Lc 7 31 - Jugement de Jésus sur sa génération

« A qui donc vais-je comparer les hommes de cette génération? A qui ressemblent-ils? Ils ressemblent à ces gamins qui sont assis sur une place et qui s'interpellent les uns les autres, en disant : « Nous vous avons joué de la flûte et vous n'avez pas dansé! Nous avons entonné un chant funèbre, et vous n'avez pas pleuré! » Jean le Baptiste est venu en effet, ne mangeant pas de pain ni ne buvant de vin, et vous dites : « Il est possédé ». Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant et vous dites : « Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs! » » L'expression « Fils de l'homme » mérite qu'on s'y attarde car elle constitue une clé christologique. Dans le Nouveau Testament, Jésus aime se désigner en parlant du « Fils de l'homme » (Mt 8 20 par exemple). Cette expression ne se trouve que dans les lèvres de Jésus (hormis quatre exceptions). L'expression en araméen bar nasha' et en hébreu ben 'adam équivaut d'abord à « homme », souvent simple équivalent de « je », « moi ». C'est ainsi qu'Ézéchiel est appelé « Fils d'homme » par Dieu (Ez 2 1 par exemple). Cependant, à côté de ce sens ordinaire, un sens théologique prend place. Au chapitre 7 de Daniel, nous trouvons en effet une « Vision de l'Ancien et du Fils d'homme » où Daniel nous rapporte son songe (aux versets 13-14) : « Je contemplais, dans les visions de la nuit : Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d'homme. Il s'avança jusqu'à l'Ancien et fut conduit en sa présence. A lui fut conféré empire, honneur et royaume et tous les peuples, nations et langues le servirent. Son empire est un empire éternel qui ne passera point, et son royaume ne sera pas détruit ». Le livre de Daniel est écrit après la mort d'Alexandre le Grand (321). Pour mémoire, Alexandre a vaincu Darius III, roi des Perses à Issus en Syrie en 333. Il meurt à 33 ans à la tête du plus grand empire jamais conquis jusqu'alors. Il meurt jeune et surtout sans héritier évident (un enfant encore à naître et un demi-frère psychologiquement fragile). Tant et si bien que ce sont ses officiers qui vont se partager son empire. Deux d'entre-eux vont se partager l'Europe et deux autres l'ancien Orient. Ces quatre successeurs d'Alexandre sont connus sous le nom de diadoques (du terme grec qui veut dire "héritier"). En ce qui concerne l'histoire biblique, deux diadoques vont fonder des dynasties durables : les Lagides d'Egypte encore appelés les Ptolémés et les Séleucides de Syrie. Les juifs sont passés sous domination Lagide à la mort d'Alexandre. La Judée et la Samarie, autrefois province de l'empire perse appartenant à la Transeuphratène deviennent une province de l'empire lagide désormais appelée la Koilé-Syrie (la Syrie de l'intérieur). L'histoire va se répéter. De même que le pays de Canaan avait été autrefois objet de litiges entre l'Egypte et les empires mésopotamiens, la Koilé-Syrie va devenir une terre convoitée aussi bien par les Lagides que par les Séleucides. Plusieurs générations de rois vont se battre pour dominer cette province. En 200, le séleucide Antiochus III Mégas (le Grand) reporte une victoire décisive sur les Lagides à Panion (aujourd'hui Banias, aux sources du Jourdain). La Koilé-Syrie passe alors durablement dans le camp séleucide. Les juifs restés en Egypte resteront là, plus ou moins abandonnés, voulant se libérer de la tutelle Egyptienne, ils ont collaboré avec Antiochus III qui avait sa capitale à

Ninive, comme les Assyriens. Cette capitale assyrienne était autrefois tombée sous la férule babylonienne en -612, dix ans après la réforme de Josias (-622). Le livre de Jonas est écrit à cette époque(-200). Les modernes que nous sommes y lisons le cri d'un déprimé face à la fatalité d'une réalité qui bouleverse toujours nos projets. Mais derrière cette histoire héllénisée, sous forme de contes, de songes... se lit la volonté du peuple Juif qui ne voulait pas changer de Royaume, passer de la domination Lagide (Egypte) aux Séleucides (Syrie, capitale Ninive). Mais Dieu avait d'autres plans. Il voulait ce changement de domination et Dieu a dans l'idée de convertir Ninive. L'histoire du prophète Jonas raconte ce refus du prophète de partir à Ninive, puis le changement qu'il opère pour accomplir les desseins divins. Jonas arrivera à Ninive et y convertira sa population. Au delà des codes narratifs, ce livre témoigne d'un rêve sous Antiochus III : convertir Ninive. Mais cette histoire est sans lendemain... En 175, Antiochos IV modestement surnommé "Epiphane", c'est à dire "manifestation de Dieu" prend le pouvoir sur l'empire séleucide. L'épithète royale d'épiphanès (« qui se manifeste avec éclat ») marque la prétention du roi à être la manifestation terrestre de Zeus. C'est vers lui que vont se tourner les Tobiades. Antiochos IV est en proie à un double souci: d'une part, payer aux Romains de fortes sommes d'argent afin de s'acquitter de son tribu de vassalité, d'autre part, assurer la cohérence d'un empire regroupant de multiples langues et peuples. Pour ce faire, il va chercher à l'homogénéiser sous la bannière de la culture grecque. Cet Antiochus IV Epiphane va persécuter les juifs et récupérer les richesses que ces derniers versaient au Temple car les guerres de conquête avaient couté cher. Les juifs étaient revenus de l'Exil de Babylone suite à l'édit de Cyrus en -538 (Esd 1) et avaient pu profiter de la politique religieuse tolérante des rois Achéménides(dynastie commencée par Cyrus). Ils étaient repartis en Israël avec de l'argent, les trésors volés du Temple avec l'objectif de le reconstruire. Cyrus pensait aussi par là renforcer les troupes militaires d'Israël et par là s'assurer une armée conséquente quand il serait temps d'attaquer l'Egypte. Jonas à l'époque de Jésus est identifié avec le fils de la veuve de Sarepta ressuscité par Elie à l'époque de Jésus (courant apocalyptique). Jonas à l'époque de Jésus est Elie qui revient pour accomplir le rêve de Dieu qui va convertir Ninive. Mais l'époque de Jonas correspond surtout au calme avant la tempête. Juste après Jonas, on assiste au martyre des sept frères Maccabées à cause de la persécution d'Antiochus qui était d'une telle cruauté qu'elle s'étendait aux femmes et aux enfants. 2M 7 va mettre au jour le concept de résurrection en pleine persécution. Ce passage est contemporain du texte de Dn 7 sur « le Fils de l'Homme » écrit après la persécution. Depuis l'exil à Babylone, les juifs ont pris l'habitude d'introduire le chiffre 7 dans leurs écrits. En effet, la seule manière de garder son identité en pays ennemi quand le Temple était détruit et que les rois n'existaient plus était de se regrouper autour de codes identitaires avec notamment la semaine de sept jours. Le chiffre sept deviendra un chiffre symbolique, et c'est ainsi que dans cette histoire on a sept fils martyrs. Le milieu correspond au chiffre 4 que l'on peut entourer des jours 3 et 4, puis 2 et 5 et enfin 1 et 7. Quand on a un chiasme à 7 éléments, il est intéressant de s'attarder sur le chiffre quatre et le chiffre sept qui portent l'essentiel du message. Ainsi le quatrième fils est « soumit […] aux mêmes tourments et tortures. Sur le point d'expirer il s'exprima de la sorte : « Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l'espoir d'être ressuscité par lui, car pour toi il n'y aura pas de résurrection à la vie. » (2M 7 13-14). Le juif martyr ressuscitera, ce quatrième élément du chiasme pose le dogme de la résurrection. Mais

comment la justifier? C'est ici que le septième élément du chiasme intervient : « Antiochus se crut vilipendé et soupçonna un outrage dans ces paroles. Comme le plus jeune était encore en vie, non seulement il l'exhortait par des paroles, mais il lui donnait par des serments l'assurance de le rendre à la fois riche et très heureux s'il abandonnait les traditions ancestrales, d'en faire son ami et de lui confier de hauts emplois. »(2M 7 24). Antiochus essaie ensuite de mettre la mère de son côté mais celle-ci s'exprime « dans la langue de ses pères », c'est-à-dire l'hébreu, la langue religieuse par excellence du peuple Saint : « Mon fils, aie pitié de moi qui t'ai porté neuf mois dans mon sein, qui t'ai allaité trois ans, qui t'ai nourri et élevé jusqu'à l'âge où tu es. Je t'en conjure mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les as faits de rien et que la race des hommes est faite de la même manière » (2M 7 27-28). Nous trouvons ici la première occurrence d'une création à partir de rien, ex nihilo. En Gn 1, la création s'effectuait à partir du chaos initial, thème emprunté aux babyloniens et identifié au delta du Tigre et de l'Euphrate où prend place un combat permanent entre la mer et les fleuves. La création et la procréation ont été menées à la vie à partir de rien. La mère, animée par cette foi en un Dieu créateur capable de créer à partir de rien pourra exhorter son dernier fils à la confiance : « Ne crains pas ce bourreau, mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde » (2M 7 29). Celui qui a pu faire le monde de rien, qui a pu nous faire advenir à l'existence à partir de rien, peut faire d'un mort un ressuscité dans sa miséricorde. Celui qui montre son amour jusqu'à donner sa vie, Dieu ne peut pas ne pas le ressusciter. Au début, Dieu ressuscite ceux qui donnent toute leur vie, on ne croit qu'à la résurrection des martyrs. Puis dans un deuxième temps, cette résurrection sera généralisée. Si bien qu'à l'époque de Jésus, tous les pharisiens croient en la résurrection alors que les saducéens, le courant officiel de l'époque constitué de prêtres ne croit pas en la résurrection (Mc 12 18 : « Alors viennent à lui des Saducéens, de ces gens qui disent qu'il n'y a pas de résurrection »). Rappelons que les pharisiens se trouvaient dans le courant officiel et apocalyptique. L'expression « les scribes et les pharisiens » désigne les pharisiens du courant officiel. Mais la plupart des disciples de Jésus sont des pharisiens de type apocalyptique. Les pharisiens sont attestés depuis au moins -152. Ils sont en effet cités dans le 4QMMT (manuscrit retrouvé dans la 4ème grotte de Qumrân), où un texte nous dit : « Nous nous sommes séparés de tous les païens... et nous sommes allés à Qumrân... ». Les pharisiens se séparent pour vivre au désert, ce sont des apocalypticiens. Ce sont des prêtres en rupture, comme Jean-baptiste (son père était prêtre, il aurait du être prêtre...). Pharisiens cela veut dire parash nou, c'est-à-dire séparés. Mais à forces d'être dissidents, certains voulaient retrouver leur part dans la société. Les pharisiens officiels veulent remplacer le sacerdoce. Au désert, ils veulent attendre le messie d'Israël puis ils veulent revenir conquérir le Temple. En 70, quand les romains cassent le Temple, il n'y a plus de saducéens. De sorte, les pharisiens vont prendre toute la place. Quand on écrit l'Évangile en 70, les pharisiens ont toute la place et excluent les chrétiens de la synagogue. 2M a été écrit par les pharisiens de type apocalyptique. Aujourd'hui les juifs sont les héritiers des pharisiens qui ont remplacé les saducéens en 70 et croient donc en une résurrection. Le livre des Maccabées nous présente en somme une résurrection puisque Dieu ne peut pas ne pas ressusciter ceux qui donnent leur vie par amour de ses lois, les martyrs (marturein en grec signifie témoigner, on comprendra plus tard qu'il n'y a pas nécessairement besoin d'être persécuté pour

témoigner et donc pour être ressuscité). L'écueil de cette théologie de la résurrection est que cette dernière apparaît contrôlable, certaine (2M 7 14 où le quatrième fils est sûr de sa résurrection et de la condamnation de son bourreau), Dieu partage son privilège de « sonder les reins et les cœurs » (Ps 7 10). Une théologie concurrente se développera à la même époque sous l'égide du prophète Daniel pour qui on ne peut pas savoir qui sera ou non ressuscité. On apprend ainsi qu': « un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s'éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l'opprobre, pour l'horreur éternelle. » (Dn 12 2). La résurrection n'est pas contrôlable mais apparaît une certaine eschatologie (eschatos en grec signifie la fin, il y a bien ici un discours sur une certaine fin) esquissant à gros traits un jugement dernier. Seul Dieu peut savoir qui va ressusciter. Notons bien que l'idée de jugement existait avant Daniel. En effet, quand on faisait alliance on enterrait chacun chez soi les termes de l'alliance sur des pierres, puis l'année d'après le vainqueur revenait et voyait si les clauses du contrat étaient remplies ou non. Si les clauses étaient remplies, la vie était laissée, sinon la mort s'en suivait. Le jour de la pacade correspond à ce jour de la visite. Mais ce n'est pas un jugement dernier. C'est un jugement lors de la visite du vainqueur. On a retrouvé les codes d'alliance néoassyriens de l'époque d'avant Josias, époque de rédaction de la Bible. Ces traités d'alliance ont influencé la rédaction de la Bible et ont modifié la perception de la relation entre Dieu et son peuple (voir la visite de Dieu à Adam dans Gn 3 8sq, texte écrit un peu après Manassé ou le Dt...). Josias (622) tenta de formuler le nouveau credo de sa réforme en prenant exemple sur les traités néo-assyriens qui régissaient les rapports entre vainqueurs et vaincus. Leur structure était constante : prologue historique, engagement général d'amour réciproque, stipulations particulières détayant droits et devoirs, bénédictions et malédictions sanctionnant la bonne application de la loi lors du jour de la pacade (jour de la visite annuelle). Le Deutéronome adoptera la structure générale de ce modèle, ainsi que le code de Sichem (voir J. Bernard Les fondements bibliques p161sq). Ce modernisme risquait de réduire la relation d'Israël à son Dieu à une relation de vassalité. En rédigeant l'alliance ainsi, ne risquait-on pas de gommer le Dieu des Pères toujours attentif aux besoins de son épouse dans le désert hostile? Les persécutions ont donc déclenchées deux théologies de la résurrection différentes : les ressuscités sont dors et déjà connus (2M 7) ou alors seul Dieu les connait (Dn 12) grâce aux « livres [..] ouverts » (Dn 2 10). Le Fils de l'Homme va juger devant Dieu. Les livres ouverts nous plongent en pleine apocalyptique. On ne peut pas savoir dès maintenant qui est fidèle. Il faut une révélation. La bête tuée fait référence à Antiochus IV. Ce fils de l'homme qui remonte auprès de Dieu pour juger les peuples, c'est le martyr qui juge à son tour ceux qui l'ont condamné. Une interprétation collective voit dans le Fils de l'homme les saints du Très-Haut(v18). Un autre sens est possible, personnel, ainsi qu'en font foi les anciens textes juifs apocryphes inspirés de ce passage : Hénok et IV Esdras, comme aussi l'interprétation rabbinique la plus constante et l'usage qu'en fait Jésus en se l'appliquant à luimême (Mt 8 20). Vous avez eu Jean-baptiste perçu comme Élie par ses fidèles, mais comme un Élie de fin du monde, il ne mange pas de pain, pas de vin. Il ne fait pas les rites d'une présence de Dieu déjà réalisée (Qumrân). Jésus lui annonce que Dieu fait irruption dans le monde. On peut donc partager le pain et

le vin avec les anges, célébrer les nouvelles noces. La génération de Jésus n'a pas voulu de l'apocalyptique de fin du monde, lui il apporte l'irruption dans le présent du Royaume de Dieu qui libère de Satan, qui donne la manne, le banquet du Royaume, la joie des noces retrouvées mais ce Royaume est refusé. Il ne leur reste plus qu'à se contenter de leur judaïsme officiel qui n'accepte rien venant du ciel. Un des signes principaux que Jésus célébrait l'eucharistie tous les jours est qu' « est venu le Fils de l'homme, mangeant et buvant et vous dites : voici un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs » (Lc 7 34). Jésus vient restituer l'innocence originelle. Jean-baptiste annonçait la fin du monde, c'est une apocalyptique de fin du monde. Jésus annonce lui une apocalyptique de réalisation aujourd'hui de la transfiguration du monde. Pour quel type de résurrection est-il? En tant que Fils de l'homme, il vient du ciel, faire notre jugement, mettre le jugement du monde sur la terre. Daniel disait que nous n'avions pas prise sur la résurrection car tout était scellé et le Fils de l'homme a accès à cette vérité dans son martyr. Jésus nous annonce au contraire que les livres ne sont plus scellés, il nous les explique car il est lui même la nouvelle Torah (Mt 5, sermon sur la montagne). Jésus ouvre un troisième type d'apocalyptique correspondant à l'apocalyptique de Daniel réalisée maintenant, une apocalyptique dévoilé alors que pour Daniel, il fallait attendre d'être mort pour que le dévoilement s'opère. Avec Jésus, le Fils de l'homme vient et partage avec nous le pain et le vin, il n'est plus caché. Dans le Christianisme, tout est donné dans le Christ. Il n'y a pas de grand soir, il n'y a pas de fin du monde. Tout est donné dans le Christ. Epitre aux Thessaloniciens 4 14 « Puisque nous le croyons, Jésus est mort puis ressuscité. De même ceux qui se sont endormis en Jésus, Dieu les emmènera avec lui. Voici en effet ce que nous avons à vous dire sur la parole du Seigneur. Nous les vivants, nous qui serons encore là pour l'Avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui seront endormis. » . Dans le christianisme, il n'y a pas de temps eschatologiques. L'eschatologie est réalisée, sinon cela veut dire que Jésus est venu mais qu'il n'a pas tout accompli, et qu'il faut donc attendre quelqu'un d'autre qui fasse mieux que Jésus. Dans le livre de l'Apocalypse Jésus est l'alpha et l'oméga (Ap 8 1). Le grand soir de l'oméga n'est plus à attendre, c'est le Christ. Les modernes que nous sommes ont tendance à avoir une lecture marxiste de l'apocalypse. On attend des lendemains qui chantent... On passe notre vie à faire des projets sans arriver à saisir la plénitude de l'instant présent. Jésus, c'est la fin de l'exitus-reditus, en Jésus tout est là, alpha et oméga. Augustin parle d'exitus-reditus car c'est le langage de son temps, mais il le corrigeait, en disant que Jésus est tout, l'Église est la cité définitive. Ceux qui ont fini d'accomplir leur baptême, Dieu les prend avec lui. Nous les vivants, nous qui sommes encore là pour l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui sont endormis. Nous les vivants qui sommes dans le Seigneur, on ne sera pas avant ceux qui sont déjà morts, … Car le Seigneur descendra du ciel (1 Th 4 16). Monté au ciel où tout est fini, il nous accompagne sur la terre. Les morts qui sont dans le Christ ressusciteront en premier lieu. Tout est donné dans le Christ. Les vierges folles et sages attendent le maitre du retour des noces, ces dernières sont accomplies (Lc 12 35-38), tout est fait en Jésus. Mais ce n'est pas parce que le festin est fait que les invités ont fait le pas d'y aller. Ce n'est pas parce que le festin royal est donné dans

le Christ que nous y sommes entrés, que nous avons accepté la noce nuptiale. Dans les noces juives, on vous offre la robe quand vous entrez, pour dire que vous êtes d'accord avec ce qui se passe. Celui qui n'a pas le foulard, doit être mis dehors. La parabole du festin nuptial en Mt 22 1-14 l'illustre. Et Jésus meurt... avant que tout le monde ait pu rentrer au banquet. Faut-il un autre Jésus? Qu'il ne meurt pas cette fois s'il est Dieu (islam)! Ou bien dans sa mort, il nous pardonne le refus qu'on a fait de lui. Si n'étant pas encore entré aux noces à cause de nos péchés, les noces ne sont pas encore finies, c'est de notre côté qu'elles ne sont pas finies. Pour Jésus, tout est prêt. Les noces sont finies, mais le pèlerinage du retour des noces n'est pas encore fini, et nous y sommes. Comment pouvons-nous nous trimbaler avec nos péchés vers les noces? En nous plongeant dans la mort du Christ. L'église réinstitue donc des baptêmes. Pour les baptisés, qu'est-ce-que le jugement dernier? Qui va nous dire à notre mort si on a vraiment la robe nuptiale? A la fin des temps, alors que tout est donné, celui qui est mort sur la croix peut nous dire personnellement : « je t'avais tout donné, tout pardonné, tu avais tout à ta disposition dans le baptême, et toi tu as mis du temps à venir ». Sur la croix, tout est achevé (Jn 19 30), Jésus rend l'esprit (Esprit Saint), la trinité est présente sur la croix. Les noces sont faites et totales mais pour nous, nous sommes encore les pèlerins du refus... il y aura une fin pour nous. Aujourd'hui, on nous confond nous hommes dans le temps avec Jésus ayant tout achevé. On entraine Jésus dans notre chute. Le jugement dernier est dernier pour nous, et le Christ pour qui tout est fini accepte que nous prenions du temps pour venir... Il rentre dans notre eschatologie. Jésus est sur la croix dans la présence trinitaire totale. C'est nous qui avons pris du temps pour arriver au Royaume. Mais pour lui, ce temps n'existe pas car il a tout donné. Il est oméga mais il accueille dans son amour que nous prenions du temps. Le don n'est pas encore totalement accueilli, mais il accepte. Le malin empêche que le don soit totalement accueilli sur la terre, car s'il a pu nous déloger de notre parfaite harmonie originelle, il peut encore nous déloger maintenant (voir Rm 7 15 « Je ne fais pas le bien que je voudrais faire... ») Qu'est-ce qui nous autorise à faire le même raisonnement pour l'alpha? Si tout est réalisé en Lui, je peux relire toutes les écritures, depuis Adam, en Lui. « Avant fondation du monde, nous étions déjà saints et immaculés en sa présence dans l'amour» (Ep 1 4), on était déjà dans la trinité avant la fondation du monde, on était déjà présents dans le Christ du Royaume. Avant la fondation du monde, le Royaume était déjà achevé sur la croix. Le temps humain est limité, infirme, qu'est-ce-que nous pouvons percevoir de l'espace-temps à travers la lumière qui nous en donne les instruments de mesure? On perçoit environ 5% de la réalité. 95% de notre univers (trou noir...) nous est inconnu. Qu'est ce qu'il y a comme temps au delà de notre contrée? Quel est le temps des trous noirs? Il ne peut pas être un espace temps. Il y a trois possibilités pour ce temps : le hasard, le chaos, ou l'amour. Le temps de l'amour, c'est à dire le temps trinitaire échappe totalement à notre alpha et oméga. Quand Dieu se regardait avant fondation du monde (il se regarde car il est amour et il se regarde pour dialoguer), il lui faut un autre pour son amour (Ep 1 4). En cherchant un partenaire, il nous voyait déjà en quelque chose de lui qui parce qu'il nous ressemblait pouvait s'appeler fils. Il n'y a pas de trinité sans nous à qui il a déjà tout pardonné, donc on est sur la croix. La trinité nous est

révélée sur la croix.

Ouverture spirituelle : Le judaïsme marche sur une patte, Daniel sur une aile dans le ciel, les Chrétiens sur deux pattes et deux ailes.

La résurrection Le concept de résurrection émerge donc en pleine persécution Séleucide sous Antiochus IV Epiphane. Auparavant, Israël croyait à une destinée commune pour les bons comme pour les impies : le shéol. Ce mot d'origine inconnue désigne les profondeurs de la terre, où les morts descendent. Le psalmiste en fait un lieu éloigné de Dieu (« Car dans la mort, nul souvenir de toi : dans le shéol, qui te louerait? » (Ps 6 6), mais c'est Dieu « qui fait mourir et vivre, qui fait descendre au shéol et en remonter » (1S 2 6). Autrement dit la puissance de Dieu s'exerce même dans ce lieu désolé. Il n'y a pas de rétribution outretombe. La récompense de la fidélité à la Torah s'exerce maintenant sur terre. La rétribution deutéronomiste était collective, cumulative et différée, c'est-à-dire que les fils pouvaient payer pour les fautes des pères. Puis une autre théologie de la rétribution se développera sous Ézéchiel, cette dernière sera individuelle et immédiate (Ez 18 19). Les signes de la bénédiction divine devaient se faire sentir sur terre. Cependant, la réalité réveillait l'indignation du juste face à l'impie : « Pourquoi la voie des méchants est-elle prospère? Pourquoi tous les traîtres sont-ils en paix? Tu les plantes, ils s'enracinent, ils vont bien, ils portent du fruit. » (Jr 12 1-2). Jérémie est le premier à développer dans l'Ancien Testament ce thème du bonheur des méchants qui sera repris dans les psaumes. Petit à petit, le drame des impies qui semblent mener une vie tranquille faisait crier les fidèles juifs et une nouvelle espérance allait naitre « car tu ne peux abandonner mon âme au shéol, tu ne peux laisser ton fidèle voir la fosse » (Ps 16 10). Job le juste ne semblait pas pouvoir bénéficier de cette bénédiction terrestre. Les anciennes théologies de la rétribution semblaient s'écrouler. Le deutéro-Isaïe, écrivant alors qu'Israël est sous la férule Babylonienne entre -550 (premières victoires de Cyrus) et -538 (edit libérateur de Cyrus) développera la figure du serviteur souffrant (Is 53, 5) et l'on découvrira alors que les souffrances du juste peuvent sauver les pécheurs, ce serviteur finira sa vie rejeté par tout le monde (contrairement à Job qui retrouvera un certain niveau de vie). C'est sur cet arrière-fond qu'il faut situer notre propos sur la résurrection (Dn et 2M).