditions d’une alternative

L

éric Cabanis/AFP

’entrée en campagne de François Fillon a eu pour effet immédiat de repolitiser le clivage droitegauche. Elle n’évacue pas le bilan du dernier quinquennat, même si la noncandidature du président Hollande tente d’effacer la responsabilité du PS dans celui-ci. On entrevoit désormais ce que la contre-révolution Marie-Pierre LR signifierait de ruptures idéologiques et de société sur les terrains Vieu Membre du du travail, des droits ou de l’égalité ; comité national le risque, ici comme en Europe, d’une du Pcf, en mainmise croissante du FN sur des charge des populations dépourvues de repères. relations L’unité de la gauche redevient une unitaires exigence, car perçue comme le seul moyen d’éviter le pire. Ne pas en tenir cas serait faire abstraction dans la campagne qui s’ouvre de toute construction majoritaire. Face à la dangerosité de la situation, un tel parti pris est disqualifiant. Disant cela, je n’évacue rien du débat politique : ni le fait que l’offensivité droite-FN se nourrit de l’absence d’horizon progressiste, ni le préjudice d’années d’alternance et d’orientations libérales ouvertement assumées par une part prépondérante de la social-démocratie. De Terra Nova à la gauche populaire, de « la politique ne peut rien » au choc de compétitivité et à l’état d’urgence, de DSK à Valls et Macron, ces choix n’ont cessé de déstructurer les fondations du combat progressiste du XXe siècle : le Code du travail, la laïcité, les services publics, la redistribution sociale, les droits de l’homme et du citoyen, l’écologie… Un appel à l’unité sur le mode du slogan « Au secours, la droite revient ! » restera une incantation. On ne peut faire abstraction des colères et des souffrances accumulées, de la crise politique et du déficit de crédibilité caractérisant le champ tout entier de la gauche. Les socialistes ont leur débat à instruire sur l’évolution de la social-démocratie française. Il sera le cœur de la primaire de janvier : c’est en cela qu’elle ne peut être la primaire de la gauche ! Mais il est aussi cette évidence que 2017 débute dans quinze jours, que l’avenir de notre pays comme des luttes ne peut être suspensible aux recompositions en cours. D’où l’urgence de pousser le débat de projet, d’acter les convergences pour un pacte majoritaire à gauche dès juin prochain. Le PCF poursuit les initiatives pour travailler aux conditions de cette alternative. Sans réduire cet effort, les communistes ont décidé majoritairement de soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon, conscients que si elle n’est pas une condition suffisante au rassemblement, elle en est une condition nécessaire. La reconstitution du périmètre politique des forces du Front de gauche leur est apparue la meilleure entrée pour travailler à l’unité des forces anti-austéritaires. Tout autre hypothèse était aléatoire, paralysait notre activité militante et nous disqualifiait auprès d’une partie importante des forces que nous voulons mettre en mouvement.

Il ne s’agit pas de taire nos divergences avec Jean-Luc Mélenchon : de contenus, sur les urgences sociales, l’Europe, notre conception de la République, ou de stratégie politique quant à la primauté du mouvement populaire. Nous alimenterons le débat politique et d’idées avec nos propositions de communistes. Mais nous voulons inscrire sa candidature au service du rassemblement majoritaire du peuple de gauche, en faire le repère stable dans l’affirmation de l’alternative. Je suis consciente du caractère exceptionnel de la situation pouvant conduire l’ensemble de la gauche et des écologistes à réexaminer leurs engagements pour 2017. Mais une chose est d’intégrer cette possibilité alors même que nous serons engagés pour faire bouger les lignes, une autre est que cette éventualité nous plonge dans un attentisme et une dépendance vis-à-vis d’autrui. Soyons acteurs et assumons le sens que nous donnons à notre action.

Contre le recul de civilisation programmé

L

e succès de François Fillon à la primaire de la droite a dévoilé un programme marqué par une régression et une violence inédites : haro sur la Sécurité sociale ! Haro sur les fonctionnaires ! Haro sur les services publics ! Si les barons du Medef jubilent, l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, Jean-Jacques n’hésite pas, lui, à parler d’« une purge proposée comme jamais depuis cassar Militant la Seconde Guerre mondiale… Ce mutualiste programme, je le combattrai avec toute mon énergie, jusqu’au bout » (Marianne du 28/11/2016). Les rillettes sont indigestes… Voilà où ont mené ce quinquennat et les reniements répétés de la « gauche de gouvernement » : une droite bien enracinée dans ses fondamentaux, championne revancharde des vaincus de 1945 qui n’ont jamais digéré la création de la Sécurité sociale ! « Ne parlez pas d’acquis sociaux mais de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais », prévenait Ambroise Croizat. À Nice, le candidat Fillon s’est « lâché » devant 250 patrons (cf. Nice-Matin du 31/10/2016). Le ton de ce monsieur au look impeccable, si bien élevé, est extrêmement révélateur : « Vous voulez qu’on arrête de vous emmerder, qu’on vous laisse travailler, qu’on vous fasse confiance et qu’on arrête avec la bureaucratie, les règlements et les contrôles incessants… » « (Il faut un programme) radical et appliqué par un gouvernement commando (sic !) de 15 ministres (…). Un ministre des Finances dont ce soit la spécialité, un ministre de la Santé reconnu par les praticiens… » Ce vocabulaire guerrier, un tantinet démagogique, signe l’apologie du « coup de main » pour garantir « la liberté du renard libre dans le poulailler libre »… Le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), les Jours heureux, avait posé les bases d’une démocratie sanitaire et sociale éphémère. Ainsi, les représentants des assurés sociaux, et non le seul milieu médical, avaient

leur mot à dire sur les questions de santé, car leur existence était en jeu. Les scandales sanitaires à répétition (Mediator, Distilbène, hormone de croissance, amiante…) et des milliers de victimes, voilà le fruit des noces barbares de la technoscience avec l’affairisme, d’où notre vigilance envers les « experts ». Chacun peut constater combien la revendication de liberté sans contrôle du commerce et du profit privé (« libérer les énergies ») va de pair avec une insupportable régression des libertés publiques (criminalisation de l’action syndicale ou de la solidarité envers les migrants), au nom de la « restauration de l’autorité » (des seuls propriétaires). Le tandem Hollande-Valls a trahi ses électeurs et ouvert des brèches dans l’État social où la droite est prête à s’engouffrer. Responsable de la dureté de la vie pour des millions de personnes, il s’est totalement disqualifié. Il revient désormais aux forces rassemblées autour du programme la France insoumise, porté par Jean-Luc Mélenchon, d’empêcher qu’un commando d’ultras, en col blanc ou en treillis, ne fasse main basse sur notre pays, comme cela s’est déjà vu… Face à ce recul de civilisation programmé, c’est la mission de la gauche authentique, forte de ses valeurs, fière de ses combats et de son histoire, au service de l’émancipation humaine.

TexTe collecTif

À gauche, toutes !

N

ous sommes de gauche, chacun dans son coin et ensemble, depuis des décennies. La lutte contre les inégalités, pour les libertés, la lutte contre les totalitarismes, anciens ou nouveaux, la défense de la République, l’espérance d’une écologie sociale. Ce sont nos valeurs, nos guides, nos repères. Tous d’une pleine actualité. Ceux d’une gauche profonde qui durera tant que les failles, les précipices et les manques de ce monde dureront, tant qu’il y aura quelque chose à faire contre l’injustice et l’irresponsabilité environnementale. Seulement, la « gauche politique » est malade, gravement, en ce moment, et c’est la gauche profonde qu’elle menace de contaminer. Deux phénomènes se combinent pour expliquer ce moment de démoralisation et de confusion que nous traversons, à gauche. D’abord, l’intériorisation à gauche qu’une défaite serait d’ores et déjà inévitable en 2017. La droite a réussi à maquiller sa primaire en présidentielle anticipée. Elle vient de se doter d’un candidat. Les sondages photographient aujourd’hui cette situation : des certitudes à droite et à l’extrême droite, des candidats bien campés sur leurs jambes ; à gauche, des incertitudes, une multiplicité absurde de candidatures aussi montées en épingle que factices. Mais la vraie campagne, celle qui fera bouger des dizaines de millions de Français et s’affronter des candidats réels et non virtuels n’a pas même commencé ! Dans seulement deux mois, les analyses fondées sur une base sondagière volatile seront périmées. N’acceptons pas le scénario d’une élection présidentielle déjà jouée : pour 2017, après le renoncement de François Hollande, rien n’est perdu. Ce poison de la défaite automatique, on comprend que la droite le Suite page 13

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité 13

Suite de la page 12 répande : il est fait pour paralyser Demandez le programme Fillon, lisez-le : rien d’autre que l’électorat de gauche, le neutraliser. Mais, du côté gauche l’entrée dans une société nouvelle dure aux petits, douce aussi, on s’échine à relayer la neurasthénie du défaitisme. aux forts : une fonction publique réduite à l’os, le droit de Premier exploit de ce catastrophisme ambiant : avoir laissé l’État substitué à l’État de droit, l’écologie aux oubliettes, quelques centaines de milliers d’électeurs de gauche aller les droits des femmes remis en cause. Face à cette révolution se mêler à la primaire de la droite, grossir les fonds de caisse à la fois conservatrice et hypermoderne, les petites querelles de monsieur Fillon, signer « sur l’honneur » un engagement d’ego de gauche qui se battent en duel sont indécentes. à défendre « les valeurs de la droite et du centre » et s’enAlors, oui, il faut que chaque sensibilité s’exprime, mais gager pour « l’alternance »… à condition de ménager la possibilité de fronts communs, Deuxième facteur aggravant des difficultés de la gauche : y compris sur le plan électoral. Les désaccords sont légile climat de division outrancière régnant entre les différentes times. Il n’est pas fatal qu’ils se transforment en divisions boutiques de gauche : invectives, hurlements à la « trahi- mortelles, sauf si on le veut, sauf si on a vraiment envie son » et à la « déchéance morale », transformation des d’arracher son commun des entrailles de la gauche, de désaccords en divisions, en haines inexpiables, refus la sacrifier là, maintenant, sur l’autel de victoires d’un certain degré de rassemblement face à la très différées dans le temps et plus qu’aléatoires. « NE LAISSONS droite et à l’extrême droite, multiplication Allons-nous, chacun au nom de sa gauche PAS LES THÈSES jusqu’à l’absurde des candidatures concurparfaite, excommunier l’autre gauche parce DE L’EXTRÊME DROITE rentes, alors qu’on sait, cette fois-ci bien qu’elle est imparfaite, pour se retrouver ET LES REPLIS à l’avance, que le danger est là : l’élimination tous avec une super-droite plus que IDENTITAIRES SERVIR de toutes les candidatures de gauche dès le parfaite ? DE REFUGE ILLUSOIRE premier tour ! Amies, amis ! La gauche, ce ne sont pas AU PEUPLE », A DIT Non, le but de l’élection présidentielle, ce que des appareils, grands et petits : c’est MARIE-NOËLLE ne sera pas de punir le PS et son candidat. vous, c’est nous ! Ne vous laissez pas inLIENEMANN. Pas plus de traiter Jean-Luc Mélenchon, qui timider par cette violence verbale, ces déest un homme de gauche, de dictateur en puistestations réciproques qui en ce moment sance. L’enjeu qui domine tous les autres, ce sera remplacent le débat et empêcheront demain le rasd’éviter que la gauche ne soit éliminée du premier tour, semblement. Intervenez par tous les moyens à votre puis d’empêcher que la droite ou l’extrême droite ne prenne disposition, mêlez-vous de ce qui vous regarde. Dites le pouvoir d’État en France. Aucune gauche en France ne aux apprentis fossoyeurs : « Stop ! Arrêtez de semer la peut gagner sans une forme de conciliation entre une dévastation au sein de la gauche. » gauche modérée et une gauche plus téméraire. La prudence, la volonté d’agir avec mesure, la politique réformiste des Signataires : Anne Crenier, magistrate, Didier Hanne, petits pas ne sont pas des tares. La révolte, le souhait d’un juriste, Isabelle Floch, galeriste et Fabrice Rizzoli, élu local et auteur, signataires de l’appel « À présent, il est temps, gauche, changement radical et plus rapide non plus. Cette conciliation entre toutes les gauches, beaucoup réveille-toi ». s’ingénient à la rendre impossible. En commençant par tuer l’idée d’une grande primaire citoyenne fédérant toutes les gauches. Ouvrons les yeux : ces gens-là, si on les laisse faire, nous mènent droit à l’abattoir en 2017. Pourtant, si POURSUIVEZ LE DÉBAT SUR la droite qui vient de montrer ses crocs dans sa primaire L’HUMANITÉ.FR gagne, ce ne sera pas une alternance comme les autres.

Espérance de vie et santé publique

Le pied de nez de Fidel Castro

L

e Centre de contrôle des maladies des États-Unis vient d’annoncer son estimation de l’espérance de vie en 2015 : elle recule d’un mois, en particulier du fait d’une augmentation des maladies chroniques et des morts accidentelles. Après un résultat similaire en France, l’année dernière, s’il est prématuré de s’affoler, il convient cependant de se demander si nous sommes en présence d’un simple accident ou d’une tendance plus lourde : les résultats de 2016 pour la France permettront peut-être déjà de se faire une idée. En ce qui concerne les ÉtatsUnis, l’ironie est que Cuba, juste à côté, fait mieux que la première puissance au monde en ce qui concerne la mortalité infantile, qui passe de 5 ‰ à 4 ‰ de 2009 à 2015, alors qu’elle passe de 7 ‰ à 6 ‰ aux États-Unis sur la même période (cf. Population & Sociétés), mais avec une augmentation de 2014 à 2015 (de 5,82 ‰ à 5,89 ‰). L’espérance de vie des hommes de

Cuba augmente de 76 à 77 cause de la timide réforme de la santé, Obamacare. ans sur la même période et de 75 à 76 ans aux ÉtatsEn France, François Fillon Unis. Pour les femmes, prévoit de focaliser « l’asl’espérance de vie à Cuba surance maladie notamment est de 80 ans sur toute la sur les affections graves ou période et elle augmente de de longue durée : le panier 80 à 81 ans aux États-Unis, de soins “solidaires” ; et mais avec une légère dél’assurance complémentaire, gradation entre 2014 et Éric Le Bourg sur le reste » et sa tribune 2015. Bref, Cuba tutoie ou Chercheur dans le Figaro du 13 décembre ne remet pas en dépasse les États-Unis et au CNRS, on se doute que le nouveau université cause ces principes. résultat nord-américain de Toulouse En clair, monsieur Fillon aurait amusé Fidel Castro, nous promet un système de puisqu’on ne peut exclure santé qui se rapproche du que le système de santé américain, système américain, où chacun sera connu pour son inefficacité et ses coûts « responsable » de sa propre santé en bien plus élevés qu’en France, n’y soit s’assurant lui-même. Si on voit bien pour quelque chose. ce que vont y gagner les assureurs, il Pour l’avenir, on peut, hélas, craindre n’est pas sûr que la santé publique y que le programme économique de Do- trouve son compte : pour une fois, nald Trump, en faisant l’hypothèse François Fillon devrait peut-être s’insque ce programme est bien établi, pirer un peu plus de Fidel Castro que n’aggrave les choses par la remise en de Margaret Thatcher…

LA CHRONIQUE ÉCONOMIQUE DE PIERREIVORRA

La morale du scandale Volkswagen

L

e scandale du logiciel truqueur permettant de contourner les normes d’émission de gaz d’échappement mettant en cause Volkswagen illustre les dérives du capitalisme actuel, mondialisé et financiarisé, cela d’autant que le géant allemand n’est pas en l’affaire un cas d’espèce, d’autres groupes automobiles européens et asiatiques sont également soupçonnés de tricherie. L’affaire met en cause les directions des firmes mais aussi les gouvernements nationaux et les institutions européennes qui au mieux ont fermé les yeux. C’est tout un système économique, politique, institutionnel, toute une idéologie qui sont en cause. Volkswagen s’est internationalisé, s’installant en Europe orientale, en Espagne, aux ÉtatsUnis, en Chine, au Royaume-Uni, en Suède, en Italie… achetant à tour de bras des concurrents, des réseaux, sur des marchés libéralisés, soumis à la loi de la jungle capitaliste. En s’éloignant du modèle de gestion spé«Pour les cifique à l’Allemagne, plongeant dans les multinationales, en eaux glacées de la finance à l’anglotout doit saxonne, en se soufaire ventre.» mettant aux lois d’airain de la rentabilité financière, le groupe a commencé à perdre son âme. Et il persiste et signe. En devoir de payer une amende de 15 milliards de dollars aux ÉtatsUnis au titre de l’infraction commise et par ailleurs contraint, comme tous les constructeurs, de traiter les défis sociaux, technologiques et environnementaux de l’heure, il vient d’en présenter la facture à ses propres salariés en annonçant la suppression de 30 000 postes, dont 23 000 en Allemagne, sur les 600 000 qu’il compte dans le monde. Parallèlement, il indique qu’il embauchera 9 000 spécialistes du numérique afin de rattraper son retard dans l’application à l’automobile de certaines technologies informationnelles. Pour les multinationales, tout doit faire ventre. Pour satisfaire aux exigences de la finance, leurs dirigeants en viennent à se disputer le rôle de Mackie-le-Surineur, le truand de l’Opéra de quat’sous qui, pris la main dans le sac, obtient au final la grâce de la reine et même un titre de noblesse. Ce régime-là est condamné et condamnable, mais encore faut-il qu’il le soit par ceux qui en sont les victimes. En l’occurrence, la meilleure des sanctions consisterait à dominer la bête, à en changer le pas, à commencer à dépasser le marché tout en faisant mieux que lui. Par exemple, en considérant de moins en moins la force de travail comme une marchandise, en la protégeant, en l’émancipant, notamment en lui attribuant ce qui aux yeux de tous les exploiteurs est le plus intolérable : un droit à la paresse, au savoir, à la culture de notre temps.

Pierre Trovel

Débats&Controverses

14 l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016

Le monde en mouvement

Pékin menace TrumP « S’il essaie de saboter la politique d’une Chine unique […], il soulèvera un rocher qui lui écrasera les pieds. », Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères.

10 000

Le Qatar a rapatrié quelque 10 000 travailleurs étrangers qui ont été victimes d’abus dans l’émirat en 2015, selon le ministère du Travail.

P

endant que la guerre déchire la Syrie, l’Irak, et maintenant la Turquie, certains pensent à la paix et la préparent. C’était le cas, vendredi dernier, dans le calme du palais du Luxembourg, où on réfléchissait à l’avenir du MoyenOrient, cent après les accords Sykes-Picot (1). Comment panser les blessures séculaires de ce découpage colonial qui ne tenait aucun compte de la volonté des peuples de la région et explique en grande partie la violence qui y règne ? Deux personnalités kurdes de premier plan ont donné leur vision. Le premier est Saleh Muslim, coprésident du DYP (Parti de l’union démocratique kurde de Syrie), qui a résisté à Daech et l’a chassé du Rojava (nord de la Syrie), qu’il administre désormais. Le second est Hatip Dicle, vice-président du Congrès démocratique des peuples et ancien député du parti pro-Kurdes de Turquie, dont des centaines de membres ont été arrêtés, lundi, et les locaux saccagés par la police. Pour Saleh Muslim, « il est temps de remettre en question le principe des Étatsnations imposé au Moyen-Orient par les accord Sykes-Picot sans tenir compte des réalités d’une région qui ne fonctionne pas sur ce modèle » Dans certains pays, cela s’est traduit par des massacres, notamment contre le peuple kurde. «Les Occidentaux ont imaginé reconstruire des États-nations sur une base religieuse, mais cela ne marchera pas. Pour nous, il faut const ruire un nouveau système, basé sur la nation démocratique dans laquelle toutes les composantes présentes sur le terrain, qu’elles soient religieuses ou ethniques, ont exactement les mêmes droits. Nous voyons l’avenir de notre région comme un système confédéral de nations démocratiques et laïques », a-t-il ajouté.

« Si on ne l’arrête pas, il étouffera tout espoir de paix »

ciZre, mars 2016, des ciViLs kurdes deVanT Les ruines de Leur maison déTruiTe Par L’armée TurQue. PHOTO EMRAH GUREL/REUTERS

moyen-orienT

Quand les Kurdes imaginent la paix

Hatip Dicle, vice-président du Congrès À Paris, des dirigeants kurdes de Syrie et de Turquie proposent démocratique des peuples, a beaucoup le confédéralisme démocratique comme solution à la crise au Moyen-Orient souffert de la répression : son élection comme député de Diyarbakir, en 2011, a été annulée par Erdogan et il a connu les geôles, qui débordent aujourd’hui de milliers de prisonniers politiques, écrivains, qu’il veut instaurer une dictature. Si on ne Pour Lydia Samarbakhsh, du secteur injournalistes, intellectuels. Il rappelle les l’arrête pas, il étouffera tout espoir de paix. ternational du PCF, « le confédéralisme aLeP : un accord d’éVacuaTion multiples efforts consentis depuis près de La seule solution, c’est une démocratie démocratique, dont l’expérience est en cours, des ciViLs eT des insurGés quinze ans par le PKK, le Parti locale décentralisée, dont l’au- est un projet politique subversif pour le des travailleurs du Kurdistan, tonomie locale est le moyen. » Moyen-Orient comme pour l’Europe, un Yasser Al Youssef, porte-parole du groupe dont le dirigeant, Öcalan, est projet que le président turc Erdogan ne sup- Nour al-Din al-Zenki, proche des Frères 40 000 c’éTaiT Le en prison depuis 1999, pour La répression féroce porte pas », d’où la violente répression musulmans, a déclaré qu’un accord avait nombre de trouver une solution polidu président Erdogan engagée depuis des mois contre les Kurdes été conclu pour évacuer civils et insurgés combaTTanTs des tique au problème kurde : Éric Coquerel, du Parti de qui suscite une profonde inquiétude. toujours présents à Alep-Est, sous la uniTés de ProTecTion du PeuPLe (yPG) eT « J’ai moi-même participé gauche, y voit « un accord Françoise Germain-robin houlette de la Russie et de la Turquie. des uniTés Féminines aux négociations avec le gouSykes-Picot inversé, où les L’ambassadeur français à l’ONU, François de ProTecTion (yPJ) vernement d’Erdogan pendant acteurs de la région s’ac- (1) Le colloque sur l’avenir du Moyen-Orient Delattre, a quant à lui demandé une en décembre 2012. sept mois, après ma sortie de corderaient pour tracer de était organisé par le Conseil démocratique « réunion immédiate » du Conseil de prison. Nous allions déboucher nouvelles lignes sous l’égide kurde en France sous le patronage de Michel sécurité de l’ONU sur la situation à Alep, la sur un document historique, qui de l’ONU, ce à quoi la France Billout, sénateur PCF, avec France-Kurdistan, qualifiant de « pire tragédie humanitaire prenait en compte les intérêts de toutes devrait aider en convoquant une confé- représenté par Michel Laurent, qui a lancé la du XXIe siècle ». Les forces du régime les minorités et pas seulement les Kurdes, rence internationale de la paix. On ne ré- campagne « Stop Erdogan ». Deux chercheurs étaient hier sur le point de venir à bout des quand Erdogan a renversé la table sans glera rien au Moyen-Orient si deux peuples kurdes, Ibrahim Seydo Aydogan, de l’Inalco, et dernières poches de rébellion. Plusieurs préavis, le 5 avril 2015, et repris la guerre historiques n’y ont pas un toit : les Kurdes Seevan Saeed, de l’université d’Exeter, y capitales ont condamné les exactions. contre les Kurdes. Aujourd’hui, il est clair et les Palestiniens », dit-il. participaient.

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité 15

Le monde en mouvement attentat du caire

GaMBie

Sissi accuse les Frères musulmans

Des armes pour faire taire Jammeh ?

Le président égyptien a annoncé que le kamikaze de l’église du Caire appartenait à la Confrérie. Celle-ci dément toute implication. Chez les coptes, la colère n’est pas retombée.

L

es coptes d’Égypte ont célébré, lundi, les fu- nifestations des Frères musulmans, mais il avait été nérailles des vingt-quatre personnes tuées la remis en liberté la même année. Il était recherché dans veille dans un attentat à la bombe dans l’église le cadre de deux autres dossiers, datant de 2015 et en Saint-Pierre et Saint-Paul du Caire. Plusieurs lien avec des groupes fondamentalistes musulmans. centaines de fidèles se sont rassemblés dans Celles-ci ont également diffusé, lundi soir, une vidéo l’église de la Vierge Marie, où les cercueils des victimes montrant un homme s’approchant à pied de l’église avant étaient alignés près de l’autel. Prenant la parole, le pape que l’explosion ne se produise. Les premiers témoignages Tawadros II, chef de l’Église copte, a qualifié l’attentat recueillis avaient pourtant établi qu’une Égyptienne avait de « coup dans le cœur de l’Égypte. Nous sommes très été vue plaçant un sac sous les chaises de prière, dans la peinés par la mort des fidèles, mais aussi zone réservée aux femmes. Ce qui expar tout ce mal dépourvu de toute huma- Le ministère pliquerait que, parmi les victimes de nité » ! a-t-il lancé, les larmes aux yeux. l’attentat, celles-ci aient été en plus grand Ces enterrements n’ont cependant pas de l’Intérieur nombre. calmé les coptes, qui ont exprimé leur a accusé les Frères Dans un communiqué, lundi soir, le rage et leur colère devant les lieux du ministère de l’Intérieur a accusé les didrame. Certains demandaient la démis- musulmans établis rigeants des Frères musulmans établis sion du ministre de l’Intérieur, Majdi au Qatar d’avoir entraîné et financé les Abdul Ghaffar, tenu pour responsable au Qatar d’avoir auteurs de l’attentat. De leur côté, les des manques à la sécurité ; d’autres s’en musulmans ont nié toute implientraîné et financé Frères prenaient directement au chef de l’État, cation dans cette attaque, qui n’avait le maréchal Sissi. Et si quelques mani- les auteurs de toujours pas été revendiquée, mardi. La festants priaient pour l’unité des muresponsabilité des Frères musulmans, si sulmans et des chrétiens, d’autres, au l’attentat. elle n’est pas encore avérée, ne serait pas contraire, rappelaient que « les églises une grande surprise pour nombre d’obet les mosquées sont sur la même page, mais les coptes ne servateurs, qui estiment que les coptes paient ainsi leur brûlent pas les mosquées ». soutien à Sissi et l’éviction de Mohamed Morsi, le Le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi lui-même 30 juin 2013. Le 14 août de la même année, alors qu’un avait annoncé lundi, lors des funérailles des victimes, sit-in islamiste avait été dispersé, des centaines d’églises l’arrestation de trois hommes et une femme, dans le cadre avaient été détruites ou brûlées. Pour Kamal Zakher, un de l’enquête sur l’attentat. L’un d’entre eux, Rami Mo- des fondateurs du Courant séculaire copte, « ce qui s’est hamed Abdel Hameed Abdel Ghani, est soupçonné d’avoir passé est un crime politique. Les Frères musulmans ne caché les explosifs et d’avoir logé et préparé le kamikaze. peuvent pas oublier que les coptes ont été un élément central Sissi avait également révélé, lundi, le nom du kamikaze pour l’État dans leur soutien à Sissi. Il y a des tentatives présumé responsable de l’attentat. Il s’agit de Mahmoud constantes pour briser cet axe et ébranler la sécurité du Chafiq Mohamed Mostafa, 22 ans. C’est l’ADN qui a pays ». Et d’ajouter : « La seule façon de calmer la colère permis de l’identifier, selon les autorités. Il avait été des coptes est de retrouver les véritables coupables. » arrêté en 2014, alors qu’il assurait la sécurité des maPierre BarBancey

La Cedeao envisage une intervention militaire pour faire plier le président qui refuse sa défaite.

L

a pression monte vite et même très vite autour de Yahya Jammeh. Le président gambien, qui a pris samedi toute la communauté internationale à contre-pied en refusant – une semaine après l’avoir reconnue – sa défaite à l’élection présidentielle, est désormais dans le viseur de plusieurs « ennemis ». Celui de son vainqueur, tout d’abord, Adama Barrow, le chef de l’opposition, pour qui un retour aux urnes est hors de question et qui l’a appelé hier à céder immédiatement le pouvoir. Celui du Conseil de sécurité de l’ONU, ensuite, qui a exhorté le président sortant à recevoir une mission de chefs d’État de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont l’arrivée était prévue hier après-midi. Celui du président de la Cedeao, enfin, qui, hier matin, au micro de RFI, n’a pas hésité à hausser le ton : « Si la voie diplomatique reste privilégiée, une intervention militaire pour faire respecter le verdict des urnes est aussi envisageable », a ainsi déclaré Marcel Alain de Souza dans un discours agressif et peu habituel à ce niveau de l’échelle diplomatique. La mission de la Cedeao, composée de quatre poids lourds du continent, aura fort à faire dans cette lutte préventive. La cheffe d’État libérienne, Ellen Johnson Rafflesia, présidente en exercice de la Cedeao, et ses homologues nigérian, Muhammadu Buhari, et sierra-léonais, Ernest Bai Koroma, miseront sur la valeur d’exemple du Ghanéen, John Dramani Mahama, qui vient lui-même d’accepter sa défaite aux élections générales du 7 décembre 2016.

La versatilité du président dictateur

Si Yahya Jammeh décidait de s’accrocher au pouvoir, un scénario kafkaïen se dessinerait alors et, avec lui, un risque important de guerre civile entre inféodés et militants de l’opposition. Depuis trois jours, le président sortant se réfugie derrière son droit d’une saisine de la Cour pour contester le résultat d’un scrutin qu’il juge maintenant teinté d’irrégularités. Et ce, bien que cette saisine soit purement théorique : « Faute de juges pour siéger à la Cour suprême depuis mai 2015, il n’existe plus en Gambie aucun mécanisme légal légitime pour statuer sur le recours électoral du président sortant », rappelle ainsi l’ordre des avocats. La versatilité du président dictateur, au pouvoir depuis vingt-deux ans, et qui avait promu en 2015 la charia comme unique constitution, faisant de la Gambie un « État islamique », ne présage rien de bon. Vendredi, le président islamiste avait déjà assuré que « l’intervention de puissances étrangères ne changerait rien », prévenant qu’il ne tolérerait aucune protestation dans les rues. LeS cOPteS ManiFeStaient diMancHe aPrèS L’attentat. photo mohamed abd eL ghany/ReUteRS

StéPHane auBOuard

16 l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016 du paiN sur la plaNche du Tas

Le Tribunal arbitral du sport (TAS) s’attend à être saisi de « plusieurs centaines de cas » à la suite du rapport McLaren sur le dopage d’État en Russie – dévoilé vendredi dernier – qui met en cause plus de 1 000 sportifs, a indiqué, hier, son secrétaire général.

Soyons sports

20

en pourcentage, c’est la part du capital de l’olympique lyonnais (ol) rachetée par le fonds chinois idG capital. soit un investissement de 100 millions d’euros.

VeNdée Globe

Dans leur famille, c’est chacun son tour Après avoir mis sa carrière entre parenthèses pour privilégier celle de sa compagne, la navigatrice anglaise Samantha Davies, Romain Attanasio court son premier tour du monde. Portrait.

C

«

80

ette fois, c’est à mon tour de remonter le chenal des Sablesd’Olonne ! » Jamais avare d’une plaisanterie, Romain Attanasio est pourtant très sérieux lorsqu’il parle du Vendée Globe. Souvent identifié comme le compagnon de Samantha Davies, la plus française des navigatrices anglaises qui a terminé 4e de l’édition 2008-2009, le skippeur de Famille Mary-Étamine du Lys a cette fois laissé Madame et leur fils Ruben à la maison pour boucler son tour du monde sans escale, ni assistance, dont il rêve depuis qu’il est gosse. Hier, il naviguait en plein océan Indien, en 21e position, échangeant la 22e et dernière place, au gré des classements, avec Sébastien Destremau (TechnoFirst-Face Océan), à plus de 6 700 milles (12 400 km) du leader Armel Le Cléac’h (Banque-Populaire VIII), qui traverse maintenant le Pacifique. Un rêve qui a failli s’arrêter brutalement, le 5 dé-

cembre, lorsqu’un choc avec un objet flottant non identifié a endommagé ses deux safrans. Pointé à la 18e place, le marin de 39 ans s’est dérouté vers la pointe de l’Afrique du Sud pour tenter de réparer.

Encore deux mois de mer

c’esT, eN Nœuds, la ViTesse des rafales, hier, au sud de la TasmaNie (150 km/h), qui a obliGé plusieurs NaViGaTeurs à meTTre la compéTiTioN de côTé.

Après deux jours au mouillage, celui qui est né dans les Hautes-Alpes, dans une famille de skieurs, est reparti soulagé, samedi. « Quand j’ai vu mes safrans exploser, un monde s’est écroulé, raconte-t-il. Je me voyais expliquer à tout le monde que c’était fini, ne pas remonter le chenal des Sables alors que je l’ai imaginé des milliers de fois. Et me revoilà en course ! Je surveille mes réparations, mais ça a l’air de tenir. Maintenant, il ne me reste plus que deux mois de mer ! » Avant son départ, cet habitué du circuit Figaro n’avait jamais passé plus de 21 jours seul en mer. Hier, il en était déjà à 37 à bord du plus vieux voilier de la flotte, mis à l’eau en 1998.

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après aVoir réparé ses safraNs, romaiN aTTaNasio a repris la course. il NaViGuaiT hier daNs l’océaN iNdieN. PHOTO LOIC VENANCE/AFP

Une longue route aussi pour sa compagne qui, cette fois, se retrouve à terre. « Sam est revenue fatiguée de son dernier tour du monde (6e du Volvo Ocean Race 2014-2015, tour du monde en équipage avec escales) et elle a enchaîné avec la Transat Jacques Vabre 2015 (5e avec Tanguy de Lamotte), a-t-il expliqué à l’Humanité avant son départ. Elle avait envie de passer plus de temps avec notre fils de 5 ans. La dernière Jacques Vabre, ce sont les grandsparents qui l’ont gardé car, moi aussi, j’étais en course (9e avec Louis Burton). Tout s’est bien goupillé, car ses sponsors ne se sentaient pas prêts à repartir tout de suite… Je suis content, c’est aussi mon métier. Je l’avais un peu mis de côté, ces dernières années, et à force de rester à terre, cela aurait pu s’arrêter. Être sur le ponton à regarder les autres partir, c’était un peu dur. »

Le couple Attanasio-Davies cultive la particularité d’être le premier de l’histoire du Vendée Globe. « Je profite de l’expérience de Sam sur ses tours du monde, que ce soit à propos de ce qu’on emmène à manger ou d’un point de vue technique, dit-il. Je suis content pour elle qu’elle ait plus de notoriété. J’en rigole et je m’en fiche ! C’est une entreprise de famille aussi… Plus elle trouve de sponsors et court, et plus j’en profite. » Un mode de fonctionnement qui nécessite de l’empathie et le sens de l’organisation. « Il faut savoir laisser de la place à l’autre et le soutenir, souligne-t-il. C’est ce que j’ai fait quand elle a préparé le Vendée Globe 2012 (abandon à la suite d’un démâtage) ou la Volvo Ocean Race. Toute l’année qui a précédé ce Vendée, elle me l’a bien rendu. On forme une équipe. » Nicolas GuillermiN

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Culture&Savoirs Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité

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café-cinéma

Videodrome2, nouvelle Mecque des cinéphiles marseillais

Tout à la fois vidéoclub et bistrot, cet espace unique, dans le fond comme dans la forme, redonne ses lettres de noblesse à l’esprit ciné-club.

C

ela aurait pu être un enterrement, ce fut une renaissance. Lorsqu’en 2013 Emmanuel Vigne, le fondateur de Videodrome, rendez-vous culte des cinéphiles marseillais niché entre la Plaine et le cours Julien, annonce son départ, les habitués pensent dire adieu au catalogue magique de 3 000 DVD dont était pourvu le petit vidéoclub. « Impensable », explique son ami et collaborateur, le peintre Julien Chesnel, qui, avec d’autres cinéphiles endiablés, Carole Lorthiois, Justine Simon, Claire Lasolle, Darjeeling Bouton et Julien Chollat-Namy, décide de récupérer le trésor et de le faire fructifier. « Nous sommes partis d’un double constat, reprend l’artiste de 42 ans, d’abord que Marseille était sous-équipée en salles de cinéma, mais aussi que le niveau structurel de la cinéphilie telle que Langlois l’avait imaginée avait périclité après la quasidisparition des ciné-clubs. »

Une salle de 50 places, 5 000 films en location

De ce constat naîtra un projet : un lieu mêlant à la fois ciné-club et vidéoclub. Après de longues et nombreuses démarches auprès de l’État et des collectivités locales, la bande de fadas réussit l’impensable : créer Videodrome2 sous forme de Scop (8 salariés) et d’une association (2 salariés). L’espace est inauguré le 25 mars 2015 au 49, cours Julien. Le mystère et la discrétion sont de mise. Impossible d’imaginer, derrière le rideau de fer qui rappelle celui d’un garage, la présence d’un bar, d’une librairie et d’une arrière-salle remplie de pellicules 35 millimètres elle-même surplombée d’un projecteur pointé sur l’écran d’une superbe salle de 50 places. « Ce qui n’en fait pas pour autant un cinéma d’art et d’essai, reprend Julien. Videodrome2 n’a pas pour vocation l’exploitation, ni la gratuité ! S’il y a une billetterie, les films projetés dans notre salle le sont de manière non commerciale », insiste-t-il. La pompe à finances, ce sera donc la pompe à bière et le vidéoclub. Ce dernier, dont près de la moitié des 5 000 films locatifs provient du premier Videodrome, a de quoi faire saliver. Une histoire du cinéma mondiale souvent rare, parfois méconnue, y côtoie les films dits grand public et le

le videodrome, à marSeille, accueille cinéphileS, aSSociationS et feStivalS. PHOTO Keuj

fonds s’agrandit chaque La programmation du ciné« La culture est mois d’une quarantaine de club a elle aussi de quoi faire nouvelles copies. Plus de multiple, parfois pâlir plus d’un cinéma pa1 000 abonnés ont déjà pris risien et les quelque leur carte. Une exigence complexe, mais 10 000 spectateurs enregisque l’on retrouve au gré des trés pour cette année 2016 catalogues de la librairie, notre espace ne s’y sont pas trompés. En dispersés dans le bar et pro- est populaire. » vrac et de manière non exposant une littérature elle haustive depuis 2015 : Julien cheSnel, « l’amour dans les films de aussi éclectique, choisie en fOndaTeur Godard », une rétrospective fonction des programmade videOdrOme2 tions portées par le lieu. Ray Harryhausen, le roi des « Cela peut paraître élitiste effets spéciaux, les génies du mais ça ne l’est pas, jure le fondateur de cinéma soviétiques Tarkovsky et Pelechian… Videodrome2. La culture est multiple, parfois et récemment une rétrospective unique sur complexe, mais notre espace est populaire. le cinéma tchécoslovaque des années 1960. Nous essayons simplement de présenter Si des associations et festivals peuvent d’autres images, d’autres techniques et également s’approprier le lieu, le cinéma esthétiques, et de les présenter de manière contemporain trouve aussi sa place. Avant différente. » que son film Aouine, qui raconte la vie or-

dinaire de jeunes vivant dans une cité populaire des quartiers Nord de Marseille, n’ait eu un destin dans les festivals internationaux comme celui de Tétouan au Maroc, le cinéaste Adam Pianko avait projeté son film au Videodrome. « Nous faisons volontiers ce genre d’expérience, à condition que le réalisateur mette en perspective son cinéma au sein d’un travail de programmation », prévient toutefois Julien Chesnel. Videodrome2 se veut en effet un lieu d’interaction réelle avec l’idée que l’image peut être libératrice et non enfermante. Réponse magnifique au déferlement toxique du virtuel qui se substitue au réel et que dénonçait déjà en son temps un certain David Cronenberg dans le film Vidéodrome. Stéphane aubouard

http://www.videodrome2.fr

18 l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016

CINÉMA

Un conte au pinceau pour braver le diable Sébastien Laudenbach a adapté le conte de Grimm revisité par Olivier Py. Son film est un petit bijou original, d’une inventivité picturale des plus singulières.

LA JEUNE FILLE SANS MAINS, de Sébastien Laudenbach.

complicité de la déesse de la rivière, elle trouvera refuge à la source. Mais l’histoire ne s’arrête pas là… France, 1 h 17. C’est un conte tout ce qu’il y a de plus cruel pour la jeunesse. Un conte initiatique où le héros est une héroïne qui s’opposera a silhouette se confond avec les branches du pom- au destin auquelle elle est vouée par un monde d’hommes. mier. C’est là que la fille du meunier se réfugie. Un conte tout ce qu’il y a de merveilleux, avec des personPour oublier la misère. Elle croque des pommes nages fantastiques, avec des rebondissements qui rondes et juteuses. On imagine qu’elle tiennent en haleine et en alerte le spectateur. Un parle aux oiseaux… Un beau jour, conte philosophique aussi où l’apprentissage débarque le diable en personne. Il passe un de la vie n’est pas une simple vue de l’esprit, CANNES pacte avec le père : tout l’or du monde contre où la loyauté, la solitude, la déception croisent LA JEUNE FILLE le pommier. Mais le père oublie que, sur le le fer avec le désir d’émancipation et de liberté. SANS MAINS OUVRAIT, pommier, il y a sa fille. L’eau de son moulin, Un conte peut-être à ne pas mettre entre CETTE ANNÉE, jusqu’ici tarie, soudain jaillit avec force. Cette toutes les mains, du moins pour les moins de LA SÉLECTION eau se transforme en or. Le meunier tient 7 ans, mais dont la force repose sur l’énergie DE L’ACID. parole et offre sa fille et le pommier. du récit et l’originalité de sa conception. Un dessin animé à la main où les couleurs – bleu Une héroïne dans un monde d’hommes indigo, or, rouge sang, vert sombre – rivalisent de Partant de là, mille péripéties et rebondissements vont vitalité, explorent toute une palette de nuances jouant émailler ce récit. La jeune fille, face à la lâcheté de son père sur d’infinis jeux de transparence. Les personnages vont ainsi qui acceptera de lui couper les mains, face à l’adversité du se confondre avec la nature, tout à tour luxuriante ou aride, Malin, avancera à tâtons jusqu’à croiser sur son chemin la disparaître, s’effacer et, par enchantement, réapparaître. déesse de la rivière, un prince tout ce qu’il y a de plus charmant Passées les premières minutes du film où l’on se sent déet son jardinier. Las… La guerre gronde. Son prince accomplit concerté, la magie opère très vite, captivant le regard, projetant son devoir et y court. La princesse se retrouve seule, enceinte. des paysages aquarellés qui donnent des profondeurs de Mais le diable n’a pas renoncé à récupérer « son bien ». Ma- champ insoupçonnées. Le travail artisanal de Sébastien chiavélique jusqu’au bout de ses ongles crochus qu’il n’a pas Laudenbach sculpte les corps des personnages. Ici, la vie car sa capacité à se métamorphoser ne cesse de surprendre, passe par des gestes à peine esquissés, des regards éclatants il va semer la discorde, le doute chez la jeune fille. Un matin, de vérité. De la belle ouvrage… elle s’enfuit avec son bébé accroché à son corps. Grâce à la MARIE-JOSÉ SIRACH

S

Par ici les sorties par Vincent Ostria PAR ICI LES SORTIES MANCHESTER BY THE SEA, de Kenneth Lonergan.

est soigneusement dosée. Malgré les traumas, la vie continue, raisonnablement.

Rédemption tranquille. Après la mort soudaine de son frère, un gardien d’immeuble solitaire et ombrageux – incarné par Casey Affleck, dans un rôle assez inhabituel pour lui (quoique) – doit prendre en charge son neveu… Le film tire une partie de sa mélancolie de ses lieux de tournage en Nouvelle-Angleterre (dans le Massachusetts), avec sa palette de couleurs éteintes, ses paysages côtiers uniformes. Cet arrière-plan un peu morne souligne délicatement le propos désabusé du récit, ponctué par des flash-back révélant la tragédie qui a transformé le héros en sorte de mort-vivant. Une œuvre fine et sensible, mais classique, où l’émotion

WONDERLAND, de B. Jaberg, C. Jaquier, G. Frei, J. Gassmann, J. Meier, L. Rupp, L. Blatter, M. Krummenacher, M. Scheiwiller, T. Nölle.

États-Unis, 2016, 2 h 18.

Suisse/Allemagne, 2016, 1 h 39.

Parano suisse. Un improbable film collectif, coréalisé par dix cinéastes suisses allemands. Il postule qu’une imminente catastrophe va tomber sur l’Helvétie, au-dessus de laquelle des nuages monstrueux s’amoncellent. L’eau est coupée, l’électricité aussi, la population panique et s’entre-déchire. Une fable ridicule au sérieux papal, qui se voudrait une métaphore politique, mais ne dépasse guère le niveau d’un téléfilm poussif pour émission débat.

PERSONAL SHOPPER, d’Olivier Assayas. France, 2016, 1 h 45.

Peur de luxe. Un thriller fantastique à mi-temps, tourné en anglais, à Paris et ailleurs : une jeune Américaine (Kristen Stewart) tente d’entrer en contact avec l’esprit de son frère défunt, qui se manifeste modérément ; parallèlement, elle gère la garde-robe d’une femme riche. Cela posé, le film navigue entre plusieurs pistes qu’il se garde d’approfondir – avec en prime un meurtre sans rapport avec l’intrigue centrale. Beaucoup de trous et de remplissage pour un drame dilué. Voir l’interminable dialogue par SMS entre l’héroïne et un inquiétant inconnu. Cette œuvre chic, parsemée de références artistiques, ne semble qu’esquissée.

LA CHRONIQUE CINÉMA D’ÉMILE BRETON

Francine Bajande

Culture&Savoirs

Des petits Blancs ravageurs ‘BURBS, de Joe Dante.

Un coffret, DVD Livre (Éditions Carlotta).

‘ B

urbs (1989) de Joe Dante n’était jamais sorti en salles en France. Utilité du DVD : il nous arrive enfin aujourd’hui sous forme de coffret (trois disques, plus un livre dû à six auteurs). ‘Burbs, ce sont les banlieusards, non pas ceux, comme chez nous, des quartiers déshérités, mais les petits Blancs des classes moyennes ayant fui aux États-Unis les centresvilles envahis par les Nègres. Gazons bien peignés, gamin qui jette de son vélo les quotidiens sur le seuil de chaque villa, on a vu ça dans bien des films. Ainsi Joe Dante n’a pas eu besoin de tourner en extérieur : un studio d’Universal, à Hollywood, avait, clés en main, une de ces rues si « typiques ». Puissance de la fiction : cette banlieue est plus vraie que nature. C’est que ce contrebandier n’est pas vraiment homme des consensus et des bluettes. Il avait su faire de Piranhas (1978), sorti dans le sillage des de la mer de Spiel« Pas vraiment Dents berg, une critique évidemment mordante du homme des militarisme américain et consensus et de son goût du secret, puis des Gremlins (1984), des bluettes » petites créatures griffues, sorties d’une boutique chinoise et de la science-fiction, le saccage du mode de vie petit bourgeois, de Small Soldiers (1988), terrifiants minirobots sortis d’une boîte de jeux, la satire des « produits dérivés » des films à gros budgets. ‘Burbs, c’est donc la banlieue mais pas l’idylle à laquelle le décor servait, habituellement : c’est des habitants qu’il s’agit. Soit un bel échantillonnage de mesquinerie agissante, du bon copain désœuvré au militaire en retraite hissant les couleurs tous les matins. Il suffira que le chien de l’un d’eux chie sur la pelouse du voisin pour que la fureur s’enclenche. Et que dire lorsque des voisins qui ne parlent à personne viennent s’installer dans la demeure la plus sinistre de la rue ? Tout cela traité sur le mode du « cartoon » le plus déchaîné. Un grand bonheur que ce théâtre de Guignol contemporain. Avec, ce qui fait que la caricature est ici dépassée, la tendresse du cinéaste pour ses créatures : mais n’aimait-il pas, aussi, les Gremlins ? Donc, un film, des compléments abondants, dont un avec Dante lui-même, présentant les scènes coupées et les deux versions de la fin, et un livre qui, des réflexions sur les années Reagan qui virent naître le film à la prégnance de la sorcellerie dans l’histoire américaine (car c’est à cela aussi que s’en prend ‘Burbs), sont tout à la fois la découverte d’une œuvre rare et une leçon de cinéma. P. S. : Jean-Loup Passek est mort la semaine dernière. Cinéphile de vocation, il fut conseillercinéma au Centre Pompidou. Il amena au festival de La Rochelle le même esprit d’ouverture. Il créera au Portugal le musée du Cinéma de Melgaço. On l’aimait bien, ce passionné bougon.

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité 19

Culture&Savoirs FranCe Culture

télévision

Arnaud Laporte se dispute chaque soir

Dieu, les artistes et l’outrage

Du lundi au vendredi à 21 heures, l’émission La Dispute parle de cinéma, de livres, de théâtre, de musique… sans se croire obligée de faire la promo des dernières nouveautés. Réjouissant.

V

ingt et une heures, vous écoutez France Culture… Du lundi au vendredi Arnaud Laporte y anime la Dispute. Une émission « qui porte un regard critique sur l’actualité culturelle », dit-il. Désormais dans sa sixième saison, une longévité qui en radio se conjugue avec audience, la Dispute revendique 100 000 à 120 000 auditeurs chaque jour, soit le double de ses débuts, et 250 000 abonnés aux podcasts, pour une écoute à l’heure de son choix. « Finalement c’était une bonne idée », s’amuse le journaliste animateur qui au fil du temps s’est entouré d’une équipe de critiques de théâtre, cinéma, arts plastiques, littérature, musiques… pour aborder une de ces spécialités par soirée. « Avec le souci de la plus grande diversité des styles comme des lieux, en parlant autant que faire se peut de la création dans les régions, notamment en matière d’expositions, sans faire l’impasse sur de gros événements parisiens, mais aussi en privilégiant des petits lieux ou rendez-vous beaucoup moins exposés médiatiquement parlant. » Le principe de ce rendez-vous d’une heure, en direct le lundi et enregistré les autres jours « Je suis le premier dans les strictes condiauditeur des tions du direct, « 58,5 Critiques présents. minutes chronomètre sous […] tout m’intéresse. les yeux et sans monquand J’ouvre tage », n’a pas beaucoup arnaud laporte anime La Dispute, une émission où ChaCun un Journal, Je lis peut exprimer sa sensibilité. PHOTO LIONEL BONAVENTURE/AFP changé depuis septoutes les paGes », tembre 2011, si ce n’est souliGne arnaud que, par exemple, la relaporte. vue de la presse culturelle t a c l e , e x p o s i t i o n , Et là encore la Dispute, « à sa façon d’Antoine Guillot est remplacée concert, etc. ». Et, poursuit résiste », se distingue et mérite une par le Petit Salon de discussions de Arnaud Laporte, « nous avons une oreille attentive car son équipe est pluLucile Commeaux. totale liberté. Nous pouvons dire le plus rielle, ce qui dans le paysage audiovisuel grand mal d’un film par exemple, et la n’est pas hélas le lot commun. « Les Une équipe plurielle chaîne peut diffuser après l’émission journalistes qui viennent régulièrement La Dispute, c’est « avant tout des une publicité vantant ce même film dont au micro représentent de nombreuses prises de position argumentées, la station est partenaire… Certains pro- tendances de la presse, de l’Humanité fouillées », explique Arnaud Laporte, ducteurs, je le sais, s’en sont parfois (avec le lundi Marie-José Sirach), du conscient d’animer un des rares es- émus, mais ce n’est jamais prémédité. Figaro à la Croix, pour ne citer que paces-temps permettant à une pensée Pas plus que je n’hésite à dire tout le ceux-là. Ensemble, en toute subjectivité, critique de s’exprimer autrement qu’en bien que je peux penser d’une création, nous confrontons nos points de vue. Chatrois minutes. Ainsi l’émission n’en- même si nous en sommes pareillement cun avec sa sensibilité, sans que chacun tend pas faire concurrence par exemple partenaires ». se sente lié par des histoires de chapelle au Masque et la Plume dominical de Une parole sans contraintes, donc, ou de copinage. Et puis ce n’est pas parce France Inter, où les intervenants, qui se fait rare en matière culturelle, que l’on va parler d’une pièce qui dénonce nombreux, pratiquent plus souvent la dans la presse écrite comme dans les le capitalisme que l’Huma doit s’extasier pique venimeuse et le bon mot. médias audiovisuels. Principalement et le Figaro détester. Et en vérité les Dans le studio de Culture, plus feutré, par manque de place dans les journaux, approches sont beaucoup plus subtiles, « notre formule nous permet de prendre forcés à de sévères réductions de pagi- sensibles, libres, sincères. » du temps, de décortiquer chaque spec- nation pour des raisons économiques. Gérald rossi

Les artistes peuvent-ils critiquer la religion, le fait religieux ou les dogmes ? Le documentaire d’Arte tente d’y répondre. Le Documentaire cuLtureL Arte, 22 h 45.

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es religions monothéistes, d’où qu’elles viennent, aiment bien garder le contrôle sur leurs ouailles. Elles ont souvent été, par le passé, ou sont encore, aujourd’hui, des instruments de pouvoir politique. Dès lors, nombre de leurs représentants n’aiment pas, détestent même, que l’on vienne contredire leur doxa. Or, les artistes ne s’en privent pas. Le Documentaire culturel, excellente case d’Arte, se demande ce soir si l’on peut outrager Dieu, ou quelque autre entité divine. Le constat est à double tranchant : oui, dans nos démocraties occidentales, les artistes ne se privent pas de critiquer, ou d’interroger, la croyance et les divinités. Cependant, l’auteur, Werner Köhne, s’inquiète de la montée en puissance des manifestations et des pressions des religions sur toute forme d’expression.

Le bon et le mauvais goût

Le documentaire commence avec le caricaturiste danois Kurt Westergaard. Celui qui, en 2006, avait représenté Mahomet avec une bombe en guise de turban dans le journal Jyllands-Posten. Ce dessin lui a valu des menaces de mort, une intrusion chez lui, une menace d’attentat. Il avait été repris, en France, dans France-Soir d’abord, puis dans Charlie Hebdo, au nom de la liberté d’expression. Le caricaturiste raconte son parcours, mais le relie aussi au sort de Salman Rushdie, toujours sous le coup d’une fatwa depuis la parution des Versets sataniques en 1988. Des artistes témoignent de leur pratique et des pressions qu’ils subissent : la plasticienne Deborah Sengl, le réalisateur allemand Ulrich Seidl montrent leurs œuvres, souvent délibérément provocantes. S’expriment également des philosophes, des théologiens, une imam femme, des historiens, qui remontent le cours du temps et des logiques prévalant chez les autorités religieuses, qui se croient seules à décider du bon ou du mauvais goût selon Dieu, Allah ou Jéhovah... Pour ces responsables religieux, expliquent-ils en substance, les sociétés religieuses sont considérées comme plus « morales ». Alors que la réalité historique est bien plus nuancée. Ce documentaire foisonnant est passionnant. Même s’il manque de poser une question essentielle : l’artiste ou le chaland mécréant doivent-ils être soumis aux mêmes règles que les fidèles ? Dans une société laïque, ce serait le comble. La question reste en suspens. Caroline Constant

20 l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016

Culture&Savoirs recherche

Claire Voisin, les maths en conscience

Chercheuse en géométrie algébrique, cette mathématicienne de renom reçoit aujourd’hui, à la Sorbonne, la médaille d’or 2016 du CNRS. Une distinction scientifique qui couronne une vie passée en compagnie de la conjecture de Hodge et des variétés kählériennes...

S

a silhouette filiforme, enveloppée dans un peignoir japonais, traverse avec aisance le grand appartement parisien. Au bout, à droite, son bureau et une immense fenêtre laissent entrer une lumière blanche hivernale. Au milieu, une table ancienne posée sur un tapis rouge aux motifs orientaux. Son univers est coloré, boisé et silencieux. La mathématicienne Claire Voisin, âgée de 54 ans, se prête au jeu de l’entretien. Elle, si discrète, qui a passé plus de trente ans dans des laboratoires de recherche exigus et un peu austères, à raturer et griffonner ses travaux sur la géométrie algébrique, la topologie des variétés projectives kählériennes et sur la théorie de Hodge. Lauréate de la plus haute distinction scientifique française, la médaille d’or 2016 du CNRS, qui c’est la quatrIème lui sera remise aujourd’hui à la Sorbonne, FoIs seulement Claire Voisin s’efforce de répondre à la question que la méDaIlle D’or récurrente des origines. Mais elle résiste au Du cnrs est mythe. Il n’y a pas eu, chez cette fille de poDécernée à une lytechnicien, de vocation, ni de révélation. Femme, DepuIs Jusqu’à son atterrissage en classe préparatoire sa créatIon Il y a au lycée Louis-le-Grand, l’école ne lui a pas 62 ans. dévoilé la « profondeur des mathématiques ». De nature légèrement rebelle, elle flirtait avec l’ennui. « C’était trop facile pour être pris au sérieux. » Mais tout de même, Madame Voisin, quelqu’un vous a-t-il mis le pied à l’étriller ? Son père aimait la géométrie. Ils passaient des heures à tracer des cercles et des triangles au compas. Des mathématiques à l’ancienne. « C’est fleuri et joli mais c’est parachuté. On voit des beaux théorèmes et de belles démonstrations mais quelle est la raison d’être de l’énoncé ? »

4

« La recherche nous met en déroute »

C’est donc en classe préparatoire, puis à l’École normale supérieure de Sèvres, en 1981, que Claire Voisin embrasse sa discipline avec ferveur. « On questionnait les fondements avec la logique. On faisait de la topologie générale, des fonctions continues, des fonctions à valeur dans R. C’était de plus en plus formidable. Je suis passée ensuite à la conceptualité, la mise en place des énoncés. Je lisais des livres incroyables sur la topologie différentielle, la théorie de Morse », détaille-t-elle d’un seul coup. Comme une coureuse de fond, elle passe l’agrégation en 1983 et soutient sa thèse en 1986, intitulée « Théorème de Torelli pour les hypersurfaces cubiques de dimension 4 », sous la direction d’Arnaud Beauville, spécialiste de géométrie algébrique. À 24 ans, elle intègre le CNRS à Orsay, puis à l’université de Jussieu. La géométrie algébrique, la conjecture de Hodge, le théorème de décomposition des noyaux, ou lemme des noyaux, deviennent ses obsessions quotidiennes. « La recherche nous met en déroute. Les idées sont fuyantes et rares. Même si le terrain est solide, il y a toujours les détails qui coincent. Il faut repousser tout ce qui envahit notre intériorité, garder une grande concentration et beaucoup de disponibilité intérieure pour se frayer un chemin à travers l’abstraction. » Et de soupirer dans un demi-sourire : « Si vous saviez le nombre de tartes que j’ai laissé brûler. » Que dire alors de ses cinq enfants ? Pour elle, il n’y a rien d’incompatible. Ses enfants et son mari, Jean-Michel Coron, également mathématicien reconnu, lui apportent

claIre VoIsIn enseIgne au collège De France DepuIs octobre. PHOTO PaTRiCk iMBERT/COllègE dE fRaNCE

l’équilibre nécessaire à son métier, qu’elle juge « angoissant ». Insaisissable, poétique et libre, Claire Voisin s’est aménagé une architecture intérieure où les mathématiques et la famille cohabitent studieusement et joyeusement. « Mes enfants sont un guide. Être coincée sur un lemme, c’est parfois moins grave qu’une otite. Les enfants m’aident à continuer à marcher droit. Ils sont une source de créativité inépuisable. Un été, nous avons construit une ville entière à base de cailloux ramassés, les plus beaux possible, que nous avions collés sur une immense planche. »

Un vagabondage intérieur précieux

Nous sommes loin des démonstrations qui ont fait de Claire Voisin une des mathématiciennes les plus reconnues au monde. Et qui lui ont valu cinq prix, avant la médaille d’or du CNRS. Elle publie Théorie de Hodge et géométrie algébrique complexe en 2002, un ouvrage qui fait aujourd’hui autorité. Son entrée au Collège de France, en juin dernier, inaugurant ainsi la première chaire de mathématiques, a permis à l’institution de pointer

quelques-unes de ses trouvailles : « Ses travaux ont fait considérablement avancer la compréhension de la topologie des variétés algébriques parmi les variétés kählériennes et plus généralement des variétés différentiables. Elle a contribué, en 1992, à l’étude d’un des phénomènes les plus mystérieux de la géométrie algébrique, la symétrie miroir. » Ce qu’elle aime dans ses cours au Collège de France, c’est pousser les démonstrations, entrer dans les maths par la petite porte. Intimidée par la réception de cette médaille d’or, Claire Voisin a déjà rédigé les quelques mots qu’elle adressera aux officiels. Et renonçant à expliquer ses travaux au sein de la recherche, trop complexes, elle préfère raconter l’histoire des Rois mages, d’Edmond Rostand. « Cette histoire nous parle de l’errance, qui est une partie de la recherche la plus féconde mais peut-être aussi la plus angoissante. C’est la protection de ce vagabondage intérieur précieux que m’a offerte le CNRS pendant les trente dernières années, ce qui me paraît rétrospectivement inestimable. » Ixchel Delaporte

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité 21

Culture&Savoirs essAI

notre choIx télé

Le paradoxe palestinien

la tombe de gengis khan, le secret dévoilé France 5, 20 h 45.

Nicolas Dot-Pouillard ne cache pas les difficultés, pour le peuple palestinien, de construire un État indépendant, sous la pression coloniale israélienne et confronté aux divisions du mouvement national.

Documentaire de Cédric Robion (France, 2016).

Le professeur Giscard, l’un des pères de l’archéologie mongole, enquête sur la localisation de la tombe de Gengis Khan. Pour la première fois, une équipe de chercheurs va pouvoir pénétrer dans cette zone sacrée et interdite qu’est la sépulture de celui qui fonda, au début du XIIIe siècle, l’empire mongol.

la mosaïque éclatée. une histoire du mouvement national palestinien (1993-2016), de nicolas Dot-Pouillard, Institut des études palestiniennes, « Sindbad », Actes Sud, 255 pages, 22 euros.

C

hercheur associé à l’Institut français du Proche-Orient de Beyrouth, Nicolas Dot-Pouillard se penche là sur les effets des accords d’Oslo, signés en 1993 à la Maison-Blanche par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin. De ces accords entre Israël et l’OLP, dont on espérait qu’ils conduiraient dans les cinq ans à une solution négociée de la question palestinienne débouchant sur la création d’un État indépendant, l’auteur fait le point de départ d’une division du mouvement national palestinien. Le courant islamique – Hamas et Djihad islamique – s’y oppose farouchement, de même que les organisations affidées au régime de Damas et tenues en laisse depuis longtemps par Hafez Al-Assad. Certes, la division interne a été aggravée par la division territoriale imposée par Israël dans les territoires occupés : la bande de Gaza a été remise au Hamas en 2006, après l’évacuation forcée de ses colons, et coupée physiquement et politiquement de la Cisjordanie, elle-même divisée en zones A, B, C et atomisée par la

the immigrant Arte, 20 h 55.

Drame de James Gray (États-Unis, 2013). Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix et Jeremy Renner.

mAIson FAmIlIAle DétruIte PAr les rAIDs IsrAélIens DAns lA vIlle De beIt hAnoun, norD De GAzA, mArDI 5 Août 2014. PHoto/LeFteRIS PItARAkIS/AP

multiplication de colonies et de routes d’accès réservées aux colons, sans parler de la construction du mur. La division politique s’est elle aussi accentuée entre le Fatah, qui dirige l’Autorité palestinienne, le courant islamique et la gauche. Mais ces divisions préexistaient largement aux accords d’Oslo et elles n’ont pas empêché – ce que souligne heureusement l’auteur – les Palestiniens de

continuer contre vents et marées, et malgré l’indifférence du monde, à résister à l’occupation de toutes les manières possibles et, de plus en plus, par des moyens pacifiques. En dépit des vicissitudes traversées, le peuple palestinien n’a jamais renoncé à lutter contre la colonisation et jamais perdu de vue le but ultime : l’indépendance réelle et effective.

Mots croisés

COURSES HIPPIQUES AVEC P. ROSSO NOTRE CHOIX POUR LE QUINTÉ Mercredi à Vincennes l Trot R1 l 1e course à 13h47 l Attelé l 18 partants l 2.850 m.GP - Corde à gauche l

Jeudi à Cagnes-sur-Mer l R1 l 3e course à 13h47 l Haies-Handicap l 16 part. l 3.500 m. Corde à gauche l

BASES

BASES

12. VAISMAN 17. UNIVERSAL RIDER 7. VALSE D’AVIGNÈRE 18. TROPIC DU HÊTRE

2. ORVAUX 3. CAPUCINE DU CHENET 11. PRINCE OF FIELDS 8. GOTHATIR

CHANCES

CHANCES

14. UP THE GREEN 3. VICHENKO CHEF 8. UCÉLLO SOMOLLI 13. URSA MAJOR

4. SUPERBURG 10. ARMYR 6. CI BLUE 1. CAPHARNAUM

LE BON FAVORI : UNIVERSAL RIDER L’OUTSIDER REPÉRÉ : VAISMAN

LE BON FAVORI : ORVAUX L’OUTSIDER REPÉRÉ : PRINCE OF FIELDS

HORIZONTALEMENT 1. Qui peut recevoir un sérum. 2. Simple d'esprit. Entend. 3. À elle. Prendre furtivement. 4. Homme politique argentin. Sélénium. 5. Dates limites pour les paiements d'une dette. 6. Ils se tirent à l'Épiphanie. Fonte naturelle de la neige. 7. Rivière d’Alsace. Tara. 8. Stands forains. Parcourus des yeux. 9. Expose des faits. Déplacement d'air. 10. Transpiration abondante. Vaste nappe de pétrole, lorsqu'elle est noire.

FrAnçoIse GermAIn-robIn

www.humanite.fr

HQ 22071

facebook.com/humanite.fr

I

N° 22 071 par Martial Dubois

II

III

IV

V

VI VII VIII IX

X

1

VERTICALEMENT I. Traiterions sévèrement. II. Langage de programmation de très haut niveau. Mousse au dessus de la bière. Symbole de l'or. III. Ici. Breuvage magique destiné à inspirer l'amour. IV. Cryptées. Fureur. V. Répéta. Pâturage. VI. Ville du Cher. VII. Léopards des neiges. Se rend. VIII. Chapeau. Mettre sur le même pied. IX. Joie. Gros titre. X. Un seul vous manque, et tout est dépeuplé. Bande de poils blancs sur le front d'un cheval.

SOLUTION : HORIZONTALEMENT. 1. Vaccinable. 2. Idiote. Oit. 3. Sa. Dérober. 4. Peron. Se. 5. Échéances. 6. Rois. Dégel. 7. Ill. Pesa. 8. Tirs. Lus. 9. Narre. Vent. 10. Suée. Marée. VERTICALEMENT. I. Visserions. II. Ada. Col. Au. III. Ci. Philtre. IV. Codées. Ire. V. Itéra. Pré. VI. Nérondes. VII. Onces. Va. VIII. Bob. Égaler. IX. Liesse. Une. X. Être. Liste.

PIF

retrouvez l’humanité sur Internet

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Deux sœurs polonaises émigrent aux États-Unis, en 1920. L’une d’elle, atteinte de tuberculose, est mise en quarantaine. Pour la faire sortir, l’autre, prénommée Ewa (Marion Cotillard), doit réunir une certaine somme d’argent. Alors qu’elle croit avoir décroché un travail dans une troupe de cabaret, elle se retrouve dans les filets d’un proxénète… Un film poignant sur l’imposture du « rêve américain ».

Humanité N° 22071

2 3 4 5 6 7 8 9 10

D’après C. ARNAL

22 l’Humanité Mercredi 14 décembre 2016 mobilisation des militants lgbt Inquiets, les militants du mouvement pour la défense des droits des gays, lesbiennes, bi et transsexuels (LGBT), sont également de toutes les manifestations contre l’offensive ultraréactionnaire portée par Trump.

Reportage

20

C’est le nombre de monuments à la gloire de l’État confédéré esclavagiste qui encombrent le centre de la nouvelle-orléans, selon le mouvement take’em down nola.

États-Unis

À La Nouvelle-Orléans, on s’organise contre les vents mauvais Dans la cité du jazz, ils combattent la persistance de la ségrégation que l’ouragan Katrina rendit si flagrante, ils s’engagent avec Black Lives Matter pour réclamer justice et l’enlèvement des monuments esclavagistes. Et après l’élection de Donald Trump, ils appellent à la résistance.

D

La Nouvelle-Orléans (Louisiane, États-Unis), envoyé spécial. ès la fin de la matinée, des sons bigarrés envahissent les rues du « carré français » de la Nouvelle-Orléans. Chacun est à son poste, ce groupe de blues qui joue et vend ses CD au coin de Royal et Toulouse Street, ce couple de violonistes pris dans une mélodie endiablée sur Jackson Square ou ces minots africains-américains, hauts comme trois pommes, et grands virtuoses du seau transformé en instrument de percussion sur Bourbon Street. Comme tous les jours, le cœur historique de la cité louisianaise dégourdit peu à peu ses instruments sous les oreilles charmées des nombreux touristes. Chacun joue sa partition. La fête de la musique est ici permanente. Et rien ne semble pouvoir troubler l’emballement progressif de cette quotidienne improvisation de haut vol. Tout semble en ordre. Et pourtant, il ne faut pas chercher bien longtemps derrière les apparences. S’il est un endroit des États-Unis où l’élection de Donald Trump polarise, déclenche appréhensions et désirs de résistances, c’est bien ici.

Avec la victoire du milliardaire nationaliste, «tout ce que ce pays compte de racistes jubile »

Dans la cité qui abrita le plus grand marché aux esclaves des jeunes des États-Unis et de la planète au milieu du XIXe siècle, on sait la force du recours à la joie de jouer comme à une arme de libération pour clamer son humanité, ou au moins comme à un art de vivre, pour surmonter la crainte des mauvais vents. Ceux qui menacent aujourd’hui sont de nouveau très politiques. Avec la victoire du milliardaire nationaliste, « tout ce que ce pays compte de racistes, des plus discrets, des plus inavoués aux suprémacistes blancs déclarés, jubile et veut un renforcement de ségrégations qui pèsent toujours ou ont même eu tendance à se renforcer ces temps derniers dans notre quotidien », s’inquiète Malcolm Suber. Animateur local du mouvement Black Lives Matter (La vie des Noirs est importante), il manifeste cet après-midi du 26 novembre devant la mairie de La Nouvelle-Orléans « contre ces menaces de régressions » que porte le champion élu de l’ultradroite. Dans la ville de Louis Armstrong émerge, de façon saisissante, les puissants atavismes de l’histoire « sudiste » du pays, vecteurs si importants de la résurgence des discriminations. Mais aussi la trace de ces divers mouvements de résistances qui ont, ici sans doute plus fort encore qu’ailleurs, fait irruption sur le devant de la scène nationale. Malcolm

Suber fut ainsi de tous les combats après les ravages de l’ouragan Katrina en 2005 sur les quartiers noirs les plus pauvres. Ghettoïsés ils furent littéralement abandonnés dans la tempête par des autorités « dépassées ». L’universitaire s’est engagé avec de nombreux autres militants, des citoyens de tous horizons, des intellectuels, des défenseurs des droits de l’homme, des Noirs, des Blancs, « le Coton, dans le combat « pour que justice soit faite » le sUCre, le mississipi et l’ex-prÉsident aux Africains-Américains et que cesse de JaCkson ont ContribUÉ, s’allonger cette morbide chronique de meurtres aU xixe sièCle, à faire de policiers à la gâchette aussi sensible que de la noUvelleorlÉans la Capitale de sélective (voir notre entretien). l’esClavage aUx ÉtatsCe combat-là a pris une dimension singulière, Unis », soUligne il y a un peu plus d’un an. Le 17 juin 2015, un l’historien george robert. jeune suprémaciste blanc faisait irruption, lourdement armé, dans une église d’un quartier noir de Charleston en Caroline du Sud et abattait de sang-froid neuf personnes dont le prêtre. L’église était célèbre pour son engagement jadis en faveur des droits civiques. L’identité du tueur, son culte de la domination blanche la noUvelle-orlÉans, septembre 2016. manifestation organisÉe par font découvrir au pays et au monde sidéré la « tolérance » JaCkson soit dÉsinstallÉe d’Une des plaCes de la ville. PhoTo GEraLD accordée aux contre-valeurs et aux traditions ouvertement ségrégationnistes dans les États du Sud. Sous pression, les autorités décidèrent de retirer le drapeau confédéré, leur l’une des principales places du centre-ville. Lui qui fut le emblème par excellence, qui flottait alors toujours face au chef suprême des armées confédérées gérait en Virginie une Capitole de l’État de Caroline du Sud. plantation qui faisait trimer près de 200 esclaves et il s’était montré inflexible, dans un débat préalable à la guerre de La statue du général Lee trône toujours Sécession, en prenant la tête de ceux qui s’opposaient catésur l’une des principales places du centre-ville goriquement à accorder le droit de vote aux affranchis. La cité des fêtes et des plaisirs, The Big Easy, porte alors Cette place Lee Circle est devenue le lieu de rendez-vous bien mal le sobriquet qu’on lui affuble si souvent. La Nou- privilégié des manifestations d’opposants à Donald Trump. velle-Orléans devient la capitale du... malaise national. « Pas seulement parce que nous craignons que l’administration Depuis des années, Malcolm Suber et ses amis y ont engagé du président élu n’entrave l’enlèvement décidé des monuments », un combat contre les monuments qui pullulent encore dans souligne un militant de Take ‘Em Down Nola. « Non, ajoutela ville à la gloire des esclavagistes. Leur mouvement, Take t-il, nous craignons un basculement dramatique et autoritaire ‘Em Down Nola (Descendez-les de La Nouvelle-Orléans – en faveur des nationalistes blancs. » D’aucuns, comme Philipp, Louisiane), a multiplié les rassemblements et les initiatives. ce prof rencontré le 26 novembre devant l’hôtel de ville, vont Ce qui ne provoque au mieux qu’une indifférence polie des jusqu’à pointer : « On n’est pas à l’abri de l’émergence, à la autorités. Après Charleston, le 17 juin 2015, le maire démo- suite de quelconques incidents, d’une dérive autoritaire, voire crate, Mitch Landrieu, décide qu’il ne peut plus ignorer la ouvertement néofasciste. » Sur la base d’un autre monument question. Une écrasante majorité du conseil de la ville vote confédéré, une main a écrit au lendemain de l’élection du 8 novembre : « Votre vote est un crime de haine. » l’enlèvement de quatre de ces monuments. La décision est aussitôt contestée devant les tribunaux par Les premières décisions prises par le futur locataire de la plusieurs associations dites de défense de l’histoire et du Maison-Blanche pour constituer son équipe gouvernementale patrimoine, noyautées en fait par des nationalistes blancs ne sont pas vraiment de nature à calmer ces angoisses. Ici ultraconservateurs. Depuis un an et demi, la décision des chacun connaît déjà les méthodes de l’homme qui a été élus de la ville est suspendue. En attendant le verdict d’une nommé chef stratégiste de la Maison-Blanche. Steve Bannon, cour d’appel fédérale. Le général Robert E. Lee trône donc qui fut le directeur de campagne du candidat de l’ultradroite, toujours au sommet d’une immense colonne grecque sur présidait aux destinées de l’agence de presse Breitbart.

Mercredi 14 décembre 2016 l’Humanité 23 la peur des musulmans « Sentir que je ne suis pas en sécurité sur ce campus n’est pas possible. » Nida Farhoud, manifestante musulmane à l’université Tulane de La Nouvelle-Orléans.

Reportage

« Il faut élever des digues avant qu’il ne soit trop tard » entretien Universitaire, Malcolm Suber est un militant

du mouvement de libération noire. Il est engagé dans tous les combats contre la ségrégation et pour la justice à La Nouvelle-Orléans. Envoyé spécial.

N

otre entretien a lieu dans un café sur Esplanade Avenue, à quelques encablures du quartier de Treme, haut lieu de résistance politique, musicale et sociale de la grande cité louisianaise.

Vous êtes devenu un des principaux porte-parole de la communauté africaine-américaine meurtrie par le passage de l’ouragan Katrina en 2005. C’est le cataclysme qui a précipité votre engagement ? malcolm suBer Non, j’étais déjà, de longue date, engagé dans le mouvement antiraciste pour la libération du peuple noir. L’urgence d’agir après Katrina a néanmoins bouleversé les choses et accentué ce besoin de mobilisation. Les populations noires, qui étaient déjà les plus démunies, peuplaient les quartiers les malcolm suber plus touchés. Elles étaient laissées à l’abandon par les autorités ou deanimateur du mouvement vaient entamer de véritables parBlack lives cours du combattant pour accéder matter aux aides, aux fonds de secours ou aux programmes d’indemnisation des victimes. Le plus terrible, c’est que, plus de dix ans après, bien des questions ne sont toujours pas réglées. La population africaineaméricaine de La Nouvelle-Orléans a diminué. Beaucoup de gens ne sont toujours pas revenus. le mouvement take ‘em down nola pour demander que la statue à la gloire de l’ancien président, l’esclavagiste andrew herberT/aP/SIPa

Laquelle s’est déchaînée à la fin du mois de septembre dernier contre des « émeutiers incultes ». Leur crime : participer à une manifestation antisuprémaciste à l’appel de Take’Em Down Nola. Celle-ci avait rassemblé plusieurs milliers de personnes dans le cœur historique de la ville. Dont certaines étaient venues avec leurs « bands », redoutablement armées de trompettes, saxos, clarinettes et autres guitares. « Suprême insulte à l’histoire », cette plèbe voulait rajouter Andrew Jackson à la liste des monuments incompatibles avec la dignité de la cité. Le septième président des États-Unis, fièrement dressé sur son cheval sur la place qui porte son nom, fut un esclavagiste notoire et l’auteur du massacre de quelque 5 000 Indiens qui avaient eu, au début des années 1830, le double mauvais goût de refuser leur déportation au-delà de la rive ouest du Mississippi et d’offrir l’hospitalité aux « Nègres marrons » qui fuyaient l’enfer des plantations.

«Il vaut mieux ne pas perdre un instant pour défendre nos droits et la démocratie »

Bannon, maître d’œuvre du populisme anti-establishment qui a tant contribué au succès de Donald Trump, défend un rapprochement avec ce qu’il a baptisé lui-même « l’alternative de droite » (alt-right). Ce mouvement qui, non seulement réhabilite sans complexe les valeurs sociétales les plus réactionnaires sur la peine de mort, l’avortement, le port d’armes, mais compte dans ses rangs les organisa-

tions suprémacistes les plus extrémistes (jusqu’à divers groupuscules néonazis et Ku Klux Klan) avec qui Bannon et l’agence Breitbart, intraitables contre les manifestants de La Nouvelle-Orléans, font preuve d’une hallucinante tolérance. « Quand de tels personnages s’annoncent, il vaut mieux prendre les devants et ne pas perdre un instant pour se mobiliser, défendre nos droits et la démocratie », souligne Philipp de Take ‘Em Down Nola. Un autre bras de fer est déjà engagé avec la ville sur l’immigration. Interrogé sur la chaîne de télévision CBS, le président élu a fait part de sa volonté d’expulser rapidement après son entrée en fonctions « 2 à 3 millions de clandestins ». Et pour y parvenir, il voudrait, compte tenu des moyens limités dont il dispose au niveau fédéral, mobiliser dans cette opération les forces de police locales. D’ores et déjà, plusieurs grandes villes dont La Nouvelle-Orléans ont juré – arguant que cette prérogative devait « rester sanctuarisée » – qu’elles refuseraient de lancer leurs policiers dans une immense chasse aux faciès. Trump et ses hommes ont aussitôt usé du chantage menaçant de couper les vivres fédéraux à ces villes rebelles. Ce qui serait une catastrophe pour La Nouvelle-Orléans, toujours assaillie après Katrina par d’énormes besoins d’investissements dans la reconstruction et les infrastructures. La ville est inquiète. Les plus militants de ses habitants sonnent la résistance. Bruno odent

Comment reliez-vous votre engagement d’alors avec celui d’aujourd’hui au sein de Black Lives Matter ? malcolm suBer On ne peut plus naturellement, hélas. Car on a assisté ici, dans la situation post-ouragan, aux premiers meurtres impunis de citoyens noirs par des policiers blancs. Dans le chaos qui régnait sur le terrain, les Noirs sans abri étaient tous suspects de vagabondage et de pillage. Et certains flics blancs se sont sentis l’âme de justiciers, organisant de véritables chasses à l’homme. Ce fut sanglant. Il n’y avait ni arrestation, ni sommation. Et cela a duré dans l’indifférence des autorités jusqu’à ce que nous parvenions à obtenir que l’un de ces policiers meurtriers soit traîné devant un tribunal. Que faire après l’élection de Trump ? malcolm suBer Il faut organiser la résistance. Le « wait and see » (attendre et voir), je ne le conseille vraiment à personne (sourire). Il faut élever des digues. Déjà la situation des populations noires n’avait pas cessé de se dégrader sous l’administration Obama. Une étude officielle montre que l’écart entre le revenu médian des Noirs et des Blancs s’est fortement détérioré, ces cinq dernières années, au détriment des premiers. Imaginez les conséquences avec un président qui a des sympathies avérées avec tous ceux qui souhaitent de près ou de loin une réhabilitation du suprémacisme blanc… entretien réalisé par B. o.

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Jun 15, 2007 - 3/2005. (64) Patent No.: 8,067,038. * cited by examiner. Issued: Nov. 29, 2011. _. App1_ NO;. 123,041,875. Primary Examiner * Michael Meller.

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Dec 22, 2000 - Lee et al., 1993 43rd IEEE Vehicular Technology Confer. 5,305,308 A ... dom Through Wireless Technology, PacTel Corporation,. 5,313,461 A ...

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Dec 14, 2012 - A long-felt but unful?lled need in the art is a system to reduce the transactional .... 1 (prior art) is an illustration of the current state-of the-art. FIG.

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Primary Examiner * John Strege. (64) patent NO':. 7'480'396. (74) Attorney, Agent, or Firm * Stevens LaW Group; David. Issued: Jan. 20, 2009. R Stevens.

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e?icient than opening many different ?les to “build-up” a speci?c con?guration of an .... desktop, portable, rack-mounted or tablet con?guration. Additionally, the ...

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Jul 5, 1995 - [57]. ABSTRACT. A synthetic color arrangement for a night vision inclusive .... and a power supply or energy source, 204, for the other FIG. 2 elements. .... tion provides an alternative and more informative output display for an ...

3 -l-l- 6
memory allocation functions, array of pointers, programming applications' pointers to ... Computer Programming & Data Structures, E Balagurusamy' 4'n edition ...

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PA (Us); P0111 strange, Princeton ... 2006, and provisional application N0~ 60/863,673, ?led 0n ... and device involve applying a Fourier approximation to.

vaiana-la-leacutegende-du-bout-du-monde--le-roman-du-film.pdf ...
vaiana-la-leacutegende-du-bout-du-monde--le-roman-du-film.pdf. vaiana-la-leacutegende-du-bout-du-monde--le-roman-du-film.pdf. Open. Extract. Open with.

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Assume that at certain temperature changes, ATL and ATS, louver 12 and shield 24 are coupled as shoWn in FIG. 3C. Louver 12 rotates through an angle 6L ...

( ) ( ) ( )L ( ) ( ) ( )L ( )
(a)Color source, (b)Photoshop Gray, (c)Color2Gray, (d)Proposed, (e)PCA Gray ... (c) Direct embedding (d) Poisson embedding (e) Photoshop Gray (f) PCA Gray.

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Jul 5, 2011 - YeW, ” Science 260Z214*216, Apr. 9, 1993. 2005'. Wani .... Sheet 16 0119 m. .ME iczea?m R: F3d. _ _ .O. _ u. 13. %. LOW w. G] | lw. [Fm m. U.

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Eric C. Hansen, Norfolk, VA (US). An unmanned ?oating platform is provided for continual ... (60) ggégisional application N°~ 61/005,117, ?led 011 MW 26,.

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Papadopoulos, C.V.; discloses heterogeneity of distributed databases. (73) ASSignee: ... protocol for main memory database systems Parallel and Distributed.

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Jul 20, 2006 - mation on a selected object in a selected program; a data processor Which receives broadcasting signals, selects and demodulates from the received broadcasting signals the selected program, and separates additional information from the