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Histoire de l’Iran : la pérennité du caméléon

Cours 1

Des origines nomades (-2e et -1er millénaires)

Géographie : montagnes bien arrosées et plateaux arides La République islamique d’Iran se trouve en Asie du sud-ouest. Elle a des frontières communes avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan au nord, l’Afghanistan et le Pakistan à l’est, l’Irak et la Turquie à l’ouest. Deux grandes chaînes de montagnes dominent le pays: le Zagros à l’ouest et l’Elbourz au nord. Au centre se trouve un haut plateau. Le littoral de la mer Caspienne et la chaîne du Zagros sont bien arrosés alors que le plateau central est désertique. D’ailleurs, la soif a décimé l’armée du fameux conquérant Alexandre le Grand alors qu’elle traversait le sud de la Perse en -325. Il y a très peu de rivières navigables dans ce pays. Le transport s’y fait donc par voies terrestres. La superficie de l’Iran est sensiblement la même que celle du Québec. Sa population est cependant beaucoup plus élevée et le nombre d’habitants au kilomètre carré est dix fois plus élevé. La croissance démographique y est extrêmement rapide. La répartition de la population iranienne est très inégale. Alors que la région de Téhéran est très densément peuplée, les plateaux centraux ont une densité de population similaire à celle de la Gaspésie. La langue officielle de l’Iran est le farsi, originaire du Fars dans le sud-ouest du pays. Le farsi est la langue maternelle de 61% des Iraniens. 18% parlent une des langues turques et 10% le kurde.

Perse ou Iran? Les Européens utilisaient le mot ‘Perse’ mais les Iraniens eux-même appelaient leur pays “Iran.’ Ce nom signifiait probablement ‘noble’ dans la langue proto-iranienne. En 1935, le shah Reza a exigé que les diplomates étrangers utilisent le nom ‘Iran’ plutôt que ‘Perse.’ C’était pour ce roi une façon de se distinguer de la dynastie précédente des Qajar, reconnue pour être particulièrement inefficace.

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La mère-patrie du vin La plus ancienne jarre ayant contenu du vin a été découverte à Hajji Firoz Tepe. Les parois de la poterie portent des traces de résidu de raisins mais aussi de térébenthine, probablement utilisé à des fins de conservation et pour ajouter de la saveur. Hajji Firoz Tepe est situé dans l’Azerbaïdjan iranien, dans le nord-ouest du pays. Le site contient les vestiges d’un village néolithique habité dans la deuxième moitié du – 6e millénaire.

Qanat : ou comment extraire l’eau de la pierre Les plus anciens qanats datent du début du -1er millénaire. Un qanat est un système d’irrigation composé de plusieurs puits verticaux reliés par un tunnel conduisant l’eau des montagnes vers les plaines arides mais fertiles grâce à l’irrigation. La construction d’un qanat était un investissement considérable en temps et en énergie. Par contre, c’était un système d’irrigation beaucoup plus efficace et exigeant beaucoup moins d’entretien que ceux utilisés à la même époque en Mésopotamie. L’évaporation était pratiquement nulle, la salinisation des sols minime et les qanats n’étaient pas sujets aux destructions dues aux guerres.

Avant les Perses, les Élamites L’Élam était une culture pré-iranienne localisée dans ce qui est aujourd’hui le Fars et le Khūzestān, deux provinces du sud-ouest de l’Iran. Cette culture a conservé ses traits distinctifs pendant 2 500 ans. Les Élamites appelaient leur pays Haltamti, terme que les Mésopotamiens et plus tard les Hébreux ont déformé en ‘Élam.’ Haltamti signifiait peut-être ‘Les Hautes Terres.’ Une écriture élamite est apparue vers -3400, peut-être même avant celles utilisées en Mésopotamie et en Égypte. L’écriture proto-élamite est encore mal comprise. Elle a été abandonnée au -18e siècle pour être remplacée par l’écriture cunéiforme des Mésopotamiens. Une dynastie originaire du Shimashki, dans le nord de l’Élam, a dominé ce royaume à partir de vers -2200 pendant environ trois siècles. Cette dynastie a conquis et détruit la célèbre cité d’Ur, d’où aurait été originaire Abraham. L’Élam a connu son apogée entre le milieu du -15e siècle et la fin du -12e siècle. Lors du -13e siècle, l’Élam rivalisait avec la Babylonie et l’Assyrie pour le contrôle des routes commerciales passant par l’est de la Mésopotamie.

Les migrations indo-européennes

3 Le plateau iranien est peuplé depuis -100 000. Les populations parlant des langues indo-européennes sont arrivées tardivement dans cette région du monde, vers -1000. Des recherches portant sur l’ADN de diverses populations révèlent que les patrimoines génétiques demeurent généralement stables malgré les migrations. Les immigrants indo-européens étaient probablement peu nombreux comparés aux populations autochtones.

Les Mèdes et la fin de la toute puissante Assyrie La première mention des Perses et des Mèdes apparait sur une stèle assyrienne qui date de -825. Cette inscription énumère annuellement les principaux faits d’arme du roi assyrien Salmanazar III. Dans le paragraphe correspondant à notre année -836, il est dit que les Mèdes et les Perses (Parsua) ont payé tribut au roi assyrien. Les Mèdes vivaient au nord-ouest de ce qui est maintenant l’Iran alors que les Perses vivaient plus au sud, dans le Zagros. Les Élamites vivaient surtout sur les contreforts occidentaux du Zagros. L’empire assyrien a dominé le Proche-Orient du -9e au -7e siècle. Il s’étendait du golfe Persique à l’Égypte. L’Assyrie s’est rapidement affaiblie après la mort d’Assurbanipal dans le dernier tiers du -7e siècle. Les Mèdes et les Babyloniens lui ont donné le coup de grâce en -612 en prenant Ninive, la capitale assyrienne. Suite à la victoire contre l’Assyrie, l’empire des Mèdes s’étendait de ce qui est aujourd’hui le Pakistan à l’est jusqu’à l’Anatolie à l’ouest.

Nos racines zoroastriennes L’Avesta est le recueil des textes sacrés de la religion mazdéenne. Ils ont été couchés par écrit sous la dynastie des Sassanides (224 – 651). Le plus vieux manuscrit de l’Avesta qui a survécu jusqu’au 21e siècle date de 1245. Les textes les plus archaïques de l’Avesta sont les Gathas, des hymnes qu’aurait chantés Zarathoustra (francisé en Zoroastre). Il n’y est fait aucune mention des Perses ou des Mèdes, ce qui donne à penser que les Gathas reposent sur une tradition orale datant d’avant l’arrivée des Perses sur le plateau iranien, peut-être entre -1200 et -1000. Zarathoustra est le prophète et fondateur de la religion mazdéenne. Selon l’encyclopédiste romain Pline, Zarathoustra n’a pas pleuré mais plutôt rit à la naissance. Selon l’Avesta, il a reçu l’illumination concernant le dieu Ahura Mazda à l’âge de 30 ans. Il a été tenté par Ahriman, l’esprit démoniaque ennemi du dieu Ahura Mazda. Les dieux plus anciens qu’Ahura Mazda, tels Mithra et Anahita, ont été recyclés en archanges et en anges. Le concept de messie est apparu dans la religion mazdéenne avant -600. Ce fils d’Ahura Mazda, Saoshyant, naîtra d’une vierge et il apportera avec lui la perfection et la résurrection des morts. Platon a été influencé par le mazdéisme.

4 Pour les zurvanistes, une branche dissidente du mazdéisme, Zurvan est le dieu créateur. Il a engendré les jumeaux Ahura Mazda et Ahriman. L’élite juive a été exilée en Babylonie en -586 suite à la prise de Jérusalem par le roi Nabuchodonosor II (-605 - -562). Ces Hébreux ont été libérés de leur exil par les Perses qui avait vaincu Babyloneen -539. Avant d’entrer en contact avec les Perses, il semble que les Hébreux ne croyaient pas en l’au-delà. Le mazdéisme fut donc une inspiration majeure du judaïsme.

Les Achéménides et le plus grand empire du monde (-550 – -490)

Les Mèdes puis les Perses Les historiens grecques Hérodote et Ctésias ont écrit que la Perse était un État vassal des Mèdes. Cependant, aucun texte contemporain ne corrobore cette affirmation. Toujours selon les sources grecques, le roi mède Astyages a attaqué le roi perse Cyrus, possiblement pour freiner l’expansion perse. Il a cependant été vaincu et Cyrus a hérité de l’empire mède et a opéré la fusion des ethnies mède et perse. Les Grecs du -5e siècle ne faisaient d’ailleurs aucune distinction entre ces deux peuples.

Cyrus et l’art des accommodements raisonnables Dans sa propagande, le roi Cyrus mettait beaucoup d’emphase sur sa magnanimité plutôt que sur la terreur, ce qui tranchait d’avec la rhétorique agressive des rois mésopotamiens. Cette relative douceur était peut-être due à l’influence du zoroastrisme.

De l’Égypte aux Indes Cyrus est mort en -530 en combattant dans l’est de son empire les Massagètes de la reine Tomyris. Le corps de Cyrus a reposé dans une sépulture à Pasargades, une pratique qui cadre mal avec ce que nous connaissons du mazdéisme qui voulait éviter la pollution du sol en exposant les cadavres au sommet de tours afin d’être consommés par les oiseaux. Les femmes étaient généralement exclues de la sphère politique dans la Perse achéménide. Cependant, comme l’empire était décentralisé, les royaumes vassaux jouissaient d’une large autonomie interne. Quelques-uns de ces royaumes étaient dirigés par des reines. Cambyse a succédé à son père Cyrus. Le fait marquant de son règne fut la conquête de l’Égypte qui va devenir la province la plus riche de l’empire suite à son agriculture exceptionnellement productive. Ce texte égyptien décrit Cambyse comme un roi respectueux des traditions locales. En cela, il contredit l’historien grec du -5e siècle Hérodote qui a plutôt décrit son administration de l’Égypte comme étant tyrannique.

Darius : redresseur de torts ou usurpateur?

5 L’inscription de Behistun utilise l’écriture cunéiforme pour transcrire en trois langues un message destiné aux dieux et à la postérité. Le roi Darius y justifie sa prise du pouvoir illégitime. Cambyse II aurait assassiné secrètement son frère Bardiya, soit avant de se lancer à la conquête de l’Égypte selon Darius, soit durant cette campagne via un agent secret selon Hérodote. Un mage du nom de Gaumata aurait prétendu être Bardiya et se serait proclamé roi pendant l’absence de Cambyse. Ce dernier a alors entrepris de retourner en Perse mais il est mort pendant le voyage. Avant de mourir, il aurait admis son crime pour contrecarrer les prétentions au trône de Gaumata. De nombreux historiens croient que Darius était en fait un usurpateur qui a tué le véritable Bardiya qui venait de succéder à son frère Cambyse. L’histoire de Gaumata aurait été créée de toute pièce pour légitimer sa prise du pouvoir. Il semble que ce Gautama/Bardiya était intolérant en matières religieuses. Le coup d’État de Darius aurait ramené la pluralité religieuse à la cour. Le premier édit de Bardiya/Gaumata a aboli la conscription et a suspendu les taxes pour trois ans. Les taxes et la conscription étaient donc des problèmes pour des sujets influents de l’empire. Behistun se trouve près de Kermânchâh, une étape sur une des branches de la ‘Route de la Soie.’ Behistun est depuis 2006 sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. Darius a eu à faire face à des soulèvements dans la première année de son règne. Il a vaincu ces rebelles avec le support de nobles qui s’étaient sentis marginalisés dans cet empire en croissance rapide.

Un empire aux multiples capitales Les satrapies étaient des postes héréditaires dans l’empire perse. Les satrapes étaient donc des rois locaux alors que Darius était le roi des rois. Son empire avait cinq capitales. Ecbatane était l’ancienne capitale des Mèdes. Pasargades a été fondée par Cyrus en -546. Elle était la capitale dynastique des Achéménides. Le site, aujourd’hui inhabité, est sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2004. Suse, l’ancienne capitale des Élamites, devint la capitale principale de l’empire perse à partir du règne de Cambyse II (-530 - -523). Le site est toujours habité aujourd’hui. La ville iranienne de Shush compte environ 65 000 habitants. Persépolis fut peut-être construite pour les célébrations liées au festival de Noruz, l’équinoxe du printemps et le nouvel an perse. Les reliefs montrant le roi recevant des cadeaux réfèrent peut-être à des démonstrations annuelles de loyauté et d’hommage au monarque. Ce qui est certain est que Persépolis était la capitale religieuse de l’empire. Des milliers de tablettes furent découvertes sur le site de Persépolis. Elles révèlent que, bien que des pièces d’or et d’argent étaient en circulation, la plupart

6 des taxes et salaires étaient payés en nature. Cependant, ces tablettes, souvent écrites en élamite, ne couvrent que la période allant de -509 à -494. L’empire achéménide n’a laissé que peu de documents écrits. Les Magi, les prêtres perses, considéraient peut-être l’écriture comme sacrilège. D’autres érudits pensent plutôt que l’élite perse associait l’écriture à la civilisation décadente de la Mésopotamie et rejetaient par conséquent la culture littéraire. Babylone était à l’époque achéménide l’une des plus grandes villes au monde avec une population d’environ 200 000 habitants.

La Route Royale : de Suse à Sardes en quelques jours La construction de la route royale perse avait débuté à l’époque de l’empire assyrien mais fut complétée sous le règne de Darius 1er. Elle était longue de presque 2700 kilomètres. Elle était jalonnée de 111 haltes routières avec au maximum une distance de 30 kilomètres entre chaque. Il fallait environ 90 jours pour marcher de Suse à Sardes mais un coursier avec des chevaux frais à chaque étape pouvait parcourir la distance en seulement sept jours.