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SAINT GREGOIRE PALAMAS ( VERS 1296 + 14 NOV. 1359). A. BREVE BIOGRAPHIE : Dans le calendrier de l’Église, la mémoire de saint Grégoire Palamas – ou saint Grégoire de Thessalonique - est célébrée à deux reprises : lors de la commémoration de sa mort, le 14 novembre, mais aussi le second dimanche de Carême. Le premier dimanche du Carême, nous célébrons la restauration de la vénération des saintes icônes, qui fut le fait du Concile de Nicée II en 843, à la fin de la période iconoclaste. Ce dimanche est connu sous le nom de « dimanche de l’Orthodoxie ». Si la fête de saint Grégoire se situe le dimanche suivant, ce n’est en aucun cas un hasard, mais témoigne du fait que sa défense du caractère divin et incréé de la lumière du Thabor, et la victoire remportée sur les hérétiques de son époque comme Barlaam, Akindynos, Grégoras etc. fut ressentie comme la continuation directe de la célébration précédente, c’est-à-dire comme un véritable triomphe de l’Orthodoxie. Grégoire naquit dans une grande famille de Constantinople, qui était proche de la maison impériale, son père fut un ami personnel de l’empereur Andronic II et le tuteur du futur empereur Andronic III. Dans sa jeunesse Grégoire bénéficia pendant un temps de la direction spirituelle de Théolepte de Philadelphie. Après la mort de son père, il abandonna une carrière mondaine prometteuse, vers 1316, et âgé de vingt ans, il se rendit au Mont Athos, accompagné par deux de ses frères, ses deux sœurs et de nombreux domestiques, qui entrèrent quant à eux dans des monastères de Thessalonique. Il resta pendant environ vingt ans sur le Mont Athos, mais pendant une période de six ans il dût quitter la Sainte Montagne en raison des incursions des Turcs, et il se rendit dans une grotte dans les environs de l’actuelle Véria (Bérée). Mis à part une courte période où il vécut en cénobite, il choisit – comme Grégoire le Sinaïte – de vivre la vie hésychaste dans de petits ermitages. La règle de vie de Palamas était de rester cinq jours par semaine dans une solitude totale, et de rejoindre la communauté lors des célébrations de la liturgie ainsi que des autres offices du samedi et du dimanche. Durant cette période il écrivit la Vie de Pierre l’Athonite, qui est son premier écrit, son Traité sur la présentation de la Vierge au Temple et peut-être les Chapitres la pureté du cœur la prière ainsi que la réponse à Paul Asen sur grand habit. Vers 1335 il accepta brièvement la charge d’higoumène du monastère d’Esphigménou qui abritait alors 200 moines. À Constantinople en 1333-1334 des discussions théologiques firent relancées par deux légats envoyés par le pape en vue d’une nouvelle tentative d’union des Églises. Ces durant ces négociations que furent rédigés les deux Traités démonstratifs sur la procession du Saint-

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Esprit. Barlaam y était le représentant du patriarcat de Constantinople : deux points firent réagir Palamas, car ils risquaient d’aboutir à un compromis d’union avec les Latins qui serait en leur faveur. Selon Barlaam l’expression de Grégoire de Nazianze « Principe issu du Principe », appliquée au Fils lui paraissait favorable au Filioque. De plus Barlaam affirmait l’impossibilité de connaître Dieu de manière apodictique, c’est-à-dire démonstrative ou probante. Il rejetait l’usage de la démonstration en théologie et concluait à la vanité des discussions sur le Filioque. Palamas écrivit alors à son ancien ami Grégoire Akindynos qui était aussi ami de Barlaam. Akindynos et Barlaam répondirent alors à Palamas, l’un de façon modérée et l’autre de façon ironique. Palamas leur répondit en dénonçant l’influence de l’hellénisme profane chez le moine calabrais. Celui-ci changeant de sujet, attaqua la spiritualité hésychaste affirmant que la lumière vue par les hésychastes, n’était pas la lumière incréé, mais une manifestation lumineuse créée Il ridiculisait aussi la méthode de prière utilisée par certains moines, les surnommant « omphalopsychoi », c’est-à-dire : ceux qui placent leur âme dans le nombril. Bien qu’il eût préféré rester dans son ermitage, saint Grégoire se sentit obligé d’intervenir pour défendre l’orthodoxie et la tradition spirituelle du Mont Athos. Il quitta donc la Sainte Montagne et s’installa pendant trois ans à Thessalonique où il écrivit les Triades pour la défense des saints hésychastes, la polémique se développa. Le point de vue de Grégoire fut confirmé par le Concile de Constantinople en 1341 présidé par Andronic III et le patriarche Jean Kalékas. En définitive, Barlaam se retira en Occident où le pape le nomma évêque de Gérace en Italie. Mais la controverse ne s’arrêta pas là, elle continua encore six ans (1341-1347). Désormais politique et théologie se mêlèrent. Les principaux adversaires durant cette période fut son ex ami et disciple Grégoire Akindynos et le savant humaniste et homme d’état Nicéphore Grégoras. Après bien des péripéties que je vous passe, la position doctrinale de Palamas fut réaffirmée. Le 12 février 1347 le Tome synodal de 1341 fut confirmé, puis un nouveau concile tenu à Constantinople confirma les Tomes de 1341 et de 1347. Mais dès 1347, un nouvel adversaire, le philosophe Nicéphore Grégoras se manifesta et deux Conciles qui eurent lieu en 1351, confirmèrent la doctrine de Grégoire Palamas, et notamment la distinction entre l’essence et les énergies incréées ; le Tome Synodal, proclamé le 15 août entérina leurs décisions et excommunia tous ceux qui n’acceptaient pas la doctrine défendue par Grégoire Palamas comme conforme à l’orthodoxie. Les anathématismes contre les antipalamites furent intégrés au Synodikon de l’Orthodoxie, et celui-ci fut lu tous les ans à compter de 1352, le premier dimanche du Grand Carême.

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La dernière période de la vie de Grégoire commença en 1347, lorsqu’il fut consacré Métropolite de Thessalonique qui était alors la deuxième ville de l’empire. Mais la ville étant secouée par la révolte populaire de ceux que l’on a nommé « zélotes », il ne put prendre possession de son siège qu’en 1350. Il profita de cette période de répit pour écrire les « 150 Chapitres ». La ville de Thessalonique ayant été profondément divisée par la révolte, il ne ménagea pas ses efforts pour réconcilier les parties en présence. Il insista dans ses Homélies sur la justice sociale et la nécessité de venir en aide aux pauvres et aux nécessiteux. Ces Homélies sont profondément sacramentelles, et complètent heureusement les autre écrits du saint. En 1354, se rendant par mer à Constantinople, il fut fait prisonnier par les Turcs et passa une année en prison en Asie Mineure, il participa à des controverses religieuses avec les Musulmans locaux. Sa rançon payée, il revint à Constantinople où il dut débattre avec Nicéphore Grégoras, et de retour à Thessalonique, il dut rédiger encore deux traités contre les Antirrhétiques de Grégoras. Dès sa mort en 1359, il fut vénéré à Thessalonique, à Constantinople et sur la Sainte Montagne, et ce n’est seulement que neuf ans plus tard, en 1368 qu’il fut formellement reconnu comme saint. Il est aujourd’hui considéré par l’Église orthodoxe comme l’un des plus grands Pères de l’Église, dont la doctrine fut canonisée par trois conciles. (Ce résumé est tiré, avec quelques modifications, de celui de la Philocalie anglaise.) B. LE RENOUVEAU DES ETUDES PALAMITES : Malgré toutes les difficultés liées aux circonstances historiques, la spiritualité hésychaste et la pratique de la prière de Jésus réussit à se maintenir en Syrie et en Grèce. C’est ainsi que le P. Irénée Hausherr S.J. dans un opuscule sur « La méthode d’oraison hésychaste » publié à Rome en 1927, nous raconte comment les Jésuites venus pour convertir au catholicisme les chrétiens d’Orient se heurtèrent aux orthodoxes qui pratiquaient encore cette forme de prière et se référaient à saint Grégoire Palamas. Le premier, le P. Michel Nau vécut longtemps en Syrie et dans son Ecclesiae romanae graecaeque effigies (Paris 1680), consacre tout un dialogue (le XVIIe) à l’hésychasme ; l’autre le P. François Richard dans son Bouclier de la Foi, ( τάργα τῆς πίστεως paru à Paris en 1658 il nous montre qu’il est très au coutrant des doctrines des orthodoxes, de plus il nous a laissé un livre où il nous parle de sa

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mission à Santorin1, et conclut le P. Irénée : « On n’a qu’à feuilleter cette relation pour se convaincre de la place que l’hésychasme tenait alors parmi les doctrines spécifiquement orthodoxes : les principales difficultés vinrent aux Jésuites dans leur apostolat auprès des Grecs de ce qu’ils voulaient s’attaquer aux théories de Grégoire Palamas, et voulaient persuader leurs auditeurs que le célèbre archevêque de Thessalonique n’était point du tout un saint2.» Au XVIIIème siècle, alors que se diffusait la philosophie des Lumières, la Grèce comme la Roumanie, furent l’objet d’un grand renouveau de l’orthodoxie, où la publication de la Philocalie tint une place capitale. En Grèce l’initiateur de ce mouvement fut Eugène Voulgaris (1716 -1806), encouragé par le patriarche Cyrille V qui en 1753 le mit à la tête de l’Académie du Mont Athos. Celui-ci eut de nombreux disciples de valeur dont Nicéphore Théotokis (1731-1800) à qui l’on doit l’editio princeps de saint Isaac le Syrien, saint Cosmas d’Étolie (1714- 1779), qui fut considéré comme « égal aux Apôtres », car il déploya auprès du peuple grec une extraordinaire activité de prédicateur, et bien d’autres, ce mouvement aboutit à la publication de la Philocalie en 1782 par saint Nicodème l’Hagiorite se saint Macaire de Corinthe. On notera que Nicodème l’Hagiorite avait préparé l’édition des œuvres complètes de saint Grégoire Palamas, mais son projet n’aboutit pas car l’imprimerie de Venise fut fermée par ordre du gouvernement autrichien et le manuscrit détruit par des soldats qui cherchaient des oeuvres de propagande bonapartiste3. En Occident, la théologie palamite allait faire l’objet d’attaques virulentes de la part des patrologues catholiques, en particulier au XVIIème siècle (L. Allatius, D. Pétau), au XVIIIème (M. De Rubeis) et au début du XXème avec M. Jugie4, ces attaques provoquèrent des réponses chez les orthodoxes.

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P. FRANÇOIS RICHARD, Relation de ce qui s’est passé de plus remarquable à Sant-Erini, isle de l’archipel, depuis l’établissement des Pères de Jésus en icelle. Avec la déclaration de plusieurs choses mémorables touchant le rit et la créance des grecs de ce temps, et touchant les feux sous-terrains qui sortirent du fond de la mer l’an 1650, avec plusieurs prodiges. Dédiée à nos Seigneurs de l’assemblée générale du clergé, … Paris, Cramoisy, MDCLVII. 2 IRENEE HAUSHERR, La méthode d’oraison hésychaste, Orientalia Christia Vol. IX – 2. Num. 36 Iunio et Iulio 1927, Pontifacale Institutum Orientalium Studiorum, Rome 1927, p. 104 (8). 3 PLACIDE DESEILLE, La spiritualité orthodoxe et la philocalie, coll. Spiritualités vivantes, Paris, Albin Michel, p. 66 – 68. 4 Cf. Jean-Claude Larchet, La théologie des énergies divines, coll. Cogitatio Fidei, Cerf 2010, p. 7

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1. M. JUGIE, « PALAMAS (GREGOIRE)», Dictionnaire de Théologie Catholique 5 , 11, 1931, col. 1735-1776. 2. M. JUGIE, « Palamite (controverse) », Dictionnaire de Théologie Catholique, 11,1931,col. 1777-1888. 3. M. JUGIE, « Les origines de la méthode d’oraison des hésychastes », Échos d’Orient, XXX, 1931, p. 176 – 185. Dans cette article il qualifie la prière hésychaste de « procédé mécanique (pour arriver) à bon compte (à l’enthousiasme). Ne pouvant citer l’ensemble des deux articles, je me bornerai à deux extraits tirés de l’article sur la controverse palamite et l’on comprendra rapidement de quoi il s’agit : col. 1777: Pour l’auteur les origines de la controverse « sont à chercher dans la fausse mystique qui a commencé à se glisser dans le monachisme byzantin à peu près à l’époque où l’Église byzantine elle-même rompait les derniers fils qui la rattachaient à l’Église romaine et maintenaient tant bien que mal l’union très lâche à laquelle on s’était habitué depuis plusieurs siècles. L’occasion prochaine a été la polémique entre Barlaam et les hésychastes athonites représentés par Grégoire Palamas. Nous avons montré comment, harcelé par une logique rigoureuse du moine calabrais, le défenseur des hésychastes avait été amené à inventer une théologie nouvelle sur l’essence de Dieu et son opération (énergie divine), à distinguer dans l’Être divin un élément primaire et un élément secondaire, à imaginer une lumière divine éternelle et incréée, mais réellement distincte de l’essence de Dieu… col. 1779 à propos de la controverse hésychaste, il explique que Barlaam a voulu s’informer sur les pratiques des hésychastes : « Il simule le rôle de disciple et s’adresse non aux plus instruits, mais à un novice. Que lui découvre-t-il ? Une pratique bizarre, presque scandaleuse, pour arriver au recueillement intérieur et à la vision de la lumière divine dès ici-bas. Cette pratique a été inventée dit-on, par Syméon le Nouveau Théologien… Elle consiste essentiellement à retenir son haleine le plus longtemps possible, et à répéter indéfiniment la prière : Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi, le menton appuyé sur la poitrine et le regard fixé sur le milieu du ventre ou le nombril. Cela s’appelle faire rentrer, enfermer l’esprit dans son cœur ou unir son esprit à son âme, car le ventre est considéré comme le siège de l’âme. Après un temps plus ou moins long passé dans ce laborieux exercice, l’hésychaste se voit rempli d’une joie ineffable, plongé dans la lumière divine. Il a trouvé le royaume de Dieu caché audedans de nous. C’est un avant-goût de la béatitude céleste. Cette lumière qui brille à ces 5

On peut accéder en ligne au DTC sur le site jesusmarie.com.

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yeux, c’est l’éclat même de la divinité, l’éclat dont resplendit le Christ sur le Mont Thabor, au jour de sa transfiguration… Voilà à peu près ce que répondit le moine à Barlaam, qui cria aussitôt au scandale et dénonça dans toute la capitale ce qu’il considérait comme un intolérable abus. » Et il conclut (col. 1810) : « De nos jours, malgré la fête de Palamas et en dépit de la lettre des anathématismes contenus dans le Triode, le dogme palamite dans l’ensemble de l’Église gréco-russe est un dogme à peu près mort. Non seulement il est oublié, mais il est contredit ouvertement par l’enseignement théologique officiel6.» Comme on le voit cette prise à partie caricaturale s’articule autour de deux arguments : 1. « L’invention » par saint Grégoire Palamas d’une « théologie nouvelle sur l’essence de Dieu et son opération » consistant à « distinguer dans l’Être divin un élément primaire et un élément secondaire, à imaginer une lumière divine éternelle et incréée, mais réellement distincte dans l’essence de Dieu ». Tout ceci est tout simplement faux, par exemple la notion d’énergie ou d’opération divine distincte de l’essence est largement utilisée par les Pères, mais on y reviendra. 2. « Une pratique bizarre, presque scandaleuse » celle de la prière hésychaste telle que caricaturée par Barlaam, à sa décharge on peut dire que celui-ci a interrogé un novice qui a pu présenter la prière hésychaste de façon simpliste. 3. Le dogme palamite est « oublié » et même « contredit ouvertement dans l’enseignement théologique officiel. »

Ces attaques déclencheront plusieurs réponses dans le monde orthodoxe, la première semble être de Mgr Basile Krivochéine, patrologue de renom qui publia les œuvres de Syméon le Nouveau Théologien dans la collection des SC. Sa réfutation paisible et argumentée tient compte aussi de l’étude d’I. Hausherr, La méthode d’oraison hésychaste, Orientalia Christiana, vol. IX, 2, 1927. 2. Mgr. BASILE KRIVOCHEINE, La doctrine ascétique et théologique de saint Grégoire Palamas, Prague 1936 (en russe). Texte repris dans le recueil : « Dieu, l’homme, l’Église», Cerf 2010, p. 19-71. Mgr Basile a écrit son article après avoir longuement séjourné sur la Sainte Montagne. 6

Voir aussi : Theologia dogmatica christianorum orientalium dissidentium, t. 1-4, Paris, 1926-1935, notamment t.2, p. 4 – 183.

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La théologie russe académique a été dominée pendant des siècles par des schémas de pensée empruntés à la scolastique occidentale ou au protestantisme, c’est ce que le P. G. Florovsky a appelé « L’exil de Babylone de la théologie russe », mais parallèlement existait un courant monastique avec une spiritualité fondée sur la Philocalie, qui irriguera la vie spirituelle, comme en témoigne par exemple les fameux « récits d’un pèlerin russe.» Le retour aux Pères de l’Église et à saint Grégoire Palamas s’inscrit donc dans une tendance de libération de la pensée théologique qui retrouve ses racines. Mgr Basile commence en situant la prière hésychaste dans son contexte patristique traditionnel qui remonte aux origines mêmes du monachisme, il explique le sens de cette prière pour Palamas. L’erreur faite aussi bien par Hausherr que par Jugie est de confondre les méthodes de la prière mentale avec son essence. Pour le P. Hausherr, comme pour le P. Jugie l’utilisation de moyens mécaniques comme la recherche du « lieu du cœur qui a valu aux hésychastes le nom « d’omphalo-psychiques » et la répétition incessante de la « Prière de Jésus », aboutit nécessairement et mécaniquement à la vision la « lumière du Thabor ». « En bref, arriver à des états spirituels élevés semble être le résultat de la persévérance dans l’exercice de la prière mentale, et non pas le fruit de l’union de intérieure de l’homme avec Dieu et la libre action de la grâce divine, ainsi que cela était en réalité enseigné par tous ceux qui pratiquaient cette prière7.» Quant à la méthode fondée sur la respiration, saint Grégoire enseigne que son rôle est tout à fait secondaire : elle est destinée à aider l’homme (surtout le débutant) à garder son esprit sans distraction, sinon celui-ci risque de laisser son esprit vagabonder, il est donc recommandé de lier la prière et la respiration, surtout au début, « tant que l’hésychaste n’est pas fermement enraciné par la grâce de Dieu dans la contemplation et le recueillement8.» par conséquent : 1. Cette méthode n’est pas une obligation pout tous ceux qui souhaiteraient atteindre la perfection dans la prière, elle est simplement recommandée, surtout aux débutants; 2. Cette méthode est accessoire ; elle est destinée à faciliter le recueillement. 3. Le succès de cette prière dépend en dernier ressort de Dieu ( σὺν θεῶ ἐπὶ τῷ χρεῖττον προΐοντες ). L’article de Mgr Basile est très riche, s’accompagne des notes abondantes dans lesquelles il analyse les positions de théologiens connus, qu’ils soient catholiques ou orthodoxes, par rapport à saint Grégoire. Sa réfutation en quelques lignes de l’identification que fait le P.

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MGR BASILE KRIVOCHEINE, op. cit. , p. 29 note 3 ID., IBID., P. 31.

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Boulgakov de la Sophia avec les énergies divines incréées est brillante9. Après avoir analysé les grands thèmes de la théologie du saint concernant la lumière incréée et les énergies divines, il conclut son article en écrivant : « Pour résumer brièvement le rôle joué par Grégoire Palamas dans le développement de la pensée orthodoxe, on peut dire que l’enseignement mystico-ascétique traditionnel de l’Orient orthodoxe trouve dans son œuvre non seulement son expression systématique et achevée, mais aussi sa justification philosophique et théologique. par cette doctrine de la lumière incréée et des énergies divines, Grégoire a donné une base théologique indestructible à l’enseignement mystique traditionnel de l’Église orthodoxe, puisque ce n’est qu’en partant de cette doctrine que l’on peut affirmer de manière cohérente la réalité de la communion entre Dieu et l’homme et la réalité de la déification sans tomber dans la confusion panthéiste de la créature et du Créateur qui, immanquablement, se produit si l’essence divine est identifiée à son énergie. Il n’est donc pas exagéré de comparer l’œuvre et le combat de saint Grégoire avec les réalisations et la lutte pour l’orthodoxie de saint Athanase d’Alexandrie. Cette comparaison nous parût d’autant plus justifiée que, comme Athanase le Grand fit entrer dans l’usage ecclésiastique – en dépit des protestations des pseudo-traditionnalistes de l’époque (nous pensons à Eusèbe de Césarée et autres semi-ariens) le terme théologique jusque là inconnu de « consubstantiel» (ὁµοόυσιος) et qu’il exprima par lui l’ancien enseignement de l’Église sur la deuxième hypostase imparfaitement formulé auparavant, de même saint Grégoire, grâce à un développement audacieux et à un affinement théologique de la doctrine déjà existante sur la lumière et les énergies divines, exprima et donna un fondement à l’enseignement traditionnel de l’Église sur la réalité de la manifestation de la manifestation de la divinité incréée dans le monde créé, sur la réalité de la communion mystique entre Dieu et l’homme, sur la possibilité offerte à l’homme de dépasser par la grâce ses limites créées sans confusion panthéiste et sans absorption par l’être divin. En approfondissant et en élargissant les bases théologiques des données de l’expérience mystique de l’Église, saint Grégoire Palamas a pris une place d’importance capitale et permanente. C’est pourquoi l’Église orthodoxe célèbre 9

ID. IBID., p. 75 note : « Dès le départ il semble qu’il existe une différence substantielle entre les deux. Ainsi, saint Grégoire récuse-t-il résolument toute passivité en Dieu, alors que Boulgakov par le souvent du principe féminin « passif » en lui. En outre chez Boulgakov, la Sagesse possède souvent un caractère quelque peu hypostatique (bien que n’étant pas, bien bien entendu une quatrième hypostase, alors que chez saint Grégoire, les énergies divines ne sont ni hypostatiques, ni autonomes. Il nous semble donc très difficile de parler d’une similitude interne entre ces deux doctrines. »

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chaque année sa mémoire avec autant de solennité et d’amour, vénérant en lui non seulement le héros dont la vie personnelle répand une odeur de sainteté, mais un des piliers de sa théologie « célestement tissée », le confesseur glorieux « du grand sacrement de la piété10. » Je vous rappelle le tropaire de sa fête : Ὀρθοδοξίας ὁ φωστήρ, Ἐκκλλησίας τὸ στήριγµα καὶ διδάσκαλε, Tῶν µοναστῶν ἡ καλλονή, τῶν θεόλογων ὑπέρµαχος ἀπροσµάχητο, Γρηγόριε θαυµατουργέ, Θεσσαλονίκης τὸ καύχηµα, κῆρυξ τῆς χάριτος, ἱκέτευε διὰ παντός, σωθῆναι τὰς ψυχάς ἡµῶν. Ce que le P. Denis Guillaume traduit : « Luminaire de l’orthodoxie et docteur de l’Église, dont tu fus le ferme appui, Ornement des saints moines et rempart invincible des théologiens, Saint Grégoire Thaumaturge, gloire de Thessalonique et de la grâce le héraut, Intercède auprès de Dieu pour le salut de nos âmes.» Il y a dans ce tropaire des accents et un vocabulaire qui rappelle celui de l’Hymne Acathiste à la Mère de Dieu, ce n’est pas un hasard, car comme son icône protégea Constantinople des ennemis, saint Grégoire fut le défenseur de l’Orthodoxie dans une période de crise. 3. Le P. Dumitru Staniloae : « L’entre deux guerres, âge florissant de la Roumanie, est marquée par un renouveau de l’intérêt porté par les intellectuels et les théologiens à la tradition hésychaste, tout particuliéremnent à l’œuvre de saint Grégoire Palamas. Depuis le début du XXe siècle, la théologie académique roumaine est fortement dominée par la néo-scolastique représentée dans le monde orthodoxe par C. Androutsos, dont le père Staniloae, fin-hellénisant, traduira dans un premier temps la Dogmatique…. Le père Staniloae fut sans contexte le théologien qui contribua le plus activement à la redécouverte du palamisme et à la popularisation de la Philocalie en Roumanie. D’abord, dès 1937, il rédigea le premier exposé systématique de la vie et de l’œuvre de saint Grégoire Palamas11 . Ensuite dans son premier véritable ouvrage de théologie, Jésus-Christ ou la restauration de l’homme, il insista plus qu’aucun de ses contemporains sur la notion de divinisation, entendu comme procédé à la fois inscrit dans la nature de l’homme en tant 10

Cet office qui est celui du dimanche de la deuxième semaine de Carême a carrément été supprimé dans les églises de rite oriental et rattachées à Rome, comme l’Église melkite, où il est remplacé par un office « aux saintes reliques. »

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D. STANILOAE, Viatz

si învataturile sfântului Grigorie Palama, Bucarest 1937.

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qu’être créé et appelé à la rédemption, et comme tâche dont la purification des passions par l’ascèse constitue l’instrument. Mais c’est surtout en traduisant et en commentant, tout au long de sa vie, la Philocalie, qu’il s’imposa comme le principal porteur de ce mouvement12.» 4. C. KERN, « Les éléments de la théologie de Grégoire Palamas.», Irénikon, 20, 1947, p. 6-33 et 164-193. Le mouvement était lancé. Renforcé par les études des P. Georges Florovsky (1959)13, Vladimir Lossky (196214, 1983 ), celui-ci exprime bien le sentiment général des théologiens orthodoxes en écrivant : « Pour nous, saint Grégoire de Thessalonique, loin d’être l’auteur d’une doctrine nouvelle, n’est qu’un témoin de la Tradition, au même titre qu’un saint Athanase, un saint Basile, un Grégoire de Nazianze, ou un saint Maxime15. » Ce mouvement aboutira à la publication des œuvres complètes du saint par le Professeur Panagiotis Christou à Thessalonique et aux études du P. Jean Meyendorff. Désormais le monde occidental va s’intéresser à saint Grégoire Palamas. C. Bibliographie : Désormais nous disposons d’un outil de travail récent et très complet ; je veux parler de l’ouvrage publier dans la série « Corpus Christianorum ». Carmelo Giussepe Conticello et Vassa Conticello, La théologie byzantine et sa tradition, tome II (XIIIe- XIXe s), Brepols 2002 article :« Gregory Palamas » par le P.Robert E. Sinkewick (Toronto), p. 131 – 188. Cette étude, en anglais, comprend: I Une biographie (p. 131-137) II Une liste des œuvres (p. 138 – 155) en commençant en A/, par les œuvres théologiques. Chaque notice donne le titre de l’œuvre en grec, la date, les éditions et les traductions. Il y a ainsi 20 œuvres théologiques de Palamas. Suivent en B/ les lettres, soit au total 23 lettres. 12

DUMITRU STANILOAE, Théologie ascétique et mystique de l’Église Orthodoxe, coll. Orthodoxie, Paris, Cerf 2011, Avant-propos, p. 15-17. 13 GEORGES FLOROVSKY, « Saint Grégoire Palamas and the Tradition of the Fathers », Greek Orthodox Theological Review 5, 119 – 131 ; réimpression dans : Gorges Florovsky, The Bible, the Church, and Tradition : An Eastern Orthodox View (Belmont, Mass. ; Nordland Publishing, 1979 ). 14 VLADIMIR LOSSKY, Essai sur la théologie Mystique de l’Église d’Orient, Paris, Aubier 1944, et La vision de Dieu, Éd. Neuchatel, Delachaux & Nestle 1962. 15 VLADIMIR LOSSKY, À l’image et à la ressemblance de Dieu, Aubier Monataigne, 1967, p. 40. Réédition Cerf 2006.

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Chacune est présentée comme les œuvres théologiques. C/ Les écrits spirituels ou liés à la pastorale de Palamas comme les Homélies de Palamas. Sur ce point le volume n’est pas à jour, car les Homélies ont été publiées en 2015 dans la collection des oeuvres complètes (syggramata) de Thessalonique ont elles constituent le sixième et dernier volume. D/ Tomes Synodaux (p. 154) enfin viennent en E/ la Vie du saint par le patriarche Philothée Kokkinos (p. 154 – 155) et l’office célébré pour le saint (p. 155). III une présentation de la théologie de saint Grégoire (p. 155 – 171) IV Les conclusions (p. 171 – 173). V. Une bibliographie complète jusqu’en 2000 et organisée par date (p. 173 – 182) Enfin une publication par l’auteur du Tome de la Sainte Montagne ou Tome Hagiorite.(p. 183 – 188). L’ensemble représente donc un instrument de travail tout à fait utile pour l’étude du saint. Cependant je voudrais revenir sur plusieurs points de la bibliographie : 1. La publication des œuvres complètes : •

La première collection des œuvres complètes de Palamas fut réalisée au XVème siècle, peut être à l’initiative du patriarche Philothée Kokkinos (mort en 1379) disciple de saint Grégoire. Elle fut déposée au monastère de la Grande Laure (Megisti Lavra), elle comporte trois manuscrits ou codex. Elle se trouve désormais à la BNF : ce sont les manuscrits Coislin 98/99/ 100, les manuscrits sont accompagnés d’une notice descriptive (http:// archivesetmanuscrits.bnf.fr). On peut télécharger ces manuscrits gratuitement sur le site Gallica de la BNF. Les manuscrits se trouvent sur des microfilms que l’on peut aussi consulter en salle de lecture. Je conseille à tous ceux qui doivent consulter des sources patristiques grecques de suivre le cours d’initiation à la paléographie grecque Mme Brigitte Mondrain à l’EPHE IV.



L’édition princeps des œuvres complètes de saint Grégoire est donc celle de Thessalonique, et elle est connu sous le nom de ΣΥΓΓΡΑΜΑΤΑ (Oeuvres Complètes), elle comprend six volume le premier date de 1988 et le dernier de 2015. Réalisée sous la direction du Pr. Panagiotis Christou, plusieurs chercheurs y contribuèrent. Le dernier volume, publié en 2015 et qui comprend les Homélies, fut l’œuvre du Pr. Basile Pseudogas, qui fut un collaborateur de Christou depuis le

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premier volume. Ces volumes nous donnent une édition critique du texte grec d’après les manuscrits. •

Parallèlement à cette édition, le professeur Panagiotis Christou publia une édition complète des œuvres en 11 volumes, y compris avec les Homélies, contenant le texte original et une traduction de celui-ci en grec moderne, dans la série des ΕΛΛΗΝΕΣ ΠΑΤΕΡΕΣ ΤΗΣ ΕΚΚΛΗΣΙΑΣ (ΕΠΕ) aux éditions « ΓΡΗΓΟΡΙΟΣ Ο ΠΑΛΑΜΑΣ», toujours à Thessalonique. Le premier volume date de 1981 et le dernier 1986. Cette édition est extrêmement précieuse pour tout chercheur connaissant le grec moderne. La traduction est fiable, car elle fut réalisée par le Professeur Christou lui-même.



Récemment une traduction complète des œuvres de saint Grégoire, accompagnées du texte grec en regard, a été publiée en italien aux éditions Bompiani, dans la collection « Il pensiero Occidentale». Elle comporte trois forts volumes, chacun ayant plus de 1500 pages. Le premier volume a été publié en 200316, le second en 200517 et le troisième en 200618. Ce dernier volume, plus épais : plus de 1800 pages comprend aussi une série d’index. La traduction est celle d’Ettore Perella, catholique et psychanaliste, celle-ci bien que n’étant pas celle d’un helléniste professionnel, mais c’est le cas de la majorité des traducteurs,

est tout à fait recevable et elle peut être utile pour toute personne

souhaitant traduire une œuvre ou un passage de Palamas. Cette édition est donc postérieure à la notice du P. Robert E. Sinkewick. Venons en maintenant aux traductions et les études disponibles en français : 2. Les traductions et les études : A. Les traductions en français : On sait que le P. Jean Meyendorff consacra une partie de son existence à l’étude de saint Grégoire Palamas, il participa aussi à l’édition de Thessalonique. Bon helléniste, il avait aussi une formation de paléographe qui lui permettait de lire les manuscrits pour établir les textes. 16

GREGORIO PALAMAS, Atto e Luce Divina, scritti Filosofici e teologici, Bompiani « Il pensiero Occidentale », Milano 2003. (1529 pages) 17 GREGORIO PALAMAS, Dal Sovraessenziale all’essenza : confutazioni, discussioni, scritti confessionali, documenti dalla prigioni fra i Turchi, Bompiani « Il pensiero Occidentale», Milano 2005. (1565 pages). 18 GREGORIO PALAMAS, Che cos’è l’ortodossia : capitoli, scritti ascetici, lettere, omilie, Bompiani « Il pensiero occidentale », Milano 2006. (1816 pages)

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Sa principale traduction fut celle de la Défense des saints hésychastes, qu’il publia en 1959 à Louvain, avec le texte grec en regard. * Grégoire Palamas, Défense des saints hésychastes (introduction, texte critique, traduction et notes.) Louvain « Specilegium Sacrum Lovaniense, 1959 (deux volumes). Cette œuvre est en quelque sorte une défense et illustration de la spiritualité et de la prière hésychaste qui faisait l’objet de violentes attaques. C’est sans doute l’une des œuvres les plus importantes de saint Grégoire. •

Grégoire Palamas, Douze Homélies pour les fêtes, introduction et traduction de Jérôme Cler, coll. « l’échelle de Jacob », Paris, O.E.I.L./ YMCA-PRESS, 1987 (211p.).

Choix d’Homélies lesquelles ont désormais été traduites dans leur totalité en anglais : Saint Gregory Palamas, The Homilies, Mount Thabor Publishing, 2009. La traduction a été faite par Christofer Veniamin sous l’auspice du monastère d’Essex en Angleterre. L’édition en est particulièrement soignée et comporte en particulier plusieurs index. •

Saint Grégoire Palamas, De la déification de l’être humain, L’Âge d’Homme 1990. Ce volume contient une traduction par M. J. Monsaingeon et J. Paramelle d’un bref traité de saint Grégoire : De la divine et déifiante participation ou De la divine et surnaturelle simplicité, suivi de la traduction d’une étude du Pr Georges Mantzaridis, La doctrine de saint Grégoire Palamas sur la déification de l’être humain.



Plusieurs textes importants de saint Grégoire sont présents dans la Philocalie grecque qui a été traduite en français : Philocalie des Pères neptiques ; composée à partir des saint Pèrs qui portaient Dieu, et dans laquelle, par une sagesse de vie, faite d’ascèse et de contemplation, l’intelligence est purifiée, illuminée et atteint la perfection, publiée pour la première fois par saint Nicodème l’Hagiorite à Venise, en 1782. Traduction en français et notes par Jacques Touraille, cette traduction a été rééditée à plusieurs reprises. Sous sa dernière forme, publiée par l’Abbaye de Bellefontaine, les textes de saint Grégoire se trouvent dans le fascicule B 3 :« De Grégoire Palamas à Calliste et Ignace Xanthopoulos » (2005). La traduction a été réalisée sous la responsabilité du P. Boris Bobrinskoy et du groupe de traduction de la Philocalie. Parmi ces textes on notera la traduction d’un traité adressé à la moniale Xénée, qui a été repris récemment par « La lumière du Thabor » aux éditions de l’Âge d’Homme sous le titre : « Lettre à Xénie la moniale » en 2012. La traduction étant celle du P. Ambroise Frontrier, et surtout les « 150 Chapitres ». Ceux-ci ont été réédités à partir des manuscrits par Robert E. Sinkewicz : Saint Gregory Palamas, The one hundred

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and fifty Chapters, Pontifical Institute of Medieval Studies, Toronto1988. C’est une bonne édition du texte, avec de nombreuses notes, une bibliographie et des index. La traduction de la Philocalie française étant de qualité très médiocre, on peut utiliser avec profit la traduction anglaise et en particulier : G.E.H. Palmer, Philipp Sherrard and Kallistos Ware, The Philokalia, the complete text, Volume IV, Faber and Faber, Londres, 1995. En particulier : « To the most Reverend Nun Xenia », p. 293 – 322, et : « Topics on Natural and Theological Science and on the Moral and Ascetic Life : One Hundred and Fifty Texts » titre anglais des « 150 Chapitres ». Ce traité composé assez tardivement dans les années 1349-1350 constitue une véritable mise au point et une synthèse doctrinale de la pensée du saint à cette époque, qui est antérieure à sa confrontation avec Grégoras. Le P. Jean Meyendorff le considérait comme une sorte de « summa systématique ». En raison de son importance, j’ai entrepris une nouvelle traduction du texte. •

Les « Traités apodictiques ou démonstratifs sur le procession du Saint-Esprit », dont le titre était plutôt à l’origine « Contre les Latins » ou « Sur la procession du SaintEsprit », ont été traduits avec des notes par Emmanuel Ponsoye, aux éditions de l’Ancre 1995. On peut faire plusieurs remarques : Il s’agit d’un texte fondamental dans le débat avec l’Église latine puisqu’il traite de la question du « Filioque », qui reste une « pierre d’achoppement » entre les deux Églises. La traduction est précédée par une importante et profonde introduction de Jean-Claude Larchet. Cet ouvrage étant désormais épuisé et la traduction pouvant en être améliorée, j’ai personnellement entrepris une nouvelle traduction qui est désormais achevée, j’espère qu’elle sera rapidement publiée. B. Études disponibles en français : 1. La meilleure étude, quoique dépassée sur certains points, reste la thèse du P. Jean Meyndorff, Introduction à l’étude de saint Grégoire Palamas, Patristica Sorboniensa 3, Paris, Seuil, 1959 (431 pages). La première partie traite de la « personnalité de saint Grégoire » (p. 25 – 170). C’est une vie détaillée du saint. La deuxième : « La pensée de saint Grégoire Palamas », p. 173 – 327). Le tout est suivi d’Appendices et d’index, le premier donnant la tradition manuscrite de chaque œuvre, les éditions, classification et un résumé du contenu. L’appendice II donne une liste des sources contemporaines. L’ensemble est suivi d’un index des noms propres, des mots grecs, et des auteurs modernes cités. C’est une œuvre

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inégalée, toujours fondamentale pour l’abondance de son information, même si certains chapitres comme : « Une théologie existentielle » font sourire, car dénotant un certain climat intellectuel propre à l’époque. 2. Toujours de jean Meyendorff, l’article « Palamas (Grégoire), dans le Dictionnaire de Spiritualité, Paris, Beauchesne, 1984, t. XII/1, col. 81 – 107 donne un bon exposé de la théologie de saint Grégoire. 3. Un petit ouvrage du P. Jean est un petit résumé de sa thèse : Saint Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe, Paris, Éd. du Seuil, 1959, 20022. 2. Le second ouvrage important est celui du Métropolite Amphiloque, Le mystère de la Sainte Trinité selon saint Grégoire Palamas, coll. Orthodoxie, Cerf 2012. Cet ouvrage que j’ai eu l’honneur de traduire est la traduction française de la thèse de doctorat de Mgr Amphiloque, publiée en 1973, en grec dans la collection du Centre patriarcal des études patristiques « Vlatadon » à Thessalonique. Alors que les études sur saint Grégoire Palamas avaient tendance à s’effriter en partant dans des considérations de toutes sortes, tantôt philosophique par exemple les spéculations sur la relation entre l’essence divine et les énergies, ou même carrément de prestige : il n’était pas possible que saint Grégoire ait pu lire saint Augustin que certains avaient diabolisé. Mgr Amphiloque, restitue toutes ces problématiques dans leur véritable dimension : la dimension trinitaire et la compréhension patristique de Dieu qui donne son sens à tout le reste. Il s’agit donc d’un tournant dans les études palamites où les éléments de sa pensée sont restitués dans leur véritable dimension. Ce livre profond est admirable en ce qu’il témoigne d’une connaissance et d’une assimilation par l’auteur de la pensée du saint qu’il connaît parfaitement. Malheureusement cette mise à jour ne sera pas toujours reçue en Occident, tout simplement parce que l’on ignore souvent le grec moderne, et l’on continuera de discuter de problèmes qui ont été depuis longtemps résolus par Mgr Amphiloque. 4. Le troisième ouvrage est celui d’un dominicain : Jacques Lison, L’Esprit Répandu, la pneumatologie de Grégoire Palamas, coll. Patrimoines orthodoxie, Paris, Cerf 1994. C’est un bon ouvrage écrit sans préjugés, le P. Jacques Lison étant dirigé par le P. André de Halleux, père catholique très bon patrologue, a toujours écrit des articles mesurés et intéressants et on peut le lire avec profit.

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Toutefois, il y a un point sur lequel le P. Jacques Lison reste silencieux, c’est celui du Filioque, ce qui est quand même une grosse lacune quand on parle de la pneumatologie du saint. À ces ouvrages il convient d’ajouter deux ouvrages importants concernant la distinction entre l’essence et les énergies divines, on a vu que le P. Jugie reprochait à saint Grégoire d’avoir « inventé » cette distinction, on sait qu’il n’en est rien comme le confirme ces ouvrages. Le premier est celui de Jean-Claude Larchet, La théologie des énergies divines, des origines à saint Jean Damascène, coll. Cogitatio Fidei, Paris, Cerf 2010. L’auteur retrace les origines de cette notion dans la philosophie, dans les Écritures, et chez les Pères de l’Église jusqu’à saint Jean Damascène. Dans le compte-rendu qu’il fait de cet ouvrage le dominicain A. Lévy déclare : « À nos yeux, il ne fait aucun doute que la notion d’énergie(s) incréée(s), distinctes(s) de l’essence divine, tout comme celle de grâce incréée qui lui est étroitement associée, appartiennent à l’enseignement le plus vénérable et le plus constant des Pères grecs. De ce point de vue le dossier rassemblé par l’auteur est, comme le laissaient pressentir tant de travaux antérieurs, accablant pour ceux qui souhaiteraient encore nier l’évidence des textes. On touche bien ici une ligne de partage entre le monde latin et le monde byzantin19. » Il conteste le caractère aphilosophique de la notion et s’aligne sur les positions de D. Bradshaw dans un autre ouvrage de grande valeur : Arisotle East and West, Cambridge University Press, 2004. Pour lui, c’est Aristote (Physique III, 3 ; De Anima III, 2) qui est la source de la doctrine de la « double énergie », des néo-platoniciens, celle essentielle de l’Un inconnaissable et origine de toute existence ( ἐνεργεία τῆς οὐσίας), et celle qui procède immédiatement de l’Un comme faisant venir à l’être toutes les réalités (ἐνεργεία ἐκ τῆς οὐσίας) ; cette énergeia jaillie directement de l’ousia de l’Un inconnaissable sans pour autant se confondre avec cette dernière comme principe producteur et divinisant serait ainsi à l’origine de la notion d’énergie chez les Pères grecs.

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A. LEVY, CR de : La théologie des énergies divines de J. Cl. Larchet, Istina LVI, 2011, n°3, p. 172

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